Notre vision du politique charrie irrémédiablement les affluents de l'histoire. Elle est investie par notre imaginaire et par nos processus de maturation. Une démocratie s'épanouit dans un climat transparent et intègre, désencombré de ce qui va à contresens de la volonté citoyenne et des exigences du monde moderne. Le sens signifie, rattache à la vie. Il emplit l'acte d'une signification mobilisatrice, le lie à une vision et à une perspective. Après l'indépendance, la politique marocaine s'est renfermée dans cette quête du leadership, du pouvoir en tant que fin en soi. Dans son rapport au pouvoir, elle s'est bipolarisée : elle est soit dans la contestation, soit dans l'allégeance, pour être valable. Elle ne s'est pas libérée du concept du pouvoir en tant que domination et privilèges, pour accéder à celui du pouvoir en tant que création et ingénierie du développement ! Ainsi, les pratiques du pouvoir irriguent et charpentent les mécanismes sociétaux d'une nation, incluant la gestion politique. «La société est fondée sur un avantage mutuel , mais lorsqu'elle me devient onéreuse, qui m'empêche d'y renoncer ?», disait Montesquieu. Si la politique ou du moins une certaine pratique du politique n'intéresse plus personne, c'est qu'en elle ne germe plus ce sens mobilisateur. Elle est dépourvue de contenu, voire discréditée ! Pourtant, qui se passerait de la politique en tant que nécessité de construction d'autres possibles, d'adhésion unificatrice à des causes majeures ? Faudrait-il la laisser dépérir, pour n'être que le faire-valoir de minorités et le non renouvellement outrancier d'élites ? Revitalisation du débat Les abus, l'incompétence, la bureaucratie, l'archaïsme... ont fait, certes, voler en éclats cette crédibilité, qu'il faut maintenant régénérer. La revitalisation du débat, l'émergence d'idées nouvelles sur les réalités marocaines et la «ré-oxygénation des espaces politiques» sont nécessaires pour une nouvelle reconfiguration du «sens» politique. C'est un préalable à tout. Nous ne pouvons appliquer à un monde ayant subi des modifications structurelles des grilles de lecture élaborées sur la base de débats théoriques et idéologiquement dépassés. Par ailleurs, la pratique politique ne saurait se résoudre à la technocratie ou à la techno-économie, quelque pur ajustement technique qu'elles puissent apporter ! Il s'agit d'être visionnaire, d'élaborer sur la base de débats nationaux les projets sur lesquels s'accordent nos volontés d'agir et de poursuivre ensemble les mêmes buts. Il en découlera les orientations qui vont irriguer les grands chantiers nationaux : la réforme de la justice et de la fiscalité, de la santé et de l'éducation, la lutte contre la corruption et les disparités sociales, le renforcement du lien social... L'élaboration de cette culture politique nouvelle est fondamentale. Elle est structurante et jette les bases de la mobilisation sociale, afin d'affronter les défis qui s'imposent à nous. Seule une démocratie agissante assure la pérennité d'un Etat, alors, autant qu'elle soit un exercice ouvert, entier et non exclusif. Il n'y a pas de miracles, il s'agit d'audace, de convictions et de passion de servir son pays ! En agissant, «on se trompe parfois. En ne faisant rien, on se trompe toujours», dixit Romain Rolland. Le Maroc est une maison commune pour nous, Marocains ! Il ne dépend que de nous d'en faire l'espace de vie que nous souhaitons et celui de nos jeunes, avides de changements courageux.