Le climat et l'eau se rejoignent. C'est sur cet horizon qu'est effectivement en train de travailler le ministère de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement (MEMEE). La tutelle prévoit une politique «d'intégration des changements climatiques dans le processus de planification des ressources en eau du royaume». Un prestataire privé devrait se charger de l'étude de faisabilité relative à la mise en œuvre de cette stratégie de rupture, dont le but est de chercher à mettre en commun deux problématiques naturelles aux extrêmes l'une de l'autre : les instabilités climatiques et la rareté des ressources en eau. La direction de la recherche et de la planification du MEMEE est le gestionnaire de ce projet. La première phase de cette initiative devrait de fait se pencher sur un travail de base d'évaluation des effets des changements climatiques sur le royaume. Le consultant sélectionné pour mener ce marché devrait procéder, en coordination avec les services du département de l'Eau et de celui de l'Environnement, à «l'analyse des données hydro-climatiques observées», selon les indications de la tutelle. En langage plus vulgarisé, cette étape consiste en une sorte d'état des lieux au niveau des éléments de diagnostic tels que la pluviométrie, les températures atmosphériques, les débits hydrauliques, etc. La phase suivante devrait porter sur l'évaluation des effets probables attendus des changements climatiques sur les bassins hydrauliques du pays, sur des périodes de référence à définir entre 2010 et 2100. Là aussi, cela devrait se faire à travers la prise en compte de plusieurs éléments comme les niveaux de précipitations, les besoins en eau, l'évaporation, etc. Enfin, la troisième étape de ce projet devrait mener à la proposition d'approches pour concrétiser cette «intégration» des changements climatiques dans les politiques, les plans et programmes relatifs au secteur de l'eau, mais l'intégration également, des mesures d'adaptation appropriées. «Cette mission sera l'occasion de proposer des ajustements à la démarche d'élaboration des bilans hydrauliques entre les ressources et la demande en eau», commente-t-on auprès du MEMEE. Deux défis en un Il faut savoir que le royaume se trouve de plus en plus sous la menace des impacts des changements climatiques. Le pays se trouve en fait situé dans l'une des zones de la planète les plus sensibles. Sur les ressources hydriques, ces impacts se caractérisent plus précisément par la réduction des apports d'eau, la baisse des niveaux des nappes d'eau, la baisse des niveaux des lacs naturels et la dégradation des bassins versants et de la qualité des eaux. À cela s'ajoute une autre retombée, plus transversale et structurelle, portant sur l'accentuation des phénomènes extrêmes, comme ce fût le cas sur les 38 dernières années, marquées par plus d'une vingtaine de périodes de sécheresse, parfois généralisées sur le tout le territoire du royaume. Cela induit des déficits pluviométriques qui ont souvent dépassé la barre des 50%, avec toutes les pertes économiques que cela suppose, l'agriculture étant généralement la première et la principale victime de ces perturbations. L'exemple de la dernière campagne agricole est assez édifiant, à ce propos. La quasi-totalité des filières agricoles a accusé le coup du déficit pluviométrique, avec des rendements en baisse de près de 30% par rapport à la campagne précédente. «Face à cette situation, il est indispensable que le Maroc intègre les changements climatiques dans le processus de planification des ressources en eau», défend-t-on au niveau du MEMEE. Le principal enjeu est d'assurer un développement durable et une gestion efficace et équitable de ces ressources hydriques. Le souci n'est pourtant pas nouveau, puisqu'un processus de planification a déjà été engagé depuis les années 80, à travers l'«ancienne» loi 10-95 qui a permis de se doter de documents de planification des ressources en eau, sur des échéances de moyen et long termes. L'eau, le défi du siècle... La logique du verre à moitié vide s'impose. Le pessimisme sur la diminution des réserves d'eau est devenu planétaire. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévoit pour 2100, une augmentation de la température de la Terre de 2 à 4°c, ce qui devrait s'accompagner par une diminution globale des précipitations de 5 à 20%. Cette perspective est exacerbée par «une augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes, avec des périodes de sécheresse longues et fréquentes et des crues soudaines et violentes». Rien de vraiment bon finalement. La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques définit, par ailleurs, le changement climatique comme étant la résultante «des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine, altérant la composition naturelle de l'atmosphère mondiale et venant s'ajouter à la variabilité naturelle du climat, observée au cours de périodes comparables». De plus, plusieurs observations attestent de l'augmentation des températures de l'atmosphère et des océans, de la fonte généralisée de la neige et de la glace, de l'élévation des niveaux des mers ainsi que de l'accentuation des conditions climatiques extrêmes. Selon les prévisions, ces tendances devraient se poursuivre et s'intensifier au cours du siècle actuel et bien au-delà.