L'année 2023 s'annonce sous le signe de la réforme, pour le système éducatif, et ce, en passant par tous les niveaux. Lors de la tenue de la 1re session ordinaire de son deuxième mandat, le Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) a révélé plusieurs éléments qui permettent d'évaluer l'état des lieux de l'éducation nationale. Détails. Malgré la volonté de vouloir revoir la vision stratégique commune, l'école publique est loin d'avoir les prérequis qui nécessitent la confiance des citoyens. C'est en tout cas ce qu'il ressort de la réunion du conseil. Au menu, plusieurs exposés des ministres autour des projets de réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique lancés par le gouvernement. 300.000 cas en décrochage scolaire par an La première présentation a été donnée par chakib Benmoussa, ministre de l'Education nationale, du préscolaire et des sports. Elle se décline en «Feuille de route 2022-2026 : pour une école publique de qualité». Le premier indice qui interpelle est le nombre alarmant quand il s'agit de décrochage scolaire. Plus de 300.000 cas d'abandon scolaire sont recensés annuellement. Les zones rurales sont les plus à compatir. Parmi les réflexions lors de la réunion, le doigt a été pointé sur les zones orales, où les personnes n'ont pas les moyens de scolariser les enfants, et dans le cas échéant, préfèrent les garder à la maison pour les aider dans les tâches ménagères quotidiennes, une situation qui concerne particulièrement les filles. «Une famille a deux enfants, elle va choisir d'envoyer le garçon à l'école et garder la fille à la maison», a-t-il été relevé. Ajoutez à cela le pourcentage des étudiants ayant les qualifications minimales, le Maroc détient la 77e place sur 79 pays pour ce qui est des mathématiques, et se positionne à la 75e place dans le domaine de la lecture. Dans les détails, à peine 23% des étudiants peuvent lire aisément un texte de 80 mots en arabe, 30% des étudiants peuvent lire un texte de 15 mots en français, et 13% arrivent à réaliser une opération simple de division. Les données prouvent la crise traversée par l'éducation nationale. 70% des élèves ne maîtrisent pas les cours après avoir terminé le cycle primaire. Seulement 25% des étudiants participent aux activités parascolaires. C'est dans ce sens qu'intervient la feuille de route, qui vient instituer un nouveau modèle de réforme à l'horizon 2026. Elle priorise l'impact sur les élèves et propose des solutions et des mesures pratiques pour améliorer la qualité de l'école publique. Elle porte sur 3 objectifs. Pour les atteindre, la feuille de route a établi 12 engagements qui s'articulent autour de trois axes d'intervention stratégiques, dans le but d'asseoir les bases d'une école publique de qualité pour tous. Selon Benmoussa, «Il ne faut pas se limiter à la constitution d'une réforme, on peut avoir des perspectives qui marchent, à condition que toutes les parties prenantes soient responsables et font leur part des choses.». Et d'ajouter qu'un focus sera établi sur le collège, «il y aura prochainement, une révision globale de tous on revoit les filières d'excellence pour les améliorer» : a-t-il fait savoir. 50% des étudiants quittent l'université sans diplôme Vient ensuite la présentation sur «le plan national d'accélération de la transformation de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation», de Abdellatif Miraoui ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation. Les données sont loin d'être rassurantes. En effet, 50% des étudiants quittent l'université sans diplôme. Le chômage des diplômés de l'université a connu une hausse. Miraoui fait également savoir que la recherche scientifique souffre d'une absence de coordination et de ressources. Pour ce qui est du budget, la situation n'est pas mieux. En effet, l'enveloppe consacrée pour la recherche scientifique et technique représente à peine 1.6% du budget global de la période 2021/2022. «Le temps de parvenir à une éducation nationale adéquate, il va falloir attendre entre 12 et 15 ans pour avoir des résultats concrets. Entre temps, on essaye de voir ce qu'on peut faire», c'est la conclusion de Abdellatif Miraoui. Renforcement des langues Parmi les objectifs du département, on cite le renforcement des compétences linguistiques, notamment de l'anglais. Ainsi, plus de 12.500 étudiants suivront au moins un module en anglais pendant cette année universitaire, selon le ministre. Plus de 12.000 tests linguistiques ont été passés au mois de septembre 2022 dans les différentes universités. Un test qui deviendra obligatoire pour évaluer le niveau de l'étudiant dès son entrée à l'université, et ainsi adapter le programme d'apprentissage à son niveau. Cette mesure vise la certification linguistique obligatoire, selon les filières, en vue d'obtenir le diplôme. Selon le ministre, les nouveaux licenciés devront absolument atteindre un niveau B1 en anglais et B2 dans la langue d'enseignement. Par ailleurs, le ministère de l'Enseignement supérieur privilégie un système pédagogique mixte, à hauteur de 30% en