Face à la sous-liquidité du système bancaire, le marché de la dette privée s'affirme de plus en plus comme la solution idoine. En effet, ce marché suscite l'intérêt des investisseurs qui cherchent à diversifier leurs risques. En outre, le marché boursier n'est pas prêt à sortir de son atonie désormais chronique et les voies d'investissement s'y réduisent de plus en plus. Cela dit, si la part de ce mode de financement reste tout de même minime (11%), elle recèle néanmoins un fort potentiel de croissance. Sur les trois dernières années, en effet, le marché de la dette privée a enregistré un fort engouement de la part des investisseurs. Le volume des émissions est ainsi passé de 17,1 milliards de DH au second trimestre 2010 à 26,8 milliards de DH durant la même période en 2012. «Ce dynamisme s'explique notamment par la diversification des sources de financement, dans un contexte de marché marqué par des restrictions bancaires», soulignent les analystes de BMCE Capital Markets dans leur dernière note de recherche «Rétrospective, marché taux dirhams». Prédominance des certificats de dépôt Le dynamisme des émissions de la dette privée est concentré sur les titres de créances négociables (TCN), avec une présence importante des établissements financiers durant le second trimestre de cette année. En effet, toutes les banques de la place se sont rabattues sur les certificats de dépôt (CD), afin d'assouvir leur soif de liquidités. En glissement annuel, le volume des CD a évolué de 6%, passant de 15,5 milliards à 16,5 milliards de DH. Notons que les CD ont représenté 61% du volume global émis sur le marché de la dette privée. Par banques, C'est la Banque Populaire qui arrive en tête des volumes émis, avec 5 milliards de DH. Elle est suivie de Bmce et Attijariwafa bank, avec respectivement 2,5 et 2,4 milliards de DH. Concernant la prime de risque pour ce type d'instrument, elle a enregistré dans l'ensemble une quasi-stabilité des spreads. Cependant, les analystes de BKM relèvent deux tendances. Tout d'abord, une stabilité des écarts sur l'ensemble des maturités. Ensuite, sur le mois de juin, «nous signalons une hausse des spreads sur l'ensemble des maturités du segment court terme, en raison d'une baisse considérable de la demande pour ce type d'instrument», souligne BKM. Pour les autres TCN, les Bons de société de financement (BSF) arrivent deuxièmes en termes d'émission avec 7% de l'ensemble. Au terme du deuxième trimestre 2012, le volume des BSF levé est passé de 1,3 MMDH au premier trimestre à 2 MM DH au second, soit une augmentation de 47%. Cet instrument a été plébiscité par les sociétés de crédit, particulièrement durant le mois de juin, avec un volume émis qui s'est élevé à 1,1 MMDH. Au cours de ce même trimestre, sept émetteurs ont fait appel à ce type de TCN, avec notamment le retour de l'émetteur Sofac Crédit. En effet, ce dernier a renoué avec son programme d'émission de BSF, avec un programme de deux tranches sur des maturités 2 et 5 ans, aux spreads de 55 et 70 points de base (bps). Son encours actuel s'élève à 300 MDH. On notera également la présence de l'émetteur Maghrebail, qui a levé 205 MDH sur la maturité 3 ans. Son encours actuel s'élève à 2,6 MMH, pour un programme de 3,6 MMDH. Salafin a également procédé a une émission pour un montant global de 120 MDH sur la maturité 4 ans, à un spread de 65 bps. Son encours au terme du deuxième trimestre est ressorti à 1,2 MMDH pour un programme d'émission de 15 MMDH. Dans ces conditions, les niveaux de spread des sociétés de crédit à la consommation sont quasiment identiques. Ils varient en moyenne de 5 bps selon la maturité. En effet, la qualité de la signature et le contexte de sortie du titre viennent justifier cet écart. Ainsi, les émetteurs de la place sortent à des niveaux de spread très proches. Il existe donc un benchmark sectoriel de respectivement 55, 60 et 65 points de base pour les maturités 2 ans, 3 ans et 4 ans. En bas de liste des TCN, les émissions des Billets de trésorerie (BT) ont enregistré une baisse de 32% à 1 MMH, d'un trimestre à l'autre. «Cette baisse de la dynamique sur le marché des BT s'explique essentiellement par des tombées relativement faibles combinées à un assèchement de liquidité», note BKM. En effet, les tombées en BT ont été relativement faibles. Parallèlement, les émetteurs récurrents tels qu'Afriquia Gaz et Maghreb Oxygene n'ont pas renouvelé l'intégralité de leurs tombées en raison de l'encaissement des revenus relatifs à la compensation à fin juin. Par ailleurs, cet instrument est resté prisé par les investisseurs, car il offre un rendement plus intéressant comparé aux autres supports. Du côté de la prime de risque, les analystes confirment encore une fois leur prévision pour le restant de l'année, avec une stabilité des spreads des différents émetteurs. «L'absence de dégradation des fondamentaux des principaux acteurs sur le marché a milité en faveur d'une stabilité des primes de risque sur l'ensemble des segments du marché des Billets de trésorerie», commente les analystes Taux. Parallèlement au marché des titres de créances négociables, les emprunts obligataires ont eux aussi connu un certain engouement de la part des investisseurs. Les émissions ont plus que doublé, avec notamment l'arrivée de nouveaux entrants, à savoir Ciments de l'Atlas (CIMAT) et Résidences Dar Saada. Avec une part de 28% de l'ensemble des titres émis sur le marché de la dette privée, le volume des emprunts obligataires a atteint 7,4 MMDH durant le deuxième trimestre 2012, contre 2 MMDH sur la même période de l'année dernière, soit une hausse de 273%. Ces émissions ont concerné notamment des entreprises et établissements publics comme Autoroutes Du Maroc (ADM) et Tanger Med 2. On retrouve CIMAT et Résidences Dar Saada en tant que nouveaux entrants sur le marché obligataire. Notons également, l'émission du CIH, pour un montant de 1 MMDH sur la maturité 10 ans. Perspectives prometteuses pour le second semestre Cela dit, le marché de la dette a encore de beaux jours devant lui. Les analystes prévoient ainsi des remboursements en capital du «papier à spread» pour le second semestre à 23,6 MMDH, contre une tombée de la dette souveraine de 33,9 MMDH. L'année 2012 devrait donc être dynamique et marquée par une présence importante du Trésor et des émetteurs privés sur le marché local. L'engouement pour les titres privés devrait, pour sa part, rester de mise, étant donné la faiblesse des rendements obligataires souverains, à la suite de la baisse du taux directeur à 3%. Par conséquent, «nous observerons un arbitrage des investisseurs institutionnels en faveur du «papier à spread», étant donné les perspectives mitigées du marché actions dans un contexte économique actuellement marqué par une révision du taux de croissance à moins de 3%», commente-t-on dans le milieu des analystes. Marché secondaire du papier privé peu liquide À l'image du marché secondaire des bons du Trésor, le marché de la dette privée a connu la même tendance. Au début du trimestre, le marché a été dynamique, avec une volumétrie importante et des niveaux de spreads maîtrisés. À l'approche de la fin de trimestre, le marché s'est considérablement calmé, en raison des nombreux rachats chez les OPCVM. «Nous avons connu la même tendance qu'en fin d'année 2011, soit un mouvement vendeur massif, à des spreads identiques aux niveaux primaires», indique BKM. Néanmoins, la volonté des émetteurs de fournir des informations actualisées et renouvelées pourrait faire baisser les primes de risque. En effet, cela rendrait le marché plus liquide, plus transparent et développerait davantage le marché secondaire.