«La situation de la sécurité au travail au Maroc est alarmante». Tel est le constat partagé en masse par les experts en prévention des risques professionnels. Les accidents se multiplient et «des décès fréquents continuent d'être enregistrés», note Anas Benmamoun, directeur d'un cabinet d'ingénierie, de conseil et de formation. À ce jour, il n'existe pas encore de statistiques officielles permettant de mesurer l'ampleur exacte de la situation. Mais de l'avis des professionnels, les accidents du travail ne sont pas sans conséquences sur l'économie nationale et la compétitivité. Ces incidents écornent considérablement l'image des entreprises et polluent le climat social. Les coûts indirects, difficiles à chiffrer, seraient «2 à 5 fois plus importants et affectent lourdement la rentabilité des entreprises». Le BTP arrive en tête des secteurs les plus dangereux et qui font le plus de victimes parmi les travailleurs. Et pour cause, en plus d'être l'un des secteurs qui emploie le plus de main d'œuvre, le BTP est aussi caractérisé par une très forte présence de l'informel. De son côté, l'industrie fait également de nombreuses victimes. Et le plus souvent, «seuls les accidents les plus graves sont déclarés», remarque un expert. Réglementation Et pourtant, ce n'est pas la législation qui fait défaut. Loin de là. La réglementation existe bel et bien. À commencer par le code du travail de 2004, qui insiste sur les précautions liées à la santé des travailleurs. Par exemple, toute entreprise qui emploie plus de 50 personnes doit disposer d'un médecin. Sans parler des injonctions se rapportant aux règles de base de tout travail industriel. Notamment, la mise à la disposition des ouvriers d'un matériel adéquat, et d'équipements de travail garantissant leur sécurité en cas d'accident. Toutefois, comme le souligne Bouchaib Fatali, expert en sécurité, «le mal n'est pas lié à une absence de textes, mais plutôt à leur application». Autrement dit, la règlementation existe, mais elle n'est pas appliquée. La faute à qui ? À l'Etat, aux entreprises, de même qu'aux ouvriers. Si ces derniers se soucient avant tout de l'aspect pécuniaire et de conserver leur poste, les entreprises, observe Anas Benmamoun, «misent plus sur la productivité», alors que les pouvoirs publics peinent à «assurer les contrôles et à faire appliquer la loi», conclut l'expert en sécurité, Bouchaib Fatali. En somme, un bis repetita du dramatique scénario sur l'application du code de la route. La solution ? Inutile de chercher loin. Chez les experts, elle fait l'unanimité : appliquer les textes. Pour Bouchaib Fatali, le Maroc n'a même pas besoin à l'heure actuelle, de renforcer son arsenal juridique, du moment qu'on peine à appliquer ce qui existe comme loi. La sensibilisation aurait également son rôle à jouer, surtout au niveau des ouvriers. L'Etat, qui doit assurer ses contrôles, peut aussi, dans une moindre mesure, compter sur les compagnies d'assurances, bien placées dans certains cas pour savoir quelles entreprises respectent les normes de sécurité.