Les notaires sont en colère et le font savoir. Ils prévoient d'observer une grève les 27 et 28 février suite à l'avis émis par le Conseil de la concurrence publié au Bulletin officiel du 13 février, et relatif à la fixation des honoraires des notaires. Réuni en urgence, le Conseil national de l'Ordre des notaires du Maroc (CNONM) a dénoncé «fermement la considération des honoraires des notaires comme une marchandise soumise à la loi de l'offre et de la demande». «Nous avons saisi le ministère de la Justice, celui des Finances et même le chef de gouvernement et nous attendons leur retour», souligne Abdellatif Yagou, réélu président du CNONM. Le CNONM refuse ainsi l'avis du Conseil de la concurrence qui a pris comme base le décret fixant les honoraires des adouls pour déterminer ceux des notaires. Ces derniers refusent le fait que le rapport du Conseil de la concurrence comporte la phrase suivante «Le notariat est apparu pendant la colonisation». «Cela peut induire les gens en erreur. Faut-il rappeler que plusieurs textes réglementant d'autres professions datent d'avant l'Indépendance? Même des lois le sont. C'est notamment le cas du dahir des obligations et des contrats (DOC) qui date de 1913». L'autre point refusé par les notaires est celui relatif à la considération, par le Conseil de la concurrence, que l'accès au notariat est un accès au marché. Dans son avis, le Conseil présidé par Driss Guerraoui s'est basé sur une sorte de comparatif en se référant notamment aux lois française, canadienne et belge. Le choix de ces législations a permis au Conseil d'émettre un avis favorable au plafonnement des honoraires. Pour le CNONM, qui refuse cette approche, «le droit de ces pays ne plafonne guère les honoraires des notaires». Selon le CNONM, le plafonnement des honoraires des notaires videra le décret de son sens. «L'adoption de la formulation "le notaire perçoit des honoraires ne dépassant pas la tarification en annexe" peut ouvrir la voie à une concurrence illicite et déloyale entre les notaires, de même qu'elle va à l'encontre de l'article 15 de la loi 32.09 qui stipule que le notaire a le droit de percevoir des honoraires dont le montant et les modalités de perception sont fixés par voie réglementaire», note maître Yagou. Pour ce dernier, le risque est que la pratique de prix excessivement bas soit légalisée. Cela nuirait à la profession, cette dernière n'étant pas une activité commerciale. De plus, de par la loi, le notaire ne peut faire de la publicité afin d'attirer des clients et n'est pas soumis à la loi de l'offre et de la demande. «L'avis du Conseil de la concurrence comporte également des erreurs, notamment lorsqu'il affirme que les honoraires des notaires ont augmenté de 150% alors qu'il s'agit de recettes collectées par les notaires au profit de l'Etat. Les autres erreurs qui figurent dans l'avis concernent le fait que la loi 32-09 a permis l'extension du nombre de notaires. Ceci est faux puisque les décrets d'application qui permettent l'accès à la profession sont toujours bloqués. Nous attendons toujours les textes relatifs à l'Institut national de formation des notaires», précise le président du CNONM. Ainsi, ce dernier demande au gouvernement de garder, dans le décret sur les honoraires, la formulation telle que convenue avec le ministère de la Justice et les autres départements. Celle-ci édicte que «le notaire perçoit des honoraires conformément aux tarifs fixés par le projet de décret». Le CNNM refuse aussi la formulation «le notaire perçoit des honoraires ne dépassant pas les tarifs fixés par le projet de décret». Et pour faire valoir leurs droits et entendre leur voix, les notaires ont décidé d'observer une grève les 27 et 28 février. Elle sera renouvelée, si besoin est, jusqu'à satisfaction totale de leurs revendications. Le Conseil s'est par ailleurs déclaré, mardi à Casablanca en conférence de presse, « ouvert à toute initiative de dialogue » avec le gouvernement au sujet de la fixation des honoraires.
Maître Abdellatif Yagou Président du Conseil national de l'Ordre des notaires du Maroc «L'avis du Conseil de la concurrence nous a surpris» Le Conseil National de l'Ordre des Notaires du Maroc (CNONM) vient de manifester son mécontentement quant à la publication de l'avis du Conseil de la concurrence au Bulletin officiel du 13 février, relatif à la fixation des honoraires des notaires. Ce projet de loi ne date pas d'hier. Il date en effet de 2012, soit plus de 7 ans de tractations de négociations et d'échanges avec tous les départements ministériels. Nous nous sommes mis d'accord sur la tarification, mais pas sur le plafonnement des honoraires. L'ancien projet, signé par l'ancien ministre de la Justice, tendait vers une sorte d'équilibre à travers l'autorisation d'une convention entre le notaire et le client. Pour sortir de cette impasse, le ministère de la Justice a soumis le projet de décret au Conseil de la concurrence sachant que ce dernier avait déjà donné un avis en 2012, avant l'entrée en vigueur du décret qui traite de la tarification des honoraires et avant l'entrée en vigueur de l'arrêté qui classait le notariat et la profession d'huissier de justice comme des professions devant être soumises à tarification. Ainsi, le Conseil de la concurrence avait donné en 2012 son avis sur la liberté des honoraires tout en laissant au gouvernement le soin de décider. En 2019, après soumission du décret à l'avis du Conseil de la concurrence, ce dernier a invité les notaires qui ont été entendus deux fois. Nous avons aussi soumis au conseil un rapport comparatif qui traite des pratiques dans les systèmes proches de celui marocain, notamment ceux français, espagnol et belge, qui adoptent le même principe de concurrence. Il faut noter que ce rapport mentionne tous les actes, ceux tarifiés et ceux laissés à la libre entente entre le notaire et son client. Malheureusement, nous avons été surpris par l'avis du Conseil de la concurrence qui est contraire à la loi, contraire à l'article 15 de la loi 32-09 qui stipule que les honoraires sont fixés librement entre le notaire et le client. Nous voulons des tarifs fixés pour éviter que la profession ne soit soumise à des aléas quelconques, mais nous sommes contre le plafonnement.