C'est devenu presque une maxime, indéboulonnable. Depuis un bon moment, les agences de voyages au Maroc ne donnent signe de vie que lors de la saison du hajj. En général, elles élèvent la voix durant cette période pour exiger de l'Etat de leur donner plus de quotas et plus de facilités. A croire que l'organisation du pèlerinage vers les lieux saints est la seule activité du secteur au Maroc. Passé le rush du hajj, les agences se recroquevillent et se limitent à quelques petites opérations de billetterie. En effet, le marché du hajj est juteux et offre des clients sur un plateau. «Pas besoin d'être compétitif et d'aller chercher les clients», ironise ce voyagiste. Constat final : 80% du secteur de la distribution touristique sont orientés vers une activité à faible valeur ajoutée, périodique et reposant sur un modèle économique «fragile». Le constat ne date pas d'aujourd'hui. Une étude commanditée par l'Office national du tourisme (ONMT) avait déjà dressé un tableau noir du secteur : atomisé et faiblement positionné aujourd'hui pour saisir les opportunités offertes dans l'incoming en particulier, voire pour le développer. L'objectif de l'étude était d'assister l'ONMT dans l'établissement d'une stratégie nationale de la distribution du voyage, à partir d'une bonne compréhension du tissu d'agences de voyage existant au Maroc, d'un benchmark sur la distribution du voyage dans d'autres pays jugés pertinents, et enfin de la compréhension des marchés émetteurs de touristes et de leur évolution. L'étude n'a pas été achevée et elle est restée lettre morte. Aujourd'hui, à l'heure où les officiels parlent de Vision 2020 pour le tourisme, de nouveaux concepts d'hôtels au Maroc, d'Open Sky, de changement de mode de consommation chez les touristes... le secteur des voyagistes, lui, est en léthargie. Le débat portant sur l'avenir du métier est totalement absent. Les voix des représentants officiels de la filière ne s'élèvent que si on touche aux parts des agences dans les quotas du hajj. «Il faut changer l'état d'esprit des agences de voyage. Ce sont les agences de voyage qui doivent chercher les touristes. Il en va de leur survie», indique Fouzi Zemrani, directeur général de Ztours. Des propos soutenus par ce voyagiste de Casablanca, pour qui la situation du secteur est préoccupante. «Nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous nous sommes posés», indique-t-il. Pour assainir le secteur, des professionnels appellent à une réforme à la base. Exemple : revoir les mesures d'octroi des licences aux voyagistes. «Actuellement, on se retrouve avec des personnes qui n'ont rien à avoir le secteur. Leur seul objectif est d'avoir une part du gâteau de l'opération hajj», souligne ce voyagiste de Marrakech. Un autre courrant appelle, lui, à octroyer plutôt des licences spécifiques : une pour la billetterie et une autre pour le tourisme. Investir massivement le web Selon les estimations des professionnels, environ 30% des touristes ne viennent plus au travers des Tours opérateurs, mais via des réservations sur Internet. Autant dire que l'avenir du réceptif passera certainement à travers le Web. Un coup d'œil sur la toile marocaine donnera le tournis aux observateurs : seulement quelques agences de voyages marocaines disposent d'un site Internet. Même la Fédération ne dispose pas d'un portail, mais d'une sorte de site rudimentaire, dont la documentation est totalement dédiée au... hajj. «L'ONMT devrait pousser vers la création d'un grand portail pour les agences de voyage marocaines. Décliné selon les différentes régions du Maroc, ce site serait une plateforme dédiée aux agences, où leurs produits seraient mis en achalandage. L'objectif est de mettre ces agences en compétition», explique cet ancien membre de la Fédération nationale des agences de voyage (Fnavm). Compétition, le mot est lâché. Professionnels et institutionnels sont en effet convaincus que seule la compétitivité des agences déclencherait la mue du secteur de la distribution et viendrait à bout des poches de résistance car, vu la configuration actuelle, l'offre Maroc serait, à terme, vendue et promue par des agences de voyages étrangères. Sachant que, déjà, les principales parts de marché sont détenues par 5 T.O, qui dans leur majorité ont des joint-ventures avec des T.O européens (Marmara, TUI, Fram, Thomas Cook...). Ces derniers se partagent le gros des clients. Un secteur atomisé Officiellement, on recense 570 agences au Maroc (le chiffre n'exclut pas les fermetures). Les points de vente, eux, sont de plus de 700, grâce à une petite partie des agences qui ouvrent des succursales dans différentes villes. La plupart des voyagistes sont concentrés à Casablanca (30%). Marrakech compte environ 140 agences (19% du réseau national). Agadir, Tanger et Rabat en comptent chacune une cinquantaine. A elles cinq, ces grandes villes rassemblent près de 70% des voyagistes. En général, le marché compte des petites structures limitées à un seul point de vente. Ce segment représente plus de 80% du secteur. Ces petites agences gèrent un CA qui dépasse rarement les 20 millions de DH. L'étude de l'ONMT lancée en 2007 devait permettre de définir le tissu cible des acteurs de la distribution et de mettre à jour les textes normatifs et législatifs à l'aune de la configuration cible du secteur.