On ne le dira jamais assez, le projet de régionalisation avancée devrait révolutionner l'économie marocaine. Cela dit, plusieurs semaines après la présentation des propositions de la Commission consultative, plusieurs questions subsistent quant aux préalables nécessaires à l'instauration d'un tel chantier. Parmi ceux-ci, les moyens financiers dont disposeront les régions sont, sans nul doute, le principal défi qui devra être relevé pour la mise en place d'un modèle de régionalisation pertinent. L'équation est évidente mais complexe: pour être autonomes les régions doivent avant tout pouvoir s'autofinancer. Une équation d'autant plus délicate à résoudre que le constat actuel démontre que «le rôle des régions en matière de dynamique du développement économique régional demeure relativement faible comparé à celui de l'Etat central et des établissements publics», reconnaît-on auprès de la commission d'Azziman. En d'autres termes, nous sommes aujourd'hui dans une configuration totalement contradictoire avec le modèle qu'est censé introduire le projet de régionalisation, à savoir que les investissements réalisés par les régions ne représentent que 8% des investissements publics. Comment peut-on donc redynamiser la contribution des régions dans le développement économique ? La réponse est on ne peut plus claire : les régions doivent disposer d'assez de ressources financières pour se substituer à l'Etat central. Pour ce faire, la Commission consultative pour la régionalisation s'est livrée à un véritable travail de fourmi pour analyser l'état actuel des choses. Dans ce sens, «les ressources dont elles disposent restent relativement limitées», peut-on lire dans l'un de ses rapports.L'analyse de ces ressources commence de ce fait par la contribution des impôts locaux dans les recettes globales des collectivités, puisqu'il s'agit du véritable baromètre de l'autonomie financière des régions. «Au Maroc, la fiscalité locale englobe les taxes gérées directement par les collectivités locales ainsi que celles gérées pour leur compte par l'Etat que sont la taxe professionnelle, la taxe d'habitation et la taxe de services communaux. Ceci dit, ce sont ces dernières qui représentent la plus grande part des recettes», nous explique un fiscaliste. En tout, les collectivités locales ont généré à travers la fiscalité locale des revenus de 6,97 MMDH en 2009, soit 22% seulement de l'ensemble des ressources. «La contribution de la fiscalité locale dans le total des recettes se trouve nuancée en parcourant les quatre niveaux de décentralisation au Maroc», ajoute la commission d'Azziman. En effet, en analysant les données du rapport sur la régionalisation avancée, il ressort que les communes urbaines, dont le produit des impôts locaux représente 33% de leurs recettes totales, demeurent de loin le niveau qui mobilise une forte fiscalité locale. Viennent ensuite les régions avec une contribution de la fiscalité locale de 30% et les communes rurales avec 14%, reléguant les préfectures et provinces au dernier rang, avec une part de 2%. Par ailleurs, si l'on veut faire des régions un moteur de l'investissement public, c'est au niveau du transfert des ressources centralisées vers les collectivités locales que la problématique se pose. Certes, la configuration actuelle prévoit déjà ce dispositif. Les ressources transférées aux collectivités englobent leur part dans le produit de l'IR, l'IS, la TVA et la taxe sur les contrats d'assurance ainsi que les fonds de concours.Cependant, c'est au niveau des bases retenues pour le calcul de ces transferts que la problématique devient pesante. En effet, la répartition du produit des impôts affectés dépend étroitement des attributions réellement exercées et des charges dévolues à chaque niveau des collectivités locales. De ce fait, les communes urbaines, aux charges fonctionnelles relativement importantes, occupent le premier rang avec des ressources transférées établies à 5,86 MMDH en 2009, soit 36% du total transféré. Les préfectures et provinces avec 5,34 MMDH, qui représentent 33% du total transféré, se placent en deuxième position. Les communes rurales, avec 