La Cour des comptes a encore frappé ! L'institution chère à Ahmed El Midaoui vient de publier son rapport 2010. Un document exhaustif, qui épingle les insuffisances et les débordements dans la gestion des deniers publics. Les équipes d'El Midaoui n'y vont pas de main morte dans ce rapport corrosif, qui prend une toute autre dimension dans le contexte actuel. En effet, la donne a indéniablement changé depuis la publication du rapport 2009 de la Cour et l'impact de la mouture 2010 est de fait, sans commune mesure avec les précédentes publications. Enjeu optimal L'adoption de la nouvelle Constitution a donné plus d'ampleur au travail de l'instance, en élargissant ses prérogatives et en consacrant le principe de reddition des comptes. De plus, l'arrivée aux affaires d'un gouvernement, qui a fait de la bonne gouvernance et du combat contre le détournement des deniers publics ses priorités, ne peut que confirmer cette orientation. Preuve en est, l'activation récente de la machine judiciaire, par le ministère de la Justice et des libertés, contre d'anciens hauts responsables, épignlés dans les précédents rapports de l'équipe Midaoui, tels que l'ancien directeur général de l'Office national des aéroports (ONDA), ou l'ex président directeur général du CIH, Khalid Alioua. Mustapha Ramid a prouvé qu'il n'entendait pas laisser le principe de reddition pour lettre morte. Dans un contexte marqué par la fragilité des finances publiques, la préservation des deniers publics devient, non seulement la condition d'une gestion optimale des ressources de l'Etat, mais aussi un gage de sécurité financière. Le contrôle exercé par la Cour devient un enjeu vital pour les finances publiques. Enjeu vital Plus de place aux débordements et avant même d'aller vers la réduction du train de vie de l'Etat, l'optimisation de ses ressources passe par le fait de traquer partout les gestionnaires qui badinent avec la préservation des deniers publics. «Dans ce contexte de crise, la préservation des deniers publics devient une priorité», valide El Midaoui. Or, «il convient de souligner que ce souci n'est pas suffisamment pris en considération par l'ensemble des gestionnaires», regrettait-il dans sa précédente publication avant de parler de «laxisme». C'est d'ailleurs ce que corroborent les différentes missions de contrôle effectuées pas la Cour des comptes et les Cours régionales, qui se sont élevées à 120 durant l'année 2010. Les conclusions de ses missions représentent un socle incontournable. Elles alimentent par la minutie de leurs détails, les enquêtes judiciaires et orientent de fait les procédures. Le rapport 2010 fait donc office de base aux procédures, qui ne manqueront pas d'être enclenchées, dans les semaines et les mois à venir. Tout comme cela a été le cas récemment dans les dossiers de l'ONDA et du CIH. De manière plus générale, le rapport explique que les juridictions financières ont suivi près de 1.136 recommandations en 2010, dont 900 ont été appliquées. Soit un taux d'exécution de 78 %. Le nombre d'affaires ayant fait l'objet de poursuites pénales s'élève à 13. En ce qui concerne les sanctions disciplinaires, le rapport en recense 24 au niveau de la Cour des comptes et 83 au niveau des Cours régionales. En somme, ce sont plus de 360 responsables publics qui ont été épinglés. En outre, le rapport 2010 innove en défrichant le sujet des déclarations de patrimoine. La Cour des comptes en a recueilli 15.078 et les Cours régionales 79.975. Un premier pas en attendant que celles-ci mettent à nouveau leur nez dans les affaires publics pour dénicher des sommes indument perçues, mais ça, c'est une autre histoire... Nouveau tournant La rapports de la Cour des Comptes ne devraient en principe pas rester lettre morte. Les nouvelles attributions constitutionnelles de l'institution supérieure de contrôle des finances publiques lui donnent essentiellement pour mission «la protection des principes et valeurs de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes de l'Etat et des organismes publics». De plus, la Cour des Comptes est aussi chargée d'assurer «le contrôle supérieur de l'exécution des lois de finances » et surtout de «la régularité des opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à son contrôle». En attendