Pour son deuxième long métrage, le jeune réalisateur suisse Laurent Nègre a choisi d'aborder un sujet épineux, celui du terrorisme. «Opération Casablanca», programmé à partir du 6 avril dans les salles obscures, se veut une comédie d'action légère et décalée qui force la réflexion. «C'est mon choix dès le départ. Je voulais montrer que la situation était critique mais pas désespérée», explique Laurent Nègre. «Opération Casablanca» commence par une scène ordinaire. Saâdi (Tarik Bakhari), immigré clandestin et plongeur dans un restaurant dans la banlieue de Zurich, est obligé d'aller chercher du travail ailleurs à cause du comportement «inhumain» de son patron, Michel (Jean-Luc Bideau). Quelques heures après, le jeune clandestin se retrouve témoin d'un complot terroriste mondial. Suspecté par la police suisse, Saâdi se voit impliqué dans une affaire complexe. Bref, il s'agit d'un innocent au profil de coupable idéal : jeune, Arabe, musulman et clandestin. Un casting réussi Laurent Nègre, qui a déjà reçu le Prix du cinéma suisse en 2006 pour son film «Fragile», a dénoncé avec une efficacité comique l'absurdité de l'Occident qui depuis les événements du 11 septembre condamne d'avance tout jeune Arabe et musulman. «Impossible aujourd'hui de ne pas tomber dans n'importe quel média sur les manifestations guerrières de l'islam radical et les réponses de plus en plus totalitaires des gouvernements occidentaux... Le vaste public du Nord comme du Sud se retrouve pris en otage dans une spirale de terreur, sans jamais la moindre possibilité de respirer, de prendre du recul», souligne le cinéaste. À travers le parcours rocambolesque de Saâdi, «Opération Casablanca» pose un regard profond sur des sujets jusque-là traités avec beaucoup de simplicité. Laurent Nègre dépeint avec beaucoup de finesse et de talent le terrorisme islamiste, l'extrémisme religieux ou encore la dérive sécuritaire et totalitariste des sociétés occidentales. Parmi les points forts de ce long métrage, bien accueilli par les critiques et le public en Europe, demeure le casting. Le jeune acteur marocain Tarik Bakhari s'est complètement métamorphosé le temps de cette fiction pour nous prouver encore une fois qu'il est capable d'interpréter des rôles aussi différents les uns que les autres. L'actrice française Elodie Yung qui partage l'affiche avec Bakhari a brillamment campé le rôle d'Isako. Bref, nous avons affaire à un film complètement «déjanté» qui arrive à bousculer plusieurs idées reçues. Fz.S «Je pense déjà à la suite du film» : Laurent Nègre, Cinéaste suisse. Les Echos quotidien : Vous avez abordé un sujet complexe, celui du terrorisme, mais d'une manière légère. Pourquoi ce choix ? Laurent Nègre : C'était ma volonté dès le départ : montrer que la situation était grave, mais pas désespérée. Après les événements du 11 septembre 2001, le monde a basculé dans une sorte de paranoïa générale. On a effacé du jour au lendemain une complicité qui existait, avec des tensions bien évidemment entre le Nord et le Sud. Bref, la donne a complètement changé. Personnellement, je me suis toujours demandé comment on pouvait se débarrasser de cette peur qui nous paralyse l'esprit ? C'est là où j'ai pensé à la comédie, qui représentait pour moi une arme à utiliser d'urgence. Est-ce la raison pour laquelle pour avez opté pour un dénouement heureux du film ? Tout à fait. C'est une comédie et mon objectif était de rendre le spectateur heureux. Ce n'est pas prétentieux de ma part, mais cela demeure réellement mon premier objectif. Il faut préciser que la fin n'était pas si heureuse que cela, parce que l'un des terroristes, toujours en vie, compte pourrir la vie du personnage principal. Toutefois, je suis resté suffisamment «ironique» avec la fin. Justement, pensez-vous réaliser une deuxième partie de «Opération Casablanca» ? C'est un rêve magnifique. D'ailleurs, j'en ai parlé avec Tarik Bakhari. Nous avons même pensé à tourner la suite à Casablanca. Il faut se méfier tout de même des suites. Il faut vraiment avoir quelque chose à dire et non exploiter l'effet d'un film qui marche. Sinon, je me suis amusé à écrire les fragments d'une histoire entre le Japon et le Maroc, mais je ne sais pas encore si cela va aboutir à un projet concret.