26% sont en troisième position, reléguant ainsi les régions au dernier rang avec un montant évalué à 833 millions de dirhams (MDH), soit 5% du total. C'est dire que, finalement, le mode d'affectation des ressources centralisées se base principalement sur l'importance des dépenses de la collectivité locale et non sur sa contribution économique. Cette problématique n'est pas près d'être résolue au vu de la proposition contenue dans le rapport sur la régionalisation présenté au Souverain. Dans celui-ci, il est en effet prévu que la part du produit des impôts et taxes actuellement versée par l'Etat aux conseils régionaux va être accrue notamment par le relèvement de 1% à 5% des parts respectives des produits de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu qui leur sont affectées. Il est également proposé de partager à parts égales entre l'Etat et les conseils régionaux le produit des droits d'enregistrement et de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles. L'éligibilité des régions au produit de la TVA, au titre de l'investissement, est aussi citée comme un facteur de renflouement des caisses des régions. Certes, ces propositions sont de nature à donner les moyens financiers aux régions d'accroître leur contribution à l'investissement public et, partant, au développement économique. Ceci dit, le caractère de solidarité prend le dessus sur celui de l'autonomie puisque, in fine, on retrouvera des régions comme Casablanca dont les recettes fiscales générées par les entreprises locales seront allouées en grande partie à d'autres régions. Région nord, le challenger S'il ne fait aucun doute que Casablanca est la dynamo de l'économie nationale, le nouveau découpage proposé par la commission d'Azziman fait ressortir la région du nord comme deuxième «puissance» économique du pays. En effet, à ce titre, il est relevé que le nord est la seule région, en plus de Casablanca, dont la moyenne des investissements dépasse celle en registrée au niveau national. En revanche, en termes de PIB par habitant, elle se retrouve aujourd'hui en queue de peloton avec 13 DH par habitant seulement. Par ailleurs, s'agissant des ressources, la région collecte aujourd'hui 9,6 MDH comme recettes fiscales, soit l'équivalent de 852 DH par habitant. Ceci dit, seules 31 communes, sur les 110 que compte la région, arrivent à dépasser cette moyenne. L'Oriental s'en sort Avec un PIB de 18,1 DH par habitant, la région de l'Oriental et du Rif présente aujourd'hui des indicateurs économiques en ligne avec la moyenne nationale. À ce titre, il y a lieu de préciser que la région se classe aujourd'hui première en termes de valeur ajoutée du secteur primaire. C'est dire la prédominance de l'activité agricole dans l'économie locale. En termes de recettes fiscales, la région 2 du nouveau projet de découpage n'a rien à envier à sa voisine du nord puisqu'elle arrive à générer 964 DH par habitant, soit une moyenne régionale dépassant 68 MDH. Sur les 147 communes retenues dans le cadre du nouveau découpage, plus de 50 arrivent à dégager des ressources supérieures à la moyenne de la région. Fès-Meknès se cherche C'est la région qui compte le plus grand nombre de communes après Marrakech-Safi, pourtant elle n'est que la dixième du royaume en matière de PIB par habitant. La région Fès-Meknès ne génère en effet que 14 DH par habitant, avec une prédominance du secteur tertiaire en termes de valeur ajoutée. Au niveau des finances locales, la région collecte 1.045 DH par habitant pour des dépenses de l'ordre de 652 DH. Pour sa part, la moyenne régionale des recettes fiscales se limite à 3,5 MDH. À noter que sur les 194 communes de la région, 60 parviennent à dégager plus de recettes que la moyenne. En dépit de cette performance, Fès-Meknès n'est que cinquième du royaume en matière d'investissements réalisés en 2009. Rabat-Salé et Kénitra, une économie tirée par les services Être capitale administrative, ça rapporte. Quelque 61 MMDH des 74 milliards du PIB dégagé par la région de Rabat-Salé et Kénitra proviennent du secteur tertiaire, regroupant les activités de prestations de services. C'est dire aussi