Aziz Akhannouch, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, ne s'attendait sans doute pas à tel cadeau venant du Parlement européen. Les Euro-députés ont jeté, séance tenante mardi à l'Hémicycle, un «gros» pavé dans la mare de l'accord agricole et les éclaboussures risquent de noyer – pendant un moment au moins – les négociations pour sa ratification définitive. Une résolution portant sur la négociation d'accords commerciaux internationaux, a en effet été adoptée. Le texte parle de «déséquilibre», de cessation de «concessions», de «forte préoccupation» de «renforcement de la protection des consommateurs»... bref le ton était ferme. «Alors que les marchés européens se sont presqu'entièrement ouverts aux importations en provenance du Maroc, les exportations vers ce pays, pour certains produits, sont encore soumises à des limitations de quotas», lit-on dans le texte de la résolution. Ces restrictions portent notamment sur «des produits importants tels que les fruits à pépin». Les Euro-députés déplorent aussi que «dans les négociations du chapitre agricole de l'accord d'association avec le Maroc, aucune garantie n'ait été donnée concernant le respect à la fois des contingents préférentiels et des prix d'entrée appliqués aux exportations marocaines». Une revendication qui vise tout droit les tomates du royaume. Les Euro-députés demandent à la Commission européenne de revoir entièrement sa copie. «Le régime complexe des prix d'entrée appliqué aux importations de tomates en provenance du Maroc, donne lieu à des irrégularités», indiquent les parlementaires. Cette résolution aura sûrement valeur à obliger la CE à durcir ses positions vis-à-vis du royaume. En tout cas, il est certain que toute cette dernière actualité renvoit les espoirs de voir le bout du tunnel des négociations, à plus loin...que ce prochain semestre. En effet, lors de sa dernière sortie à Casablanca, le représentant permanent de l'UE au Maroc avançait «la probabilité» d'un proche aboutissement. «Les commissions parlementaires au niveau de l'UE devraient se réunir en mars et mai prochains, pour décider du sort de ce qui a été négocié avec le Maroc dans le cadre de cet accord», expliquait le diplomate. Du côté des autorités marocaines, l'«impatience» est actuellement le sentiment dominant bien qu'aucune réaction officielle n'ait été communiquée (vu le contexte exceptionnel lié au Discours du 9 mars). Avec cette résolution qui tombe, Akhannouch devra encore prendre son mal en patience. Plus dures seront les exportations Ce n'est pas tout : Il sera aussi plus dur aux exportations marocaines de franchir les frontières européennes. Du moins, c'est ce que veulent les Euro-députés, lorsqu'ils demandent à la CE «d'introduire des clauses obligeant les pays tiers à respecter les mêmes conditions sanitaires et phytosanitaires que celles imposées aux producteurs européens». En clair, ces derniers insistent sur le fait que «ces accords doivent au moins assurer le respect des obligations et normes internationales». Par ailleurs, le Parlement européen s'en prend directement à l'approche de la Commission par rapport aux négociations commerciales. Les Euro-députés demandent à cet organe «de cesser de faire des concessions, en vue d'accéder aux marchés des pays tiers au détriment du secteur agricole communautaire». Au total, c'est un Parlement «sévère» qui s'est exprimé mardi, pour remonter les bretelles aux membres de la CE. L'Espagne aux anges? L'Espagne, tout comme pour l'accord de pêche, semble avoir frappé fort en terme de lobbying. On sait effectivement que les opérateurs agricoles de ce pays d'outre détroit n'ont de cesse, jusqu'à aujourd'hui, d'exprimer une opposition virulente aux importations des tomates marocaines. Les arguments brandis sont «perte de compétitivité pour le marché espagnol», «concurrence déloyale de prix» et «mauvaises conditions phytosanitaires des tomates du royaume». Ils obtiennent ainsi une demi-victoire, en attendant la suite des événements... S.F Ralentissement «obligé» La copie juridique de l'accord agricole, à la suite de son approbation par la Commission européenne (CE), en début du mois d'octobre dernier, avait ainsi entamé le processus européen en vigueur de la «co-décision». «C'est un processus, certes très lent, mais qui nous est imposé par le Traité de Lisbonne», déclarait dernièrement Eneko Landaburu. Force est de constater en effet que la mouture juridique de cet accord traîne depuis quelques mois – au risque de se perdre – dans ce labyrinthe. Après l'étape de la CE, le texte était prévu en examen par le Parlement européen, depuis le mois de novembre. Ce qui avait renvoyé l'adoption définitive du texte sous la présidence hongroise de l'UE, actuellement en cours jusqu'au mois de juin prochain. Mais la récente résolution prise par les Euro-députés, devrait sûrement ralentir les machines et repousser les délais de cette adoption, sous la présidence polonaise.