On serait fortement tenté d'y croire: Convertir tous les produits en plastique qui nuisent à notre environnement en des objets parfaitement dégradables dans la nature. Pour l'heure, on n'en est pas encore là. Néanmoins, comme le disait Lao Tseu: «un voyage de mille miles commence par le premier pas». C'est le cas de le dire aujourd'hui avec l'expérience pilote que lancera la société Greenberry en partenariat avec Symphonie Environmental. Les deux organismes s'engagent en collaboration avec deux grandes surfaces de la place pour la distribution des sachets dits de sortie de caisses. Carrefour et Label Vie vont ainsi, franchir le cap et procéderont à partir du 15 janvier 2010 à l'utilisation des sacs de caisse biodégradables. Ces sacs 100 % dégradables, 100% écologiques sont, pour le moment, importés auprès du distributeur français, Alternative Plastics Sarl. Ils sont conçus selon la technologie D2W (design to work) qui consiste en l'introduction d'un additif dans le processus de fabrication du plastique permettant ainsi le contrôle de la durée de vie du produit. L'additif intervient au niveau de la structure moléculaire du plastique qui se transforme en trois composantes: eau, CO2 et biomasse, des matières totalement bénéfiques pour le sol et qui permettent, ainsi, au plastique de se fragmenter, se dégrader, et, par la suite, de disparaître complètement dans la nature. Dans le cas de la sacherie, la durée de vie passe de quelques centaines d'années à quelques mois pour une dégradation complète dans la nature. Une différence de taille qui participerait à la préservation de notre environnement, surtout quand on sait que les Marocains consomment 3 milliards de sacs en plastique par an. Agir à la source La sacherie absorbe, à elle seule, 250.000 tonnes de la production totale du plastique. Sa consommation par habitant est de 9 kg/an. Elle ne constituerait que la partie visible de l'iceberg. En effet, le plastique envahit notre vie quotidienne dans des domaines aussi variés que l'emballage, le bâtiment, le transport, les équipements électriques et électroniques, l'ameublement et la décoration, le loisir. Il rentre également dans le processus de plusieurs industries, notamment l'agro-industrie et l'industrie pharmaceutique. Les effets néfastes à l'environnement sont particulièrement nuisibles quand il s'agit d'agricultures ayant recourt aux films plastiques pour leurs productions. L'agriculture de la fraise au Maroc, par exemple, utilise, chaque saison, des milliers de films pour Paillis non biodégradables et qui sont immédiatement nuisibles aux terres agricoles après leur absorption par le sol. Faible législation Plutôt que de proposer des solutions partielles, le Maroc devrait adopter une solution radicale quant aux effets néfastes du plastique sur l'environnement. En imposant, par exemple, des législations visant à terme à intégrer les coûts de retraitement dans les coûts de fabrication. La proposition de mesures pour le contrôle des sachets ou la distribution de la sacherie biodégradable n'apporte qu'une réponse partielle au problème. Dans son objectif de limiter les dégâts de sacs en plastique noires sur l'environnement, le ministère de l'Industrie et du commerce avait adopté, depuis septembre 2009, conjointement avec le ministère de l'Energie, un arrêté ministériel interdisant l'utilisation de matière colorante noire pour les sacs en plastique. Cet arrêté rend, en effet, obligatoire l'application de la norme NM 11.40.050 concernant les sacs en plastique qui devront être désormais «exempts de matière colorante noire». Mais également la traçabilité, l'origine et l'identité deviennent obligatoire. Edwins Sluismans, directeur de Greenberry adhère à cette logique. «La loi a le mérite d'exister, mais elle reste ambigüe. Certes, cette nouvelle réglementation permettrait de mettre de l'ordre dans les pratiques, notamment dans la fabrication des sacs en plastique, de fixer des limites à ceux qui prennent l'avantage dans ce secteur non structuré, en réalisant beaucoup de bénéfices sans