Casablanca. Un temps pluvieux régnait en ce début de matinée du 20 février. Les ruelles assez vides donnaient un aspect désert à la métropole. Une impression vite dissipée en s'approchant de la fameuse place Mohammed V en plein centre ville. Un grand nombre de policiers s'alignait tout le long des avenues Hassan II et Mers Sultan nous donnant l'idée qu'un événement inhabituel allait se passer. On savait déjà depuis une dizaine de jours que le 20 février connaîtrait l'organisation d'une marche pacifique pour revendiquer plusieurs droits. À 10h du matin, heure annoncée pour le début de la marche, juste quelques manifestants étaient clairsemés sur la place. Quelques minutes après, la foule prenait de l'importance pour atteindre à 15h quelque 4.000 manifestants, selon les dires des organisateurs. Initiée par le Mouvement du 20 février (créé après les révolutions tunisienne et égyptienne), cette marche a vu la participation de nombreux jeunes qui voulaient voir leur sort s'améliorer. Les slogans scandés durant cette manifestation le prouvent d'ailleurs. L'amélioration de la justice, de l'enseignement et de la santé était entre autres parmi les principales revendications. «Nous sommes là pour nous faire entendre. Nous n'avons aucune appartenance politique et personne n'est derrière nous. Notre objectif est d'avoir un Maroc meilleur», nous confie un membre du mouvement. Au fur et à mesure, les slogans sont devenus plus virulents, exigeant entre autres le départ du Premier ministre Abass El Fassi ou encore la démission du gouvernement. Des slogans qui ont eu un grand succès, toute la foule s'en faisant le relais. Plusieurs groupuscules Manifestation spontanée par excellence, la marche casablancaise a été vite scindée en groupuscules. Alors que les jeunes du Mouvement du 20 février squattaient l'espace de la fontaine, d'autres manifestants ont préféré se séparer de ce groupe principal pour en constituer d'autres. C'est ainsi que de jeunes Amazighs, s'exprimant dans leur langue, scandaient d'autres slogans, mais allant toujours dans le même sens. Une décision qui n'a pas été la bienvenue chez les organisateurs, qui ont affirmé que cette marche était pour tous les Marocains, abstraction faite de leurs origines. Un autre groupe a été créé rassemblant une cinquantaine de personnes, drapeau marocain et portraits du souverain à la main, pour rappeler que le Maroc est en pleine expansion et que nous n'avons nul besoin d'organiser ce genre de marche. «Certes, notre pays a connu de grandes avancées, mais nous avons besoin de grandes réformes pour que la justice sociale soit enfin instaurée», souligne un jeune organisateur. Pendant toute la manifestation, mal structurée, il faut le reconnaître, les jeunes du mouvement du 20 février ne cessaient de mettre au courant la foule de l'évolution dans les autres villes du royaume. C'est ainsi qu'on a parlé de 20.000 personnes à Marrakech, qui a connu, selon la même mêmsource, des accrochages entre les forces de l'ordre et les manifestants. La ville de Larache a été elle aussi sujette à des débordements. On a même parlé de tirs à blanc pour disperser la foule. Les badauds étaient nombreux On avait l'impression que les badauds étaient beaucoup plus nombreux que les manifestants. Assis sur les bords des murs, ils observaient d'un oeil intéressé ce qui ce passait. Pour eux, il s'agit d'un véritable spectacle. «Je ne sais pas vraiment pourquoi les gens sont rassemblés là. Je crois qu'il s'agit d'une manifestation pour la Palestine», déclare un vieil homme qui n'avait pas du tout l'air d'être dans le coup. Une situation normale, selon les membres du Mouvement du 20 février, vue «la propagande visant à mettre en échec la manifestation». Ces membres qui ont annoncé dans la matinée qu'ils allaient camper toute la nuit ont vite changé d'avis pour annoncer que des sit-in seraient organisés dans les différentes villes marocaines à partir d'aujourd'hui 18h et durant toute la semaine et qu'une nouvelle marche aurait lieu le week-end prochain. Une chose est sûre, le Mouvement du 20 février a réussi malgré tout, à mobiliser plusieurs personnalités appartenant à la sphère économique, politique, associative et artistique. A Casablanca, les premiers à s'afficher au premier rang sont notamment Nourredine Ayouch, le député Khalid Hariri et le journaliste Mohamed Berrada. Les membres de Tranparency Maroc ont été également présents. La manifestation de Rabat a connu pour sa part la présence de bon nombre de personnalités et hommes d'affaires à l'instar de Miloud Chaâbi et Karim Tazi. Côté médias, les journalistes étrangers ont envahi en masse les lieux dès les premières heures de la journée, notamment les représentants de la presse et la télévision espagnoles. TVE, El Pais, El Mundo, Efe... ont voulu être les témoins de cette marche. Du côté français, la chaîne d'information France 24 a couvert l'événement. Les radios privées marocaines ont été dépêchées sur place, notamment Radio Plus, Atlantic, Med Radio, Radio Luxe. Les chaînes nationales présentes était Medi 1 TV et 2M alors que Al Oula a brillé par son absence. Quelques violences quand même... La manifestation a été pacifiste jusqu'en début d'après midi, quand quelques débordements ont été signalés dans les villes de Larache et Marrakech, où quelques saccageurs se sont mêlés à la foule pour s'en prendre aux agences bancaires et aux magasins environnants. Mais c'est à Larache que les confrontations ont été les plus violentes. Selon quelques observateurs, le nombre des manifestants a dépassé les 10.000 personnes. «Mais des baltajias (casseurs), sont entrés en affrontements avec la manifestation, la faisant dévier», explique un organisateur. Résultat : une agence bancaire brûlée, un commissariat, ainsi qu'une agence de distribution d'eau et d'électricité. Les jeunes du 20 février de la ville, accusent les autorités d'avoir monté ces affrontements et de ne pas avoir protégé les manifestants. Des informations ont circulé sur les blogs et autres pages de Facebook et Twitter, sur d'éventuels affrontements à Al Hoceïma, mais aucune source officielle n'a confirmé l'information. Fz.S