Je vous assure qu'il y a des fois où je perds tous mes repères. Autrement dit, je ne sais plus dans quel camp je suis. C'est vrai, je claironne tout le temps que j'ai été, que je suis et que je serai toujours un homme de gauche. Mais quand je vois parfois certaines personnes se proclamant de droite plus adroites que certains ténors se vantant de gauche, j'ai franchement envie de changer de trottoir. Ou mieux : aller voir ailleurs. Où, ailleurs ? Je n'en sais rien ! Si je le savais, je ne serais pas aussi paumé. Il y a des jours où je me dis que c'est normal qu'on soit des gens du Sud, car on perd tout de suite le nord. Moi, en tout cas, ça m'arrive tellement ces derniers temps que j'ai peur de perdre un jour carrément la boussole. Je vais vous donner un exemple tout récent. Ça m'est arrivé samedi dernier. Oui : le jour de l'Aïd. Dès mon réveil, normalement tardif, j'ai fait ce qu'on ne doit jamais faire à son réveil, justement, un jour de fête : j'ai allumé la télé. C'est un geste anodin que peut-être des milliers d'inconscients font chaque matin au saut du lit, mais c'est si sot que les conséquences peuvent parfois être catastrophiques : en effet, on peut perdre - j'y arrive enfin - tous ses repères. Je disais donc que j'ai allumé la télé alors que je ne n'aurais pas dû, et que vois-je ? La bonne bouille joufflue et toujours joviale de notre jeune ministre de la Jeunesse et des sports, et vice-versa, sur le plateau de mon sympathique ami et néanmoins très mordant animateur qui met les points sur les i, ou, du moins, qui essaye laborieusement de le faire. En fait, il s'agissait de la rediffusion de l'émission que je n'avais pas pu suivre deux ou trois jours auparavant, et j'en ai été particulièrement ravi. Alors, pour pouvoir voir ce programme réchauffé dans les meilleures conditions, j'ai commandé un chocolat chaud et un croissant à la maîtresse de maison qui l'a commandé à son tour à notre bonne et même excellente collaboratrice chargée, entre autres, de cette mission ô combien régénératrice. Hélas, avant même que je puisse déguster ce p'tit déj frugal en attendant celui plus festif et plus consistant de ma chère maman, je n'avais déjà plus d'appétit. Et, il y avait bien de quoi ! Je vous raconte. D'abord, je vous plante le décor. Autour de la table rouge triangulaire, il y avait en premier lieu mon ami DB dans son beau rôle de super débatteur ; ensuite, le bouillonnant et rayonnant MB, qui essayait tant bien que mal de marquer des points avant qu'on ne mette des i dessus et enfin, il y avait HT, vous savez, l'ex-jeune beau boss des jeunes socialistes, récemment débarqué, pardon, démissionné, dans son nouveau costume de dirigeant intégré et discipliné. Et alors que notre joyeux ministre «bleu» - pas si «bleu» que ça - défendait bec et ongles son programme, en particulier le volet très controversé de «la cession du vieux foncier dans l'intérêt des jeunes fonceurs», notre rose golden boy lui assignait coup sur coup, coups souvent populos et démagos comme, par exemple, «qu'il faut arrêter de parler chiffres», que «la jeunesse n'a pas de prix» et que «nul terrain ne saurait être trop grand ni trop cher pour les jeunes». Au fond, dans une certaine limite, j'aurais pu être d'accord avec lui. Mais là où je ne pige que dalle, c'est que, comme le lui a d'ailleurs rappelé notre si malmené ministre «de droite», jusqu'à nouvel ordre, son parti fait toujours partie du gouvernement, et que, logiquement, on ne peut pas avoir à la fois un pied dans la majorité gouvernante et un autre dans l'opposition protestante. Sinon, on l'appelle «le grand écart» et c'est vilain à plus d'un égard. Comment ? Vous avez dit schizo ?