Il faut d'abord croire en son idée, en son projet, répondre à une vraie problématique du marché. Après, le porteur du projet peut aller à la recherche de financement, d'accompagnement ou encore de mentorat pour confirmer sa croissance et donc s'internationaliser dans les meilleurs des cas. L'accompagnement des banques aux porteurs de projets fait toujours débat. Pour parler de la place du banquier dans la réalisation de son projet, Jérôme Mouthon, président de Teads région MEA, n'y va pas par quatre chemins. «En France, c'est avec le temps que votre banquier apprend à vous connaître. Au Maroc, ce n'est pas la même chose, car les banques maintenant sont partenaires de toutes les structures d'accompagnement des entrepreneurs. Plusieurs offres d'aides à la création d'entreprises ont été mises en place», rappelle-t-il. Le président de Teeds conseille, cependant, de «ne pas trop compter sur l'apport des banques et davantage compter sur soi-même». François Marchal, directeur général et membre du directoire de Société Générale Maroc, rétorque : «Les banques ne sont pas des capital-investisseurs. Elles gèrent l'épargne des clients, avec laquelle elles financent les projets, donc elles n'ont pas le droit de le risquer. Il faut deux à trois ans d'historique, avant qu'un projet devienne bancable». Hicham Amadi, président du conseil d'administration de Heetch Maroc et PDG de 2WLS, est du même avis. «Pourquoi une banque croit en vous alors que vous-même ne croyez pas en votre idée. A partir du moment où votre conseiller en banque voit que vous avez fourni un effort, et peut-être avec le peu de moyens dont vous disposez, vous avez réussi. Là, il pourrait éventuellement vous fournir une ligne de crédit». L'accompagnement financier, au départ d'un projet, provient d'abord des fonds propres de l'entrepreneur. Il doit ensuite faire appel aux fonds d'amorçage, aux fonds de développement, mais aussi et surtout au capital risque. Le business plan, un préalable ? Pas forcément même s'il est utile d'en disposer. Les entrepreneurs présents dans le Cercle des ECO sont convaincus de son utilité, mais il faut qu'il soit associé à une technicité et limité dans le temps. En tant qu'ancien consultant, Smael Benkhayat s'est rendu compte, en devenant entrepreneur, «qu'il ne servait à rien de faire des projections long-termistes. Entre l'idée de départ et celle qui finit par réussir, il y a un grand gap», estime-t-il. Pour lui, «le meilleur moyen de savoir si l'idée d'un projet est bonne n'est pas d'en faire un business-plan, mais d'aller la tester sur le marché et puis généralement se planter et essayer de l'améliorer, jusqu'à atteindre ce fameux produit fini que tous les entrepreneurs recherchent, c'est à dire le moment où l'idée ou le service répond aux besoins du marché». Il faut répondre à un besoin précis L'un des secrets de réussite d'un projet est de savoir répondre à un besoin précis. «Lorsqu'on parle à un venture capitaliste ou un business angel, la première chose qu'ils veulent savoir est la nature du problème que le porteur veut résoudre, comment va-t-il y arriver ? Pourquoi il est bien placé pour le faire et quels sont ses avantages compétitifs ?», affirme Belkhayat. Les success stories Les fondateurs de Chari, Ismael Belkhayat et Sophia Alj, étaient persuadés que le modèle de leur entreprise allait être un modèle «capital intensif», c'est-à-dire que pour atteindre une éventuelle rentabilité économique, il faut atteindre une certaine taille et par conséquent grandir et donc investir. Donc les investisseurs capables de suivre ce modèle sont les venture capitalistes, mais ces derniers donnent une valorisation faible au projet. «Au début d'une aventure entrepreneuriale, il est déconseillé de solliciter des venture capitalistes, il faut plus allez chercher du «love money», c'est-à-dire de l'argent qui provient de personnes de votre entourage. Ça peut être des amis, des parents, des cousins qui vous font confiance», soutient Belkhayat. Une fois qu'ils ont financé leur projet, les deux entrepreneurs se sont tournés vers des venture capitalistes et des business angels qui ont mieux valoriser leur projet et les ont accompagnés dans leur croissance future. C'est une étape dénommée pré-seed ou le seed qui permet de passer à l'étape du proof ou concept. Une fois ce stade atteint, on peut parler de début de réussite d'un startupper. François Marchal note dans ce sens: «Ce qui est intéressant dans ce mécanisme de création, d'innovation qui existe dans les startups, c'est qu'il existe chez les autres entreprises qui doivent aussi se renouveler, se réinventer et aller investir de nouveaux marchés. Le seul avantage que ces dernières ont, c'est qu'elles n'ont pas forcément besoin de lever l'argent ailleurs pour le faire». Ces entreprises disposent de leur business historique qui leur génère déjà des flux. Mais, par contre, celles qui ne font pas cet effort de remise en question finissent par s'éteindre. Quid de l'internationalisation ? L'étape de l'internationalisation est présente dans la vision de départ. «Le jour où on rêve son projet, on ne le rêve pas pour qu'il se développe dans un petit périmètre», affirme Hicham Amadi. Cela dit, pas tous les opérateurs ne rêvent de s'exporter. Dans le cas de sa startup Heetch, Amadi ambitionnait de lancer des terminaux de paiement au niveau des taxis. «Je ne voulais pas lancer une application, ni encore concurrencer d'autres acteurs du marché. Je voulais répondre à un besoin de payer par carte bancaire une course de taxi». Il ambitionnait d'accaparer une part des 700.000 courses de taxis qui sont enregistrées au niveau de la ville de Casablanca au quotidien. Par un concours de circonstances, il a rencontré les patrons de Heetch et a réussi la prouesse de conclure un accord avec les syndicats de taxis. L'aventure était désormais lancée une fois que le proof of concept a été approuvé au Maroc. Heetch s'est ensuite exporté en Algérie, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, en Rwanda, au Cameroun. «Une fois que le modèle tient, l'exporter n'est plus un sujet parce qu'on connaît la recette de réussite», affirme Amadi. En effet, en termes d'internationalisation, il est conseillé dans un premier temps d'aller vers des marchés similaires. Teeds a, pour sa part, fait le choix de s'implanter dans d'autres marchés du Moyen-Orient, notamment Dubai, l'Arabie Saoudite, et a récemment démarré en Afrique du Sud. François Marchal pense que «lorsqu'on pense développer à l'international, il ne faut pas partir avec l'idée que le business va marcher de la même façon partout. Conquérir un nouveau pays implique une nouvelle entreprise, une nouvelle vision et une nouvelle adaptation au besoin de ce nouveau marché ». D'où vient l'idée d'entreprendre ? Sur le volet de l'accompagnement, Amadi pense qu'il y a suffisamment de réseau au niveau national, d'associations et de mentorat. «À mon avis, il y en a même trop. C'est devenu tellement galvaudé que tout le monde veut s'y mettre. C'est devenu, en fin de compte, un vrai business», assure-t-il. Il est donc essentiel de savoir ce que l'on veut faire et où on veut aller pour la réussite d'un projet entrepreneurial. «Parfois, le porteur du projet n'est pas capable d'y répondre», relève Marchal. «La meilleure façon de trouver une problématique à laquelle on peut trouver une solution en entreprenant, c'est de la vivre soi-même», estime Belkhayat. Il donne l'exemple des projets qu'il a créé, comme «votrechauffeur.ma», une solution pour accompagner les gens qui cherchent à se déplacer dans les meilleures conditions, ou encore «Sarouti.ma» dans le secteur de l'immobilier. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO