Le projet de loi n°12.18 modifiant et complétant le Code pénal et la loi n°43.05 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux ne passera pas «comme une lettre à la poste» au Parlement. C'est en tout cas ce qu'ont fait savoir les députés de la Commission de la justice et de la législation de la chambre basse au ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader, qui vient de leur présenter le texte. Le responsable gouvernemental a souligné le caractère urgent de l'adoption du projet pour adapter la loi marocaine en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux aux normes internationales et éviter la dégradation du classement du Maroc. Ce n'est pas la première fois que le Parlement est appelé à faire passer dans l'urgence des amendements sur l'arsenal juridique relatif à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme. L'institution législative a dû, à plusieurs reprises, adopter sans discussion de fond les amendements du gouvernement pour que le Maroc puisse se conformer aux recommandations internationales. Mais cette fois-ci, les députés ne comptent visiblement pas renoncer à leur droit de passer au crible le texte qui «ne fait pas l'unanimité», comme a-t-on tenu à le souligner lors de la réunion de la commission. La parlementaire du PJD, Amina Maelainine, est on ne peut plus claire sur cette question: «nous avons besoin de discuter le texte dans des circonstances normales. Le caractère urgent du texte ne doit en aucun cas déteindre sur la souveraineté du Parlement en matière de législation». Elle reproche au gouvernement de ne pas prendre en considération le rôle que doit jouer le Parlement dans la discussion et l'amélioration du texte. Des discussions animées On s'attend à des discussions animées autour de ce projet de loi tant de la part de la majorité que de l'opposition. Rappelons que ce texte modifiant et complétant le Code pénal et la loi n°43.05 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux a été adopté par le Conseil de gouvernement le 28 novembre 2019. Selon le ministre de la Justice, le consensus était réuni autour des amendements entre les départements ministériels. Ce texte s'assigne pour objectif de permettre de rechercher et saisir les fonds illicites en vue de leur éventuelle confiscation, d'adapter le système législatif national aux normes internationales adoptées par le Groupe d'action financière dans cette section et remédier aux carences contenues dans les textes actuels, notamment les observations relevées par l'évaluation mutuelle lors de ses premier et deuxième paliers. Le projet de loi devra aussi permettre d'éviter les sanctions qui pourraient être rendues par les organisations internationales et qui risquent de compromettre les efforts déployés par notre pays pour protéger son système financier et économique. Plusieurs amendements sont prévus, comme l'a rappelé Mohamed Benabdelkader. À commencer par l'adoption d'un système de liste au lieu de la méthode du seuil dans la détermination des infractions constituant un blanchiment de capitaux. D'autres infractions relatives aux marchés financiers ainsi que des infractions en matière de vente et de services fournis de façon pyramidale seront ajoutées à la liste des infractions citées dans l'article 574-2 du Code pénal. Le texte revoit à la hausse les amendes minimale et maximale prononcées à l'encontre des personnes physiques impliquées dans l'infraction de blanchiment de capitaux prévue à l'article 574-3 du Code pénal, conformément aux normes internationales qui exigent que la peine encourue pour ce genre d'infractions soit dissuasive. Le projet vise également le renforcement des mesures de vigilance et de contrôle interne et la mise en place des règles d'accréditation auprès de tiers afin de mettre en œuvre les dispositions relatives à l'identification du client et du bénéficiaire effectif et de comprendre la nature de la relation commerciale. De nouveaux concepts sont adoptés et les définitions figurant à l'article 1 de la loi n°43.05 sont reformulés en prenant en considération les exigences des normes internationales ainsi que les textes juridiques en vigueur. Il s'agit, à titre d'exemple, du concept de «bénéficiaire effectif», des «relations d'affaires» et des «répercussions juridiques»... Le texte vise en effet à renforcer les mesures de vigilance et de contrôle interne et à mettre en place les règles d'accréditation auprès de tiers afin de mettre en œuvre les dispositions relatives à l'identification du client et du bénéficiaire effectif et de comprendre la nature de la relation commerciale. Le projet établit un lien clair et précis entre les pouvoirs de supervision et de contrôle et les personnes assujetties, mentionnées dans l'article 2. Et ce, en ajoutant les ministères de l'Intérieur et des Finances pour le cas des casinos, le ministère de l'Habitat pour les agences immobilières et la direction des douanes pour les commerçants des métaux précieux ou des œuvres d'art. L'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF) qui changera de dénomination (Autorité nationale des renseignements financiers) garde son rôle de supervision et de contrôle pour les personnes assujetties qui ne sont pas soumises au contrôle d'une autorité de supervision définie par la loi.