que, dans la région, l'industrie fait figure de laissée pour compte. À ce titre, considérant un indice de 100 pour l'ensemble du territoire national, l'indice de la région en termes de performances industrielles ressort tout au plus à 76, s'agissant autant d'investissement, de production que d'exportation. L'un dans l'autre, la région s'impose comme deuxième contributeur au PIB national,dont elle génère 13,73%. Pourtant, le PIB par habitant de la zone n'est que de 19.195 DH à peine, la moyenne nationale étant établie à 19.162 DH. Côté finances régionales, sur les 125 communes que regroupe la région, 57% affichent des recettes supérieures à la moyenne nationale, quand 54% du même total engagent des dépenses supérieures à la moyenne. En outre, près de 12% des communes génèrent des recettes fiscales supérieures à 16 MDH, correspondant à la moyenne régionale de recettes. Beni-Mellal, Khénifra, une région qui se défend Sur le plan industriel, la région Béni-Mellal, Khénifra paraît être un nain. En effet, si l'ensemble du Maroc est noté 100, l'investissement de la région, ses exportations et sa production laissent apparaître des indices de 10, 0,2 et 11,50 respectivement. Pourtant, la zone génère 6,4 MMDH de PIB et arrive quatrième dans le classement des contributeurs au PIB national, avec une part de 11,24%. Dans le détail, 11,4 MMDH du PIB de la région provient du secteur primaire, quand le secteur secondaire et le secteur tertiaire génèrent 27,2 MMDH et 21,8 milliards respectivement. Mieux encore, la région tire son épingle du jeu, s'agissant de finances régionales. Sur les 164 communes que compte la région, 39% engrangent des recettes supérieures à la moyenne nationale. Notons enfin que près de 16,5% des communes bénéficient de recettes fiscales supérieures à la moyenne de toute la région, établie à 5,5 MDH. Casablanca-Settat, champion toutes catégories La région de Casablanca-Settat est la championne nationale et de très loin. Côté fiscalité locale d'abord, sur les 153 communes regroupant près de 6,1 millions d'habitants que compte la région, 58% engrangent des recettes supérieures à la moyenne. De cela, il découle que la zone affiche une moyenne de recette fiscale par commune dépassant les 20,5 MDH, un palier que près de 8% des communes de la région dépassent. Il ne faut pas s'en étonner, car en termes de performance industrielle, elle affiche des réalisations sept fois plus importantes que la performance nationale et fait dans l'ensemble trois fois mieux que son poursuivant direct, la région de Tanger-Tétouan. En ligne directe, la région génère près de 25% de la richesse nationale, soit un PIB de plus de 134 MMDH, aboutissant à un PIB par habitant de 24.500 DH. L'essentiel de la valeur ajoutée générée par la région provient du secteur tertiaire, avec 73,7 MMDH et du secteur secondaire, dont la contribution s'élève à 57,8 MMDH. Marrakech-Safi, une région moins prospère qu'on ne le croit Sur les 251 communes que compte la région de Marrakech-Safi, 53% affichent des recettes supérieures à la moyenne nationale. Mais au final, la moyenne par commune ne ressort qu'à 4,23 MDH. Tout en sachant que 20% des communes de la région dépassent ce palier, il y a lieu de préciser que ce dernier ne hisse pas la région bien haut à l'échelle nationale. Pourtant, en termes de performance industrielle, la zone se classe dans le trio de tête, avec des réalisations qui dans l'ensemble rejoignent celles de la région du nord. En outre, la région génère 12,3% du PIB national, avec sur la balance quelque 66 MMDH. Mais avec les quatre millions d'habitants que regroupe la région, son PIB par habitant ne ressort qu'à 18.000 DH par habitant, un niveau inférieur de 1.162 DH à la moyenne nationale. Il y a lieu de préciser enfin que Marrakech tire l'essentiel de sa valeur ajoutée du secteur tertiaire (42,5 MMDH) et du secteur secondaire (21,1 MMDH). Drâa- Tafilalet, petites performances à tous les étages Avec un nombre d'unités industrielles réduit, les performances industrielles de la région de Drâa-Tafilalet ressortent de façon négligeable à l'échelle nationale, autant en termes de chiffre