souvent payer des taxes. Mais, la loi manque de vision sur le long terme, l'objectif d'éradiquer le problème des sacs noirs en deux ans seulement me semble irréaliste». Pratiques socioculturelles nuisibles En l'absence d'une industrie de recyclage et d'un système efficace de gestion des déchets, une bonne partie des produits en plastique se retrouve dans la nature et prend jusqu'à 400 ans pour disparaître. La courbe de protection de l'environnement qui doit suivre celle de l'industrialisation est une réalité que le Maroc est loin d'appliquer. Pourtant, il fait bien partie des pays les plus industrialisés du continent africain. Alors que près de 40% des déchets sont recyclables, seuls 4 à 5% sont effectivement récupérés dans le pays. D'un autre côté, les habitudes quotidiennes des Marocains, et l'absence d‘une culture du tri sélectif, semblent intensifier le problème. Autre exemple qui donne froid dans le dos: un million de Marocains par an fréquentant les pharmacies exigent un sachet même si l'achat porte sur un simple tube de Doliprane. La «mika kahla» a, paradoxalement, la qualité de son défaut. C'est, justement, sa couleur noire qui est à l'origine de son succès auprès des consommateurs marocains. Elle semble répondre à une vraie fonction sociale. En premier lieu pour les vendeurs d'alcool, qui les utilisent pour des raisons de discrétion, mais également par pudeur lorsqu'il s'agit de faire des achats modestes dont on ne voudrait pas nécessairement que les voisins prennent connaissance. Et si on changeait de mentalité? Le retour vers les matériaux traditionnels serait très bénéfique à l'environnement. Verre et métaux, après avoir été dépassés par les plastiques, peuvent avec des campagnes de sensibilisation récupérer un peu de leur gloire perdue. Le verre moderne est bien plus léger qu'avant et peut subir de nombreux traitements chimiques améliorant ses qualités. Les métaux, et notamment l'acier, ont pour eux un prix de revient faible, par rapport à certains plastiques «haut de gamme». Le retour également, aux bonnes vielles habitudes est fortement préconisé comme l'utilisation du panier marocaine en osier. Même si les sachets représentent toujours des solutions de facilité, une sensibilisation du citoyen pourrait faire que cette évolution ne soit pas perçue comme une régression. Et là c'est de l'adhésion du citoyen lambda qu'il est question. Un changement de mentalité dans le sens d'une acquisition des bons réflexes en est la clé de voûte. «Nous commençons par la sensibilisation»:Michael laurier, président de Symphony environmental Les Echos: Quelles sont vos motivations pour conquérir le Maroc ? Michael Laurier : Le Maroc est un des pays où l'apport d'une solution à la pollution générée par le pastique est des plus urgentes. Le pays qui ne dispose pas d'industrie de recyclage et d'un système de gestion de collecte de déchets sophistiqué a besoin d'une technologie comme la notre. Comment comptez-vous convaincre les fabricants de plastique ? En l'absence d'une réglementation adaptée, nous sommes conscients qu'il y a un long processus à engager. Aujourd'hui, nous commençons en partenariat avec notre distributeur local Green Berry par la distribution de la sacherie oxobiodégradable. Nous engageons une démarche de sensibilisation sur l'existence de solutions économiquement abordables qui apportent une réponse à la source au problème de la pollution du plastique auprès des producteurs et de l'existence de solutions prêtes. Y a-t-il des coûts supplémentaires à supporter ? Les nouvelles pratiques ne doivent bouleverser en rien les investissements existants. En adoptant la technologie D2W, les usines n'auront rien à changer. Par ailleurs, nous sommes conscients que le coût est un facteur déterminant à l'introduction de cette technologie dans les pays en voie de développement. C'est pour cela que nous nous engageons à maintenir les couts au minimum. Et, c'est ainsi que le coût industriel reste marginal par rapport au coût total de la production, celui-ci ne dépassant pas les 20%.