présentiel et de 70% en distanciel, par le biais des canaux digitaux. De même, des plateformes numériques spécialisées et reconnues sont actuellement en phase d'expérimentation dans trois universités. Le but est d'en sélectionner une, en coordination avec le ministère de l'Education nationale, pour adopter la même solution, afin d'assurer une cohérence et une fluidité au moment du passage entre les différents cycles. Par ailleurs, le ministère entend élargir la certification dans un certain nombre de programmes, notamment ceux de Microsoft, Cisco, Oracle et Huawei. L'objectif est d'atteindre 100.000 étudiants certifiés à l'horizon 2026. Ecoles de coding Le ministère prévoit également de construire plusieurs écoles de coding, baptisées «Code 212», auxquelles les étudiants auront un accès libre. Elles adopteront une pédagogie d'apprentissage peer-to-peer (ou pair-à-pair, un système de communication entre plusieurs ordinateurs reliés à une connexion Internet, sans nécessité de passer par un serveur central). Le ministère de l'Enseignement supérieur prévoit de recruter près de 2.350 personnes cette année, dont 1.300 postes pour l'encadrement administratif et pédagogique, conformément au projet de loi de Finances 2023. Parmi ces postes budgétaires, 750 seront destinés à la formation dans les sciences de l'éducation et la médecine. Cette répartition intervient en application des conventions signées avec les ministères de la Santé et de l'Education nationale. Ce nombre s'ajoute aux 800 postes budgétaires alloués au recrutement des enseignants-chercheurs. Par ailleurs, une plateforme numérique nationale pour le recrutement sera bientôt créée. Elle deviendra un passage obligé pour tous les établissements d'enseignement supérieur publics, dans le but de faciliter la construction d'un système de recrutement basé sur le mérite et la transparence, a déclaré Abdellatif Miraoui. Le ministère prévoit également d'atteindre les objectifs du PACTE ESRI 2030 à travers des conventions de partenariats sectoriels, à l'instar de celles signées avec les ministères de la Justice, de l'Education nationale et de la Santé. Ainsi, une capacité de 20.000 sièges a été prévue dans les sciences de l'éducation dès cette année, en hausse de 100% par rapport à l'année précédente. Ce nombre augmentera à 100.000 à l'horizon 2026. Le département de Abdellatif Miraoui ambitionne également de doubler le nombre de médecins formés d'ici 2026. Une augmentation de 20% a été amorcée dès cette année. Le ministère entend entamer la digitalisation de toutes les filières. Le démarrage se fera par les facultés de droit, qui comptent un grand nombre d'étudiants. Ces plateformes de e-learning renforceront non seulement les compétences numériques et linguistiques, mais également la formation à vie des citoyens. «La nouvelle université sera un lieu où l'on reviendra souvent au cours de sa vie professionnelle», a indiqué Miraoui. Et d'ajouter qu'une plateforme numérique de renforcement des capacités a été développée. Elle comporte un bouquet de modules qui, eux-mêmes, comprennent près de 100 cours en ligne dans différentes spécialités. Dans le même sillage, le ministère travaille sur le développement d'une application Massar Sup, à l'image de Massar pour l'éducation fondamentale, afin d'assurer une convergence entre les différents cycles d'enseignements. Renforcement des cités de l'innovation Le plan prévoit aussi de renforcer les cités de l'innovation. Le Maroc en possède actuellement cinq. Deux autres sont prévues cette année. L'objectif à terme est que chaque région puisse avoir la sienne. Il convient de noter que trois instituts de recherche nationaux devraient être créés. Ils regrouperont tous les chercheurs reconnus au niveau national. D'autres sont prévus pour les prochaines années. Ces instituts de recherche seront pourvus des moyens nécessaires pour mener des travaux de recherche, promet Abdellatif Miraoui. De plus, ils pourront accueillir les docteurs dans la poursuite de leurs recherches. Un budget de 600 MDH a été prévu pour le programme national des projets de recherche scientifique, en plus de 50 MDH qui seront mobilisés à travers des programmes de coopération internationale. Une deuxième chance pour les Bac +2 Le département prévoit de nouvelles passerelles dans le but de permettre aux étudiants l'accès aux établissements à accès ouverts aux parcours des grandes écoles, après les deux premières années de licence. À cet effet, de nouvelles grandes écoles verront le jour, notamment pour des filières comme le droit et les sciences humaines. L'accès aux écoles sera conditionné par l'obtention d'un DEUG. Pour conclure, à l'ordre du jour de cette session figure également l'élection des membres du Bureau du Conseil, la constitution et l'adoption de la composition des Commissions permanentes, ainsi que l'élection de leurs présidents et rapporteurs, et la création de deux groupes de travail chargés de l'élaboration du rapport d'activités et de la stratégie du Conseil 2023-2027. Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO