Du zellige aux tapis berbères, en passant par la confection des caftans, la céramique, la marqueterie et la poterie, l'artisanat marocain est un joyau que beaucoup nous envient et que nous nous devons de protéger. Symbolisant la singularité du Maroc, l'artisanat est un marqueur unique de l'identité du Royaume qui est souvent proie à de nombreuses tentatives de contrefaçon et d'appropriation culturelle, orchestrées par des parties malintentionnées ou par des entreprises internationales, souvent assez négligentes à propos des codes éthiques. À l'occasion du 26 avril, déclaré en 2000 Journée mondiale de la propriété intellectuelle par les Etats membres de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), il est important de mettre en lumière la contribution de la propriété intellectuelle dans la création d'une scène artistique mondiale florissante, où l'innovation et le progrès sont constamment promus, notamment quand il s'agit de faire valoir l'héritage culturel. Dans un message adressé aux participants à la 17e session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, tenue à Rabat du 28 novembre au 3 décembre 2022, le Roi Mohammed VI a indiqué que «des approches judicieuses doivent être élaborées pour sensibiliser les jeunes générations à l'importance de nos héritages culturels». «Elles saisiront ainsi la portée réelle de ce patrimoine que nous léguons à toute l'humanité : il est riche de ses multiples affluents culturels et plonge ses racines dans les profondeurs de l'Histoire», a souligné le Souverain. Dans une allocution à l'ouverture du même événement, la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a fait observer, que «lorsqu'on évoque le patrimoine désormais, on ne pense plus seulement à des monuments ou à des sites naturels mais également à cet autre patrimoine fondamental : celui des traditions, des fêtes, des gestes qui se transmettent de génération en génération et qui se cristallisent dans des pratiques sociales». Un héritage à protéger et promouvoir Parmi les nombreuses initiatives menées par le Royaume afin de protéger, valoriser et promouvoir cet héritage figure la stratégie de labellisation de l'artisanat. Dans une présentation sur «la propriété intellectuelle au service de l'artisanat», lors du symposium mondial sur les Indications Géographiques, tenu le 7 septembre 2021, l'ingénieur et expert en artisanat au ministère du Tourisme, de l'artisanat et de l'économie sociale, Khalid Rahel, a indiqué que la démarche qualité sous-tendant la stratégie nationale de labellisation dans le secteur de l'artisanat répond à plusieurs problématiques, à savoir l'absence de traçabilité, la difficulté d'accéder à de nouveaux marchés, la contrefaçon et la concurrence déloyale ainsi que le manque d'informations sur les spécifications et les compositions des produits. À la fois bénéfique aux consommateurs et aux professionnels par la mise en place de labels et de marques, cette démarche qualité permet de valoriser les produits marocains et d'augmenter les revenus des acteurs locaux dans le secteur de l'artisanat. Axée sur la recherche et le développement, la normalisation, l'innovation, la propriété industrielle, la certification et le contrôle des normes d'application obligatoire, la marque ombrelle «Maroc fait main» regroupe les labels «Qualité premium» pour récompenser une qualité de luxe, «Artisanat régional» pour distinguer les produits locaux, «Qualité certifiée» pour garantir le respect des normes d'usage, le label «Madmoun» pour protéger la santé et la sécurité des consommateurs et «Artisanat Responsable» pour protéger l'environnement et garantir le respect des conditions de travail des artisans. Les oubliés de la RSE Parallèlement à cette stratégie qui repose sur le branding de l'artisanat et sa protection à l'aide de labels, les entreprises internationales se doivent aussi de remettre la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au cœur de leurs stratégies. Si la redistribution de valeur aux différentes parties-prenantes est un des aspects les plus importants de la politique RSE de toute entreprise qui se respecte, il est triste aujourd'hui de constater une absence totale d'engagement de la part de certaines d'entre elles quand il s'agit du respect de l'héritage culturel. Certaines pratiques témoignent, en effet, d'un profond manque de discernement entre «appréciation culturelle» et «appropriation culturelle» chez ces acteurs internationaux qui se vantent souvent de porter des valeurs d'inclusion et de diversité. Afin de rester crédible face à une clientèle de plus en plus informée et de plus en plus sensible au respect des normes éthiques, les entreprises internationales intéressées par la commercialisation des produits inspirés de l'artisanat marocain se doivent d'intégrer les acteurs locaux du secteur dans leurs chaînes de valeur et d'établir des partenariats fructueux qui généreront des revenus pour les artisans. Dans cette optique, le fait de pouvoir compter sur des acteurs locaux qui ont une parfaite conscience des enjeux liés à la conservation de l'artisanat et de l'importance de la labellisation dans un monde qui se mondialise est primordial. L'entrepreneuriat au chevet de l'artisanat De ce fait, il est essentiel de pouvoir compter sur des startups et des PME qui portent en elles l'ADN de l'innovation et de l'entrepreneuriat social, quand il s'agit de valoriser les produits de l'artisanat à la fois au niveau des marchés intérieurs et des marchés internationaux, face à une concurrence déloyale qui ne tient pas compte des normes qualitatives. La Journée mondiale de la propriété intellectuelle donne l'occasion de mettre en évidence le rôle que jouent les droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et modèles industriels, droits d'auteur) dans la promotion de l'innovation et de la créativité. Un système de propriété intellectuelle équilibré fait connaître et récompense les inventeurs et les créateurs pour leur travail, en même temps qu'il fait bénéficier la société et l'économie de leur ingéniosité. Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ECO