Le trait principal de l'évolution des sociétés contemporaines, au-delà de leurs différences, est leur «économicisation» (tendance à la structuration économique) croissante. Ce qui toutefois change, c'est le degré d'appropriation, de maîtrise de cette tendance, ainsi que sa cohérence par rapport à un projet de société global, équilibré et sans disparités flagrantes. Bien entendu, la confiance peut sembler être un élément déterminant dans le déploiement d'une économie, dans son essor, ainsi que dans son attractivité, surtout en ces périodes de crise, d'instabilité et de mouvements sociaux. Longtemps considérée comme un concept peu opératoire par les économistes en dehors des procédures contractuelles, la confiance suscite actuellement un intérêt que l'on peut justifier par l'exacerbation de la concurrence, la quête de nouveaux marchés, l'incertitude grandissante et la volonté de libérer les énergies et les forces entreprenantes. En effet, la non confiance semble, dans notre contexte actuel, un facteur inhibant et de plus en plus coûteux, de par le manque d'initiatives ou les défaillances qu'il peut générer, à savoir la propension de l'informel, de la concurrence déloyale, voire même de la corruption. Incontestablement, la confiance n'est pas une «situation atemporelle», elle ne saurait être un acquis. Elle est une dynamique au sein de laquelle agissent, de concert, plusieurs dispositifs. Le rôle cohésif que pourrait avoir la confiance en les institutions est le résultat du bon fonctionnement de ces dispositifs. Il est le sentiment engendré par la crédibilité et l'efficience de l'Etat. C'est, d'ailleurs, à ce même sentiment que pensent les politiques quand ils évoquent «la restauration de la confiance». L'objectif de la restauration de la confiance est une préoccupation constante des autorités publiques. Elle est toujours à l'œuvre dans «les nouvelles mesures», qui depuis quelques années entendent assainir le climat des affaires. Toutefois, pour y parvenir, une approche globale et durable est nécessaire. Elle s'établit sur des «conditions interdépendantes». Cette approche est garante du maintien d'une confiance économique libératrice des énergies. Au préalable, figurent la prise en compte et l'analyse du système de production et de diffusion des représentations qui nourrissent les croyances économiques, les positions qu'on adopte à leur égard, ainsi que le degré d'implication qu'elles génèrent. Les «valeurs de confiance» qu'on leur accorde et la perception des institutions qui les représentent devront aussi être examinées. Il en émergera la vision d'une société mue par des relations de confiance, de crédibilisation et de valorisation de tout ce qui est en mesure de renforcer l'essor économique du pays. Concrétiser cette vision requiert des incontournables ou des fondamentaux. Ils sont incarnés par la sécurité juridique et judiciaire. En effet, le secteur des investissements doit être doté de garanties nécessaires à son épanouissement. Il ne suffit aucunement de disposer d'un cadre juridique moderne, encore faut-il s'assurer parallèlement de l'effectivité des lois, de la sécurité juridique des investissements, de la sanction du non respect des contrats et plus encore, de l'autorité concrète et effective d'exécuter une décision de justice. Par ailleurs, la confiance dans le système juridique repose autant sur le professionnalisme de ses différents acteurs juges, magistrats... Et indéniablement sur leur indépendance et sur leur probité. La lutte contre la corruption et l'amélioration des systèmes d'intégrité est une forte composante de la confiance économique. Il est reconnu que la corruption, sous toutes ses formes, limite et menace considérablement le dynamisme et la croissance économique résultant de l'exercice d'une concurrence loyale. Toute loi, réglementation ou politique ne vaut que dans la mesure où elle est appliquée. L'analyse des systèmes de gouvernance s'attache habituellement à la mise en place de règles et de réglementations appropriées devant s'appliquer aux entreprises et aux marchés. On considère généralement que la gouvernance est «satisfaisante» quand toutes les règles adaptées sont en place et que les liens hiérarchiques des organismes de contrôle garantissent une supervision réellement indépendante. Comme dit précédemment, la confiance n'est pas une notion immuable, elle doit être gérée en tant que processus ou en tant que continuum. La confiance en les institutions connaît de profondes mutations et exige des instances stimulatrices ou de vigilance, assurant le maintien et le renforcement des liens entre «Institutions et administrés». Ce rôle peut être accompli par différents biais : commissions spécialisées, partenariat public-privé, société civile... qui affermissent les liens de confiance entre les acteurs et les administrations concernés. À une époque où la défiance se propage inlassablement, le renforcement de la confiance en l'économie devient une nécessité. Inévitablement, celle-ci est reconnue comme un élément fondamental de la vie économique. Elle est : «Une institution invisible», l'élément central de toute transaction et la condition préalable à la vie pérenne et sereine en société. Mounir Ferram Directeur de recherches et professeur universitaire