LES ECHOS : La gestion de la diversité des âges est-elle aujourd'hui une préoccupation pour les entreprises marocaines ? Jamal Amrani : En effet, la problématique des générations n'est pas récente. Le type de relations qui peuvent exister entre les gens a toujours fait l'objet de réflexion au sein des organisations. Mais il l'est davantage en ce moment, notamment du fait de la mobilité interne de plus en plus forte, et des exigences accrues de flexibilité au sein des organisations. Il se pose donc constamment la question de savoir comment les individus peuvent fonctionner ensemble dans de meilleures conditions. Cela incite les DRH à développer des politiques qui s'adaptent aux besoins des générations et des individus. La GRH à la carte est donc la recette d'avenir. Quand on parle de différence entre les générations, comment se manifeste-t-elle concrètement dans la vie quotidienne de l'entreprise ? Elle se manifeste surtout en termes de préoccupation, les juniors et les seniors n'ont pas les mêmes sources de motivation. Aujourd'hui, quand vous recrutez un jeune, ses soucis sont beaucoup plus en termes d'évolution, de rémunération attractive et beaucoup moins en termes de couverture sociale. Le senior, lui, se préoccupera plus de sa couverture sociale et de sa retraite. Une gestion non équilibrée de ses préoccupations peut donc aboutir à des frustrations et à des difficultés à entretenir un bon climat interne ; par exemple, lorsque les besoins d'évolution des jeunes sont contrariés par la présence des seniors ou lorsque les seniors ont le sentiment que les jeunes évoluent très rapidement par rapport eux. C'est donc une équation difficile où il faut constamment trouver le bon équilibre en s'adaptant aux motivations des populations qui forment l'entreprise. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises affichent comme atout la jeunesse de leurs équipes. Est-ce à dire que les seniors n'ont désormais plus de place au sein des organisations ? Je ne crois pas que les seniors n'ont pas d'avenir dans le monde professionnel d'aujourd'hui. Cependant, il est vrai qu'avec l'adaptation perpétuelle au changement, la souplesse et l'utilisation massive des technologies que l'environnement impose aux entreprises, celles-ci ont beaucoup tendance à recourir aux jeunes. Mais si les juniors s'adaptent plus facilement au changement qui favorise la réactivité de l'entreprise, sans seniors, l'entreprise peut souffrir du manque d'encadrement et de savoir-faire. Avec une population abondante de jeunes, l'entreprise peut également s'exposer à une difficulté de gestion de carrière, car tout le monde voudra évoluer rapidement et presque en même temps, alors que l'entreprise ne pourra pas offrir de possibilités d'évolution à tous. Ce qui également risquerait d'engendrer d'autres frustrations. Une fois encore, il s'agit là d'une problématique délicate, qui ne se règle que par une bonne gestion de la pyramide des âges.