Le prince héritier a 10 ans. Au Maroc où l'institution royale, comme ailleurs au sein de toutes les monarchies, tient une place particulière, cette célébration revêt un aspect particulier. Au delà du symbole, il s'agit d'une étape particulière dans la formation du prince qui commence à mener des activités officielles et donc à multiplier les apparitions publiques. Dans le système sociopolitique marocain, la monarchie constitue une garantie de stabilité politique qui fait aujourd'hui du royaume, un modèle pour la région. Cet atout qui s'est particulièrement manifesté dans le tourbillon des évènements politiques, a mis en lumière l'attachement des Marocains à la royauté. Ce qui constitue un argument stratégique même au niveau international et particulièrement pour les investisseurs qui font de la stabilité politique, la priorité des critères en matière d'attractivité pour un pays. Au cœur du système monarchique, l'institution du prince héritier, telle qu'elle a été conçue et de la manière dont elle a évolué au cours de plusieurs siècles, joue un rôle tout aussi spécial et participe à garantir la pérennité de cette stabilité politique. «Autant la souveraineté est populaire, autant la royauté est garante de la pérennité de l'Etat», explique Najib Mouhtadi, résumant la valeur de l'institution dans le contexte politique marocain. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que la dévolution du pouvoir au Maroc a connu une évolution à la mesure des changements intervenus dans l'histoire du pays. La dernière en date remonte à la modification de l'âge de la majorité du prince héritier qui a été relevé de 16 à 18 ans lors de la réforme constitutionnelle de 2011. Encadrement constitutionnel Pour beaucoup d'observateurs et d'analystes du système politique national, l'encadrement constitutionnel de la succession monarchique au Maroc s'inscrit dans le cadre de la pérennisation de la stabilité politique du Maroc. Ce qui s'avère être également une parfaite justification au regard de l'histoire de la monarchie au cours des siècles, mais également en comparaison avec d'autres systèmes de même nature dans plusieurs autres pays du monde où le processus de désignation et de succession se manifeste assez souvent par des problèmes récurrents. Ce qui met en péril le système politique de ces pays et n'offre pas de réelle visibilité pour la consolidation du pouvoir et le rôle politique, religieux ou historique qu'il joue. «La couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et par ordre de primogéniture de sa Majesté le Roi Mohammed VI, à moins que le Roi ne désigne, de son vivant, un successeur parmi ses fils, autre que son fils aîné», dispose l'article 43 de la Constitution de 2011 dans son article 43. Celui-ci précise également que lorsqu'il n'y a pas de descendants mâles en ligne directe, «la succession au Trône est dévolue à la ligne collatérale mâle la plus proche et dans les mêmes conditions». Ces dispositions reprennent pour l'essentiel les dispositions de la Constitution de 1996, dont la teneur en ce qui est relatif à la royauté s'inscrit dans le même registre de l'encadrement de la dévolution de la couronne, mais également de la formation du prince héritier. Il en va de même de l'institution du Conseil de régence, une institution qui est appelée à accompagner la prise de fonction du prince au cas où il serait appelé à l'exercice de cette fonction avant sa majorité. Le Conseil de régence exerce en vertu des dispositions de la loi fondamentale, les pouvoirs et les droits constitutionnels de la couronne, sauf ceux relatifs à la révision de la Constitution. À ce titre, l'article 44 dispose du fait qu'il fonctionnera comme «un organe consultatif auprès du Roi jusqu'au jour où il aura atteint l'âge de vingt ans accomplis». Les règles de fonctionnement du Conseil de régence sont fixées par une loi organique mais sa composition donne largement une idée sur l'esprit de l'article premier de la Constitution qui réglemente les fondements du régime constitutionnel marocain basés entre autres sur «la séparation, l'équilibre et la collaboration des pouvoirs». Le Conseil de régence se compose ainsi du «chef de gouvernement, du Président de la Chambre des représentants, du Président de la Chambre des conseillers, du Président-délégué du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, du Secrétaire général du Conseil supérieur des Oulémas et de dix personnalités désignées par le Roi intuitu personae». Najib Mouhtadi, Professeur universitaire de sciences politiques Les ECO : Quelle est la place de l'institution du prince héritier dans le contexte politique marocain actuel ? Najib Mouhtadi : L'institution du prince héritier est centrale dans l'édifice de la royauté au Maroc. Non seulement elle évite le risque d'une succession chaotique, comme cela a pu se produire quelques fois durant les siècles passés, mais elle constitue pour les politiques et les opérateurs économiques, une garantie de stabilité et de visibilité. La nouvelle Constitution de 2011 a d'ailleurs repris les anciens articles dans leur globalité, en y apportant tout de même une modification, l'âge de la majorité, passé de 16 à 18 ans, comme pour l'ajuster avec la législation propre à l'ensemble des citoyens. Autant la souveraineté est populaire, autant la royauté est garante de la pérennité de l'Etat. Quel