Nouveau ministre, nouvelles promesses et nouveau plan d'action. C'est du secteur de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle dont il s'agit. Un secteur qui depuis belle lurette constitue le talon d'Achille de l'économie marocaine, sans pour autant qu'une réforme concrète n'y soit apportée. Aujourd'hui, c'est Lahcen Daoudi, issu justement du monde universitaire, qui a pris les rennes de ce secteur, de quoi susciter un grand espoir chez les jeunes en quête de formation à même d'assurer leur carrière. Certes, les premiers discours du nouveau ministre sont loin d'être rassurants, particulièrement quand il disait que, «pour ne plus avoir de diplômés chômeurs, il faudrait avoir des taux de croissance de 7 à 8%». Une façon de dire que ce n'est pas la réforme de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle qui mettrait un terme à ce phénomène. Cela ne veut pas pour autant dire que Daoudi et son équipe comptent rester les bras croisés en attendant que la croissance de l'économie revienne. Il vient en effet de mettre le point sur un plan d'action pour le moins ambitieux. Remettre à niveau les infrastructures Dans un premier temps, la stratégie mise en place par le département de l'Enseignement supérieur et de la formation professionnelle prévoit l'extension de l'offre en enseignement supérieur. Il s'agira principalement d'agir sur les infrastructures d'accueil, avec la réalisation des travaux d'extension des établissements universitaires existants, dont notamment les établissements à vocation scientifique et technique (EST). Selon le département de tutelle, ceci serait une première étape pour freiner le chômage des docteurs. «Le chômage d'inadéquation qualitative entre l'offre et la demande de main d'oeuvre soulève la problématique d'adéquation entre la formation et l'emploi, ainsi que le degré d'adaptation des politiques d'enseignement aux nouvelles exigences du marché de travail», note-t-on auprès du gouvernement. De plus, le marché du travail n'a pas seulement besoin de docteurs et d'ingénieurs, mais aussi de techniciens. Le ministère juge en effet qu'il y a sur le marché de l'emploi plus d'ingénieurs et de docteurs, que de Bac+2 et la parité entre les deux catégories de diplômés reste bien en deçà des standards internationaux. C'est la raison qui explique la volonté de la tutelle d'augmenter l'offre des EST. En attendant de recruter des universitaires... Le programme du ministère de tutelle prévoit, en outre, le lancement des travaux de construction de cinq nouveaux établissements, ainsi que la mise en oeuvre des travaux de réhabilitation et de maintenance systématique de l'ensemble des établissements universitaires existants. Cela viendrait réduire la pression que ressentent aujourd'hui les établissements universitaires. Seul hic, la loi de finances 2012 ne consacre que 300 postes budgétaires pour le recrutement des enseignants, ce qui reste largement insuffisant dans le sens où le Maroc présente déjà un ratio d'un enseignant pour 180 étudiants dans les facs ouvertes, sachant que les normes admises sont de l'ordre de 25 à 30 étudiants. En attendant de trouver le moyen de réduire ce ratio, l'action gouvernementale prévoit néanmoins des mesures en matière de développement, de diversification et de professionnalisation des offres de formation dans les universités. Il s'agit notamment de l'augmentation de 18% des effectifs des étudiants au niveau des universités, pour passer de 350.820 étudiants contre 413.970, au titre de l'année 2011-2012. Pour renforcer l'adaptation des formations aux besoins du marché de l'emploi, la tutelle annonce l'orientation de près de 21% des étudiants du cycle «licence », vers des licences professionnelles et de plus de 51% des étudiants du cycle «master » vers des masters spécialisés. Par ailleurs, de nouvelles filières devraient voir le jour incessamment. C'est le cas des filières universitaires d'éducation (FUE) suite au rattachement des Ecoles normales supérieures (ENS) et des Ecoles normales supérieures de l'enseignement technique (ENSET) aux universités à partir de 2009. Dans ce cadre, seize FUE devront être accréditées sous forme de licences professionnelles ou de masters spécialisés, avec des modules disciplinaires, pédagogiques et didactiques. Comme il ne suffit pas de former plus pour «employabiliser» plus de jeunes, la tutelle devrait également se pencher sur l'amélioration du rendement interne de l'enseignement supérieur et de l'employabilité des lauréats avec, entre autres, le lancement de nouvelles filières dans les établissements à accès ouvert, incluant des modules professionnalisants aux cinquièmes et sixièmes semestres de licence fondamentale. Ceci intervient dans l'objectif d'améliorer l'employabilité des lauréats. Lesdits modules concernent un effectif de 56.000 étudiants. La mise en place, dans chaque établissement, d'un système de tutorat par les enseignants et les étudiants doctorants devra également profiter à 56.195 étudiants. Attirer les universités étrangères La diversification de l'offre passe également par l'attrait des universités étrangères. C'est du moins ce pour quoi semble plaider le ministre de tutelle. Dans une récente déclaration, Lahcen Daoudi a mis en effet l'accent sur la problématique de l'hémorragie financière qui nait des sorties de devises suite aux inscriptions à l'étranger. Selon le ministre, ce sont 2,6 MMDH qui sont par exemple sortis en 2011. Mais là où le bât blesse, c'est que «des fois on revient avec des diplômes bidons», déplore le ministre. C'est la raison qui pousse le département de tutelle à miser sur l'installation des grandes universités au Maroc et faire du Maroc un hub afin d'attirer les étudiants d'Afrique. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'une rencontre a eu lieu en fin de semaine écoulée avec l'université polytechnique de Barcelone, alors que des discussions sont également en cours avec Paris tech, des universités allemandes et canadiennes. Parallèlement, le ministère pourra compter sur la mobilisation des investisseurs nationaux en vue d'éventuels partenariats avec ces universités étrangères. En effet, il s'avère que l'enseignement supérieur est aujourd'hui un secteur qui attise la convoitise des bailleurs de fonds.