«Il faut s'attendre, au meilleur des cas, à une flambée des prix sur les produits finis dans les trois prochaines semaines au Maroc». C'est en ces mots qu'Amine Berrada, le PDG de la Compagnie chérifienne de chocolaterie, décrivait les perspectives peu reluisantes qui s'offraient aux activités des industriels marocains de la chocolaterie, au lendemain de l'arrêt des exportations de cacao des autorités légales ivoiriennes, en janvier dernier. Aujourd'hui, ces perspectives demeurent encore plus floues que jamais, malgré que le contexte politique de ce pays, premier exportateur moniale de fèves de cacao, ait connu récemment une tournure plus favorable. «Nous n'avons encore aucune visibilité sur la suite de tout cela. En dépit du fait qu'il existe un réel potentiel à la baisse des cours, les places boursières internationales sont encore très frileuses», nous confie la même source, qui est à la tête de l'une des marques les plus en vue, sinon la seule, sur la marché local de la chocolaterie. Pis encore, «les tendances seraient même à une poursuite de la hausse», comme l'affirme cette dernière. Pour le moment, l'heure est à la répercussion, de cette flambée, sur le consommateur. Après deux mois d'hésitation, la marque applique, depuis le début de ce mois, une hausse de 10% sur le prix de vente de certains de ses produits. Amine Berrada ne nous donnera pas plus de précisions sur quels types de produits il s'agit exactement, mais tout montre que ce renchérissement aurait épargné les produits d'entrée de gamme, pour se porter plutôt sur les gammes premium. Le management de la marque n'avait plus le choix. C'était soit augmenter les prix, soit mettre en danger la continuité de ses activités. «Nous avons tenté de retarder au maximum cet impact. L'envolée des prix de la poudre de cacao nous a mis dans une situation difficile, avec des hausses exceptionnelles de près de 50%», décrit Berrada. Ceci dit, la barre de chocolat a été plus difficile à avaler pour d'autres. «Plusieurs industriels ont préféré fermer boutiques. Les marges étaient devenues insignifiantes, avec de fortes baisses, ce qui a eu raison de leurs activités». De fait, il faut savoir que près de 80% du chocolat commercialisé sur le marché marocain est produit à base de végécao. Il s'agit d'une variante de chocolat, issue d'un mélange de poudre de cacao, de graisse végétale, de lécithine, de lait, d'arômes et de sucre. Un vrai cocktail de flambées : chacun des ingrédients du végécao a connu de fortes augmentations des cours sur le marché international. Le lait, notamment, est sur le feu depuis bien des mois déjà et là aussi, une forte ébullition est en cours. Aujourd'hui, difficile de mesurer l'ampleur des dégâts, puisqu'aucune information ne filtre sur ces arrêts d'activités. La Compagnie chérifienne de chocolaterie est la seule du royaume à fabriquer ses produits directement à partir de la fève de cacao. Ce détail a son importance. Pour Berrada, en effet, cette exception à la règle du marché, en termes de qualité de produit, a permis à la Compagnie chérifienne de chocolaterie de minimiser les dégâts sur sa marque et de conserver son niveau de production, malgré la tension sur le marché. Visibilité réduite Cette disgrâce conjoncturelle, sur un business aussi alléchant n'était certes pas la bienvenue sur un marché où le chocolat est encore un produit de luxe et très faiblement concerné, en comparaison à nos voisins maghrébins. Le Marocain ne consomme aujourd'hui qu'une moyenne chatouillant le kilo de chocolat par année. Là où, en Tunisie, les chiffres étaient de 3 kg et de 7 kg en France (chiffres 2008). Les Américains, quant à eux, sont, loin devant avec une consommation avoisinant les 9 kg par an. Avec une visibilité réduite, il est certain que les producteurs locaux auront beaucoup de mal à booster la consommation. Pour La Compagnie chérifienne de chocolaterie, en l'occurrence, le management met les bouchés doubles et affiche un plan d'investissement dans le moyen terme de 200 million Dhs. L'objectif est bien sûr de faire mieux que les 15% de croissance annuelle de chiffre d'affaires. Mais dans le contexte actuel, 2011 sera toutefois une exception.