Les établissements s'impliquent de plus en plus dans les démarches d'insertion professionnelle de leurs lauréats. Les méthodes utilisées sont pro-actives et frisent l'agressivité. Piston ? Les responsables s'en défendent Stages et emplois «pour tous» ou presque, c'est la nouvelle formule en vogue dans les écoles de commerce et d'ingénieurs. Cette optique, certains établissements, notamment dans le privé, ont en fait un axe central de leur politique de fonctionnement. À l'université Al Akhawayn, 15% en moyenne des lauréats sont recrutés via l'établissement. À Mundiapolis, les chiffres sont moins précis, mais selon les estimations de l'établissement, la proportion des étudiants recrutés via l'école peut atteindre 45% certaines années. À l'ESCA, le management de l'école annonce que quatre étudiants ont été recrutés et plusieurs stages ont été obtenus à travers l'école, l'an dernier. Le phénomène en lui-même, n'est certes pas nouveau, mais a plutôt «subi quelques retouches», innovation oblige! Depuis quelques années, en effet, ce sont les écoles de commerce et d'ingénieurs du public (ENCG, ISCAE, EMI, ENSIAS...) qui ont ouvert le bal en initiant des journées portes ouvertes et des forums au cours desquels leurs futurs lauréats rencontrent les entreprises, mais aussi en instituant des tableaux d'annonces d'emplois et de stages où les recruteurs potentiels viennent afficher leurs offres. Reprenant cette formule, les établissements privés jouent à fond la carte de l'emploi en poussant la méthode vers un niveau d'efficacité maximale. Des pôles emplois à l'école À Al Akhawayn, Mundiapolis, ESCA... comme dans beaucoup d'autres établissements privés, ce ne sont plus seulement des événements épisodiques qui sont organisés pour mettre les lauréats sur la trajectoire de l'emploi. Au contraire, ce sont des cellules entières (appelées généralement services d'emploi, de stages et d'orientation) qui ont été dédiées à l'accompagnement des étudiants. Des sortes de cabinets internes de recrutement dont la mission est de développer les compétences des étudiants en matière de recherche d'emploi et d'intégration d'entreprise et de soutenir leur insertion professionnelle, en agissant de manière proactive, voire «agressive» auprès des recruteurs potentiels. Ikram Benseddik, responsable du service des carrières, orientations et affaires des lauréats à l'université Al Akhawayn, explique la méthode: «J'ai une base de données d'entreprises que je mets régulièrement à jour. Ces entreprises me contactent souvent directement quand elles ont un besoin de recrutement». Selon Benseddik, ce type de contact direct tend à être préféré au tableau d'affichage par les recruteurs, pour plusieurs raisons. D'une part, souligne-t-elle, certaines entreprises trouvent la démarche discrète et elle leur évite d'être bombardées de demandes d'emplois, comme c'est le cas lorsque l'offre est annoncée sur le tableau d'affichage. D'autre part, en adressant directement leurs offres au service emploi de l'établissement, les entreprises ont l'avantage de trouver le profil adéquat, car celui-ci, ayant accompagné les étudiants tout au long de leur cycle, connaît de façon précise les compétences et les aspirations de chacun d'eux. Une question se pose néanmoins à ce niveau: comment ce responsable sélectionne-t-il les candidats à proposer au recruteur potentiel? Là encore, au niveau du service emploi d'Al Akhawayn, on explique que pour choisir un ou deux candidats parmi toute une promo, «nous sélectionnons les CV en fonction des critères que fixe l'entreprise. Exemple: si l'entreprise veut un candidat qui a eu une expérience dans son domaine d'activité, celui parmi nos futurs lauréats, qui a effectué un stage dans le domaine a plus de chance d'être recommandé à l'entreprise». À Mundiapolis, la démarche est à peu près la même. «Nous classons les informations concernant le suivi et le coaching de chaque étudiant, tout au long de son parcours. Ces mêmes informations permettent de les aider à s'insérer dans le monde du travail, en les recommandant aux entreprises suivant leurs compétences», explique Hanane El Jaffali, responsable du Centre Care (le service emplois de Mundiapolis). Effet toile d'araignée Ces démarches d'annonce des offres et de recommandation des candidats, ne sont en fait que l'aboutissement, d'un travail soigneusement mené en amont. À ce niveau, plusieurs astuces sont utilisées par les établissements. Au premier rang de celles-ci figurent la multitude des workshops et les jobs days qu'organisent régulièrement les écoles et où les chefs d'entreprises, les experts et les ex-lauréats en postes sont toujours invités. Ces rencontres visent officiellement à faire en sorte que les professionnels viennent partager leurs expériences avec les étudiants et les éclairer sur les réalités et les tendances du