sens donner à l'encadrement de la succession pour le trône ? Le Conseil de régence est à la fois une protection et une assurance pour le fonctionnement normal des institutions, en attendant la majorité du prince. Il prémunit le système politique contre toute forme d'abus ou de détournement du pouvoir. Son rôle essentiel est d'assister le jeune prince dans l'exercice de ses fonctions en lui apportant les avis et conseils nécessaires et en lui assurant largement l'assistance juridique et politique. Dans l'ensemble, quelle analyse faire des premiers pas du prince héritier, notamment pour ce qui est des activités officielles ? Dans le contexte marocain, le prince héritier est un roi en formation qui grandit sous l'œil vigilant du peuple et des institutions. En tant que roi citoyen, il est très tôt initié à la gestion des affaires publiques. C'est une contrainte majeure dans la vie d'un roi qui apprend dès son jeune âge, à renoncer au bien-être de l'enfance insouciante et se mêle bon gré, mal gré aux contraintes de gestion des affaires de l'Etat. Pour Hassan II comme pour Mohammed VI, le jeune prince perpétue une tradition bien marocaine, à savoir se frotter à des jeunes d'origine aisée et d'origine modeste. Pour ainsi dire, il reçoit une formation de base complète au sein de l'école princière (collège royal), auprès de jeunes de son âge, issus de différentes catégories sociales et représentant diverses régions du royaume. Initiation royale Au delà de son rang protocolaire, le prince héritier est dans le système politique marocain un personnage public. À ce titre, il mène des activités publiques qui se résument pour l'essentiel à des missions protocolaires. Ces derniers temps, d'ailleurs, les apparitions publiques de Moulay El Hassan se sont multipliées. Au Maroc où l'institution tient un rôle particulier et fait partie intégrante de l'institution monarchique, les premiers pas du prince héritier sont suivis avec attention. De sa naissance en passant par son éducation traditionnelle et religieuse, sa formation académique qui débute au Collège royal, les activités officielles du prince ne laissent pas indifférent. Cette attention va au delà de la scène nationale, comme en témoignent les nombreux articles que lui consacre assez régulièrement la presse internationale. L'apprentissage royal est en effet tout un processus au cours duquel le prince héritier devrait se familiariser progressivement à l'exercice des fonctions qu'il sera un jour appelé à assumer. C'est pourquoi le prince bénéficie d'une attention particulière tout au long de cette étape importante de sa vie comme c'était le cas avec son grand-père Feu Hassan II ou son père Mohamed VI au temps où ils occupaient cette fonction. Ce processus qui constitue une particularité marocaine s'explique selon un expert par le fait qu'au Maroc, le prince héritier est connu dès sa naissance et doit par conséquent se préparer à l'exercice de la fonction pour laquelle il est destiné. Dans le cas de Moulay El Hassan, la direction de son éducation a été confiée à l'ancien ministre de la Fonction publique, Aziz Houcine et également ancien ambassadeur au Qatar. Activités officielles À la mesure de son âge, les premières activités du prince Moulay El Hassan ont débuté par des sorties officielles aux côtés du Roi. Pour l'essentiel, il s'agit des visites royales qu'effectue régulièrement le souverain comme pour l'ouverture du SIAM à Meknès ou à l'occasion de la cérémonie officielle au Palais comme lors de la nomination du gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane ou l'accueil et les rencontres avec les chefs d'Etat étrangers comme c'était le cas dernièrement avec la visite effectuée par le Président français François Hollande au Maroc. Parallèlement, le prince héritier commence à mener des activités officielles à l'occasion de plusieurs évènements à caractère social ou sportif, où il représente assez souvent son père. L'une des premières apparitions publiques de ce genre a été l'inauguration, en janvier 2012, du Parc zoologique de Rabat après sa rénovation. Ainsi, le 27 mars dernier, il a inauguré à Rabat l'aire de jeux du Centre Al Manar pour enfants handicapés mentaux. Le prince héritier a profité de cet événement pour visiter les différentes classes du centre avant de présider la cérémonie de remise des diplômes d'éducateur spécialisé à quatre formateurs. En janvier dernier, c'est lui également qui a présidé l'ouverture du moussem des cierges Moulay Abdellah Ben Hassoun, qui s'est tenu en janvier dernier à l'occasion de la fête religieuse du Maouloud. Tout dernièrement, Moulay El Hassan était présent lors de la finale de la 3e édition du Tournoi international Prince Héritier de basket ball, organisé par l'Union sportive de Touarga (UST) et qui est réservé aux équipes composées de jeunes de moins de 12 ans. Il y a une semaine, le prince héritier a assisté à l'hippodrome de Casablanca-Anfa, à la cérémonie du Grand Prix SM le Roi Mohammed VI de la 12e édition de la journée internationale des courses de pur-sang arabes. Ces sorties s'inscrivent pour l'essentiel dans le cadre de sa formation et avec le temps, les activités officielles sont appelées à s'intensifier comme c'était le cas avec le roi Hassan II ou Mohammed VI, qui à l'époque ont été chargés de plusieurs missions tant sur le plan national qu'à l'étranger.