d'affaires, d'exportations, de production que d'investissement. Avec cela, la valeur ajoutée de la région qui se chiffre à près de 22 MMDH ne contribue qu'à hauteur de 4% du PIB national. Sachant cela, il n'est pas étonnant que la fiscalité de la région ne soit pas des plus prospères. Il apparaît, en effet, que sur les 109 communes que compte la région, 18% affichent des dépenses supérieures à la moyenne nationale et 19% seulement font mieux que la moyenne nationale côté recettes. En somme, on se retrouve avec une moyenne de 4,5 MDH de recettes fiscales pour toute la région, que seules 23,15% des communes dépassent. Souss- Massa, une région moyenne Tous critères confondus, la région de Souss-Massa se positionne en milieu de tableau à l'échelle nationale. Sur ses 175 communes, 43% engrangent des recettes supérieures par rapport à la moyenne nationale. Sur un autre tableau, selon que l'on s'intéresse à l'investissement, aux exportations ou au chiffre d'affaires, les unités industrielles que compte la région la positionnent en milieu de classement, en termes de performance industrielle. Son PIB, établi à 37 MMDH, fait d'elle le septième contributeur au PIB national, avec une part de 6,87%. Au passage, précisons que le PIB par habitant ressort à 16.594 DH à comparer à la moyenne nationale de 19.162 DH. La valeur ajoutée de la région provient pour l'essentiel du secteur tertiaire (28,3 MMDH), et du secteur primaire (plus de 4MMDH), compartiment sur lequel la région arrive troisième à l'échelle nationale. Guelmim-Oued Noun, le bas du tableau En raison d'une industrie encore à l'état embryonnaire, la valeur ajoutée provenant du secteur secondaire s'élève tout juste à 329 MDH. C'est que les performances industrielles de la région s'affichent parmi les plus basses au niveau national. Du reste, le secteur primaire de la région génère 1,3 milliard et le secteur tertiaire fournit pour sa part une valeur ajoutée de 5,6 MMDH. En somme, la valeur ajoutée de Guelmim-Oued Noun atteint 7,2 MMDH, ce qui limite sa contribution au PI national à 1,34%. Au passage, le revenu par habitant de la zone en est établi à 18.732 DH, ce qui reste légèrement en deçà de la moyenne nationale de 19.162 DH. En termes de ressources locales également, la région de Guelmim-Oued Noun, affiche des réalisations de bas de tableau. Sur les 53 communes de la zone, seules 9% réalisent des recettes supérieures à la moyenne nationale. Du reste, le niveau de recettes fiscales moyen ressort à un peu plus de 4 MDH, un niveau que 12% des communes de la région dépassent. Laâyoune-Seguia al Hamra, là où le PIB par habitant explose En termes de performances industrielles, les réalisations de Laâyoune-Seguia al Hamra sont à classer parmi les plus faibles au niveau national. Il n'empêche que la région affiche les meilleures indicateurs au niveau de la zone sud. La valeur ajoutée totale de la région s'élève à près de 10 MMDH, dont 1 MMDH provient du secteur primaire, près de 6 MMDH sont générés par le secteur secondaire et trois milliards sont rattachés au secteur tertiaire. Ce faisant, la contribution de la région au PIB national est contenue à 1,84%. En raison d'une population limitée à 364.000 habitants, le revenu par habitant s'élève à 30.162 DH, le plus élevé au niveau national. En outre, le niveau de recette fiscal moyen de la région s'élève à près de 11,4 MDH. Dakhla-Oued Dahab, l'outsider du lot Avec 13 communes et 152.000 habitants, Dakhla-Oued Dahab, des douze régions adoptées dans le nouveau découpage régional, hérite du bonnet d'âne à tous les niveaux. Son PIB dépasse à peine le milliard de dirhams et est réparti presque à parts égales entre les différents secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Ce faisant, la contribution de la région reste négligeable au PIB national, à 0,20%. Dakhla-Oued Dahab paraît également la région la moins prospère en termes de ressources locales. Tout juste 3% des 13 communes que compte la région engrangent plus de recettes que la moyenne de la région. En outre, le niveau moyen de ses recettes fiscales s'établit à un peu plus de 4 MDH, une niveau que 12% des communes dépassent.