Je ne sais pas ce qui m'arrive aujourd'hui, mais j'ai une folle envie d'applaudir. Si, si, je vous assure. Je me sens comme envahi par des ondes positives. Il va falloir que j'aille me faire soigner. D'habitude, vous me connaissez, je suis plutôt du genre siffleur. Je siffle sur tout ce qui bouge. Je le reconnais : c'est très souvent arbitraire. (Petite précision pour les personnes qui n'ont pas pigé le rapport : sifflet – arbitre – arbitraire. Capito ?). Je siffle à tout bout de champ. Pour un oui ou pour un non. Mais, je l'avoue, souvent c'est pour dire non. D'ailleurs, j'ai une philosophie très personnelle, à ce propos. Pour moi, la démocratie pourrait se résumer comme suit : quand tout le monde applaudit, il faut qu'il y ait au moins une personne qui siffle. Pour le principe. Juste pour éviter l'unanimité. Il n'y a pas pire, à mes yeux, que l'unanimité. L'unanimité, comme le consensus, c'est l'ennemi numéro 1 de la démocratie. Bon, maintenant, oublions les unanimistes et les consensuels, et revenons au nouvel applaudisseur que je suis. En tout cas, aujourd'hui. Demain, il y a une chance sur une que je reprenne mon sifflet. Pourquoi ai-je envie d'applaudir alors qu'en général, je préfère taper sur les doigts ? Eh bien, je vais vous la raconter comme un conte. Me trouvant encore en dehors du plus beau bled, et n'ayant pas la possibilité d'avoir mon lot quotidien de presse dite nationale, j'avais du mal à trouver un thème intéressant qui pourrait vous intéresser. Alors, je me suis dirigé, à mon corps défendant, vers le site souvent fatigué mais néanmoins fatidique, de notre respectable et vénérable agence, MAP, parce qu'il faut bien citer mes sources. Et qu'y lis-je ? Lisez-vous mêmes : «Fnideq - SM le Roi Mohammed VI, accompagné de SAR le Prince Moulay Rachid, a inauguré, mardi à Fnideq, une bibliothèque de quartier, réalisée dans le cadre du programme intégré 2009-2012 de mise à niveau sociale de M'diq-Fnideq, pour une enveloppe budgétaire de 800.000 dirhams». Je continue : «Ce programme prévoit au total la réalisation de 24 bibliothèques similaires, dont dix unités à M'diq, dix unités à Fnideq, deux autres dans la commune de Belyounech et deux dans la commune de Alliyine. Chacune de ces bibliothèques bénéficiera à quelque 500 personnes annuellement ». Vraiment, si je n'applaudis pas pour ça, je crois que je n'applaudirai jamais. Moi qui, en plus de l'écriture, aime la lecture à la folie (d'ailleurs, ceux qui lisent aujourd'hui sont considérés comme des fous), cette nouvelle m'a plus que ravi. Elle a ravivé le minuscule espoir que je nourrissais en silence pour une relance de l'amour de la lecture telle que nous avons eu la chance de le connaître et de le vivre, nous, cette génération des «années de plomb», certes, mais aussi, reconnaissons-le, des années des lumières. Je pense que nous ne remercierons jamais assez nos instituteurs, nos institutrices et nos professeurs de nous avoir piqués à la lecture au point d'en être devenus des drogués. En tout cas, moi, ça fait longtemps que j'ai fait mon choix : je préfère, de loin, être un lecteur texto -dépendant taré, qu'un illettré toxicomane paumé. D'ailleurs, je suis quasiment sûr que la lecture est un des meilleurs paravents contre toutes les déviations et toutes les dépravations. Pour paraphraser un slogan célèbre, je dirai : quand on aime la vie, on lit et on vit. Alors, vive la lecture, vive les bibliothèques et vive ceux qui les érigent !