Le système d'entrée/de sortie (Entry/Exit System, EES) de l'espace Schengen sera bientôt déployé au niveau de Mélilia. Mais entre incertitude et scepticisme, la nouvelle frontière peine à éclipser le désarroi et les doutes des habitants de la ville. Les annonces se sont enchaînées ces derniers jours quant à la mise en service de la frontière intelligente au niveau de Mélilia. Cette nouvelle frontière comprend le système dit EES, adopté en 2017 pour être déployé au niveau des frontières extérieures de l'espace Schengen. «Les travaux sont pratiquement terminés», a annoncé la déléguée du gouvernement de la ville, Sabrina Moh, précisant qu'ils sont actuellement «en phase de mise en œuvre technologique». Bien qu'aucune date de lancement n'ait été avancée, la formation des professionnels sur le terrain devait débuter pour les familiariser avec «cette technologie importante», a souligné la responsable. Le secrétaire général du Syndicat unifié de police à Mélilia (SUP), Jesús Ruiz Barranco, a révélé pour sa part que la ville a fait l'acquisition de douze appareils pour le poste-frontière de Béni-Ansar qui seront répartis entre les six voies que compte ce passage. Trois appareils seront placés à l'entrée et trois à la sortie, a-t-il précisé, notant que «cette configuration est adaptable aux besoins». Données collectées limitées Les appareils choisis ont été développés par le groupe français Thales, sélectionné en 2022 pour déployer ce système biométrique en Espagne. Le dispositif EES, qui repose massivement sur la biométrie et le contrôle des documents de voyage, est «complexe et ambitieux dans la mesure où il fluidifie les passages tout en relevant le niveau des contrôles», met en avant Thales. «Grâce au nouveau dispositif, tous les ressortissants des pays tiers seront traités de manière égale, qu'ils soient ou non exemptés de visas», promet le groupe, soulignant que «les données collectées se limiteront à des informations minimales telles que : nom, prénom, références du document de voyage et visa, biométrie du visage et de 4 empreintes digitales». L'accès à ces données personnelles sera très réglementé. Après l'acquisition du système, chaque Etat membre de l'Union européenne a communiqué une liste d'autorités répressives habilitées à consulter ces données à l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (EU-LISA). Ces autorités elles-mêmes ne peuvent communiquer ces données qu'à des fins «de prévention ou détection d'infractions terroristes et autres infractions pénales graves, ou des enquêtes en la matière». Parmi ces autorités, on retrouve notamment Europol. Encore des doutes Contacté par nos soins, le député local Emilio Guerra rappelle que les promesses de déploiement de cette technologie datent de 2019 déjà. «Il est clair que toute amélioration est la bienvenue, et le système européen d'entrée et de sortie automatisé, qui intègre la biométrie des empreintes digitales et du visage, aidera à contrôler d'éventuels vols d'identité, ainsi qu'à prévenir d'autres délits», défend notre interlocuteur, mettant toutefois l'accent sur la nécessité de mettre en place une «formation adéquate pour le personnel de police qui assure le service à la frontière». De plus, afin d'éviter d'«éventuelles lacunes juridiques», il faudra «proposer l'application du règlement sur l'IA et la protection des données préparé par la Commission européenne», défend le député. Mais aujourd'hui, ce qui «inquiète le plus les habitants de Mélilia, c'est la fluidité au niveau du poste-frontière», affirme Emilio Guerra. Souvent, le temps d'attente pour traverser la frontière est de 4 à 5 heures, déplore notre interlocuteur. Un passage pénible surtout pour les enfants et les moins jeunes, dit-il. Le test ultime pour ce nouveau dispositif sera lors de l'opération «Marhaba», appelée «Traversée du détroit» en Espagne, lors de laquelle des milliers de Marocains et résidents à l'étranger et de touristes se rendent au Maroc, estime Emilio Guerra. «Le défi sera tout aussi grand le reste de l'année, car il faudra gérer le trafic quotidien avec ses exigences bureaucratiques et ses restrictions, notamment pour les marchandises même en petite quantité, il est par exemple interdit de dépasser le demi-kilogramme de date», s'exclame notre interlocuteur. «Pour l'instant, la frontière intelligente dissipe peu de doutes pour les habitants de Mélilia, même s'il y a toujours de l'espoir», conclut le député. Mise à jour Le système ESS enregistrera les voyageurs en provenance de pays tiers, à la fois titulaires d'un visa de court séjour et voyageurs exemptés de visa, chaque fois qu'ils franchissent une frontière extérieure de l'UE. Le système enregistrera le nom de la personne, le type de document de voyage, les données biométriques (empreintes digitales et images faciales capturées) et la date et le lieu d'entrée et de sortie. Il enregistrera également les refus d'entrée. Ce logiciel remplacera le système actuel d'estampillage manuel des passeports, qui prend du temps, ne fournit pas de données fiables sur les passages frontaliers et ne permet pas une détection systématique des voyageurs qui ont dépassé la durée maximale de leur séjour autorisé. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO