Dans son fameux périple qui l'a mené aux confins de la terre, Ibn Batouta ignorait sûrement que son voyage allait être cité comme une référence du début des relations entre l'Inde et le Maroc. Bien avant, la mention du pays au plusieurs centaines de langues et plus de 2.000 groupes ethniques évoquait les fameuses «épées de l'Inde» que les poètes de la péninsule arabiques chantaient dans leurs «poèmes accrochés» et qu'on faisait venir d'aussi loin, tant elles étaient solides et fiables. L'évocation du pays du Mahatma rimait également avec exotisme, originalité mais surtout avec inaccessibilité. De nos jours, où il n'existe guère de pays inaccessible, l'Inde suscite l'intérêt et la curiosité des opérateurs économiques, en même temps. Un engouement normal lorsque l'on sait que le taux de croissance réel de 2011 est de 7,8% et que le PIB s'élève à 1.843 milliards de dollars. Aujourd'hui, l'Inde principal partenaire asiatique du Maroc et le troisième au niveau mondial, est lié au royaume par un grand nombre de traités commerciaux qui ont été initiés par le Traité commercial de 1960. Les échanges commerciaux entre les deux pays se sont par la suite développé pendant les dix dernières années pour atteindre 1,4 milliard de dollars en 2011. Or, ces échanges sont limités aux phosphates et ses dérivés puisque l'Inde importe 60% des engrais tirés de la production marocaine. Ces 60% correspondent principalement à la production locale du phosphate d'ammonium. Joint-ventures et implantations IMACID a été la première joint-venture maroco-indienne à voir le jour à Jorf Lasfar en 1999. Destinée à produire l'acide phosphorique, la joint-venture a regroupé Chambal Chemicals & Fertilizers du groupe indien Birla et le groupe OCP du côté marocain. Les deux partenaires vont être rejoints en 2005 par Tata Chemicals qui a intégré le projet IMACID en tant que troisième partenaire. Ce projet produit environ 430.000 tonnes par an d'acide phosphorique dont la quasi-totalité est importée par l'Inde. Les deux partenaires ne se sont pas limités à un seul partenariat et une deuxième joint-venture va voir le jour. Il s'agit de Zuari Maroc Phosphore, société d'investissement qui détient 74% de Paradeep Phosphate, spécialiste de la fabrication d'engrais phosphatés, avec une capacité de production de 1 million de tonnes par an. Sur un autre registre, Tata Hispano Motors Carrosseries Maghreb, filiale du groupe Tata Motors, a ouvert une unité industrielle pour l'assemblage et le montage d'autobus et d'autocars d'une valeur de 225 millions de dirhams. Cette usine, qui a été également mise en place afin de répondre à une demande grandissante au Maghreb et en Afrique subsaharienne, compte parmi ses clients, des sociétés de transport urbain tels que Alsa à Marrakech et Agadir et M'dina Bus à Casablanca. Le même groupe, Tata Holding, a également ouvert, via sa filiale Tata Consultancy Services, un centre de livraison offshoring en 2007 à Casablanca. Les phosphates et l'industrie automobile ne sont pas les seuls secteurs qui attirent les géants indiens. En 2011, Pepsi Cola Maroc a été racheté par RJ CORP Limited pour un montant de 100 millions de dollars américains. Par ailleurs, le secteur pharmaceutique a connu dans la même année une nouvelle entrée d'un opérateur indien. Il s'agit de Ranbaxy qui a intégré Maroc Ranbaxy LLC, filiale en propriété exclusive, en vue de renforcer et de développer son activité au Maroc. La société a été précédemment présente dans la région à travers un bureau de représentation au Maroc ayant été mis en place en 2005. Opportunités «S'il y a déjà deux grands exemples de coopération qui sont les deux joint-ventures dans le domaine des phosphates, d'autres secteurs sont à exploiter. Il s'agit de l'automobile, du textile, l'agro-alimentaire et les technologies d'information», explique l'ambassadeur marocain en Inde, dans une interview publiée récemment sur le journal indien en ligne SME Times. Cette ambition de développer les échanges commerciaux, mais surtout d'attirer les investissements indiens au Maroc est très légitime. En 2008-2009, les investissements indiens étrangers, plus particulièrement sous forme de joint-ventures et filiales à 100%, étaient de 15,9 milliards de dollars, selon la Reserve Bank Of India. Une année auparavant, ces investissements, hors particuliers et banques, avaient connu une augmentation de 29,6%, ce qui correspond à 17,4 milliards de dollars américains. Selon la même source, au cours du 3e trimestre 2009, 918 propositions d'investissements à l'étranger d'une valeur de 2,7 milliards américains ont été concrétisés contre 820 propositions d'une valeur de 3,3 milliards, au cours de la période correspondante de l'année précédente. Ce nombre de propositions correspond à une croissance de 12% par rapport à la même période de l'année précédente, tandis que le montant des propositions a montré une baisse de 18,2 %. Si ces propositions parviennent au gouvernement indien de la part de plusieurs pays, c'est le Singapour, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Île Maurice qui représentent la majorité des propositions d'investissements directs étrangers avec 81% en 2008-2009, soit plus de 5 millions de dollars. Le Maroc, en revanche, ne peut qu'être gagnant s'il arrive à intégrer ce carré. Une batterie d'accords commerciaux Le premier accord commercial bilatéral a été signé entre les deux pays en 1960, suivi par un deuxième en 1963 et un troisième en 1981. Plusieurs accords ont suivi ces trois premiers accords et ont touché à tous les secteurs, à l'image de l'Accord sur la coopération économique et technique signé en 1983. Il faudra attendre plus d'une décennie pour que la coopération entre les deux pays soit relancée avec la signature en 1996 de l'Accord pour la coopération mutuelle entre le Centre marocain de la promotion des exportations (CMPE) et la Federation of indian export organizations (FIEO). La fin des années 90 a connu la signature de plusieurs protocoles d'entente et de conventions, à l'instar de l'Accord pour la promotion et la protections des investissements et l'accord de coopération entre la MAP et la Press Trust of India (PTI), signés en 1999. Plusieurs protocoles d'ententes et d'accords seront conclus par la suite, notamment le protocole d'entente entre la CGEM et la Confederation of indian industry (CII) qui a donné lieu à la mise en place en 2000 d'un Conseil économique maroco-indien.