marché du travail. En toile de fond, ces rencontres servent aussi pour les services emploi des établissements à constituer des bases de données d'entreprise à prospecter, à rapprocher leurs étudiants de ces professionnels et à ouvrir la voie pour l'obtention de stages et d'emplois. Dans cette démarche, le réseau des lauréats de l'école (pratique qui également se généralise) est aussi largement mis à contribution. À ce propos, Ikram Benseddik explique que dans leur travail, tout est lié. «Nous gardons le contact avec les entreprises, nous suivons l'évolution de nos lauréats et derrière les offres d'emploi qui sont directement adressées à mon service, il y a généralement comme prescripteurs nos ex-lauréats eux mêmes», souligne-t-elle. La portée de ces nouvelles pratiques mérite qu'on s'interroge: s'agit-il d'une forme déguisée de piston ou d'une méthode tout à fait légale? Au niveau des écoles, on s'en défend. À Mundiapolis comme à Al Akhawayn, on nous explique qu'il ne s'agit nullement de piston, puisque le travail de leur service emploi vise essentiellement à apprendre aux étudiants à être autonomes et à développer leurs compétences professionnelles et que le fait d'inciter les entreprises à s'intéresser à leurs lauréats n'est qu'une partie de leur mission. Soit. Toujours est-il que si les établissements privés plus que ceux du public s'adonnent à fond à ce genre de pratiques, c'est que cela représente pour eux un enjeu important. Avoir un taux d'insertion professionnel élevé est un argument marketing de poids pour ces établissements. À saisir 1. Aider les étudiants à construire un projet personnel et professionnel cohérent. 2. Organiser la recherche d'emploi ou de stage. 3. Prospecter et démarcher les entreprises en se positionnant sur le marché en fonction des profils. 4. Prospecter et relancer les entreprises par téléphone. 5. Aider les étudiants à réaliser de bons CV en fonction de leurs objectifs et de leurs compétences. 6. Aider les étudiants à réussir les entretiens de stage ou d'embauche. 7. Encadrer les étudiants pour leur intégration en entreprise. 8. Encadrer les impétrants à la rédaction de leur rapport de stage et à le présenter devant un jury. Point de vue : Hanane El Jaffali, Responsable du Centre Care à Mundiapolis Notre dispositif d'insertion professionnelle s'articule principalement autour de modules d'initiation et d'ateliers de formation visant à former les étudiants à la méthodologie de recherche de stage et aux techniques de recherche d'emploi. Nous formons nos étudiants à l'ensemble des outils indispensables pour leur recherche de stage et d'emploi en les préparant à construire un projet personnel et professionnel cohérent (en conformité avec leur objectif), organiser leur recherche d'emploi ou de stage, prospecter et démarcher les entreprises en se positionnant sur le marché en fonction de leur profil, réussir les entretiens de stage ou d'embauche... Cette politique est mise en œuvre via des rencontres avec des professionnels chefs d'entreprise durant des workshops, des forums, des cycles de conférences, des séminaires, des journées de recrutement, des colloques, etc. Les chefs d'entreprise mis en contact avec nos étudiants complètent leur formation technique et participent d'une manière active à leur rapprochement avec la réalité du monde professionnel. La Mundia Jobfair, c'est notre forum de recrutement qui donne la possibilité aux recruteurs de satisfaire leur besoin en recherche de talents et qui permet à nos étudiants une insertion efficace en termes de stage et d'emploi. Point de vue : Ikram Benseddik, Responsable service des carrières, orientations et affaires des lauréats-université Al Akhawayn À l'université Al Akhawayn, le service des carrières, orientations et affaires des lauréats existe depuis maintenant 13 ans. Notre politique, depuis lors, consiste à préparer nos étudiants aux conditions du marché du travail, avant leur sortie de l'établissement en tant que lauréats. Dans ce cadre, nous leur faisons régulièrement des séances d'apprentissage des techniques de recherche d'emploi (conception CV, lettre de motivation, entretien d'embauche, etc.). Nous invitons aussi chaque mois des experts dans divers domaines, des chefs d'entreprises et nos anciens lauréats à venir partager leurs expériences, à donner à nos étudiants un avant-goût de ce qui les attend sur le marché du travail. À travers ces échanges, les étudiants arrivent à comprendre le fonctionnement du marché de l'emploi, à connaitre les métiers tendances, les entreprises qui recrutent, etc., et à développer les compétences recherchées par les recruteurs. Aussi chaque année, en printemps, organisons-nous la journée du «job fair», à travers laquelle nous encourageons les entreprises à venir rencontrer nos lauréats, à mener des entretiens et à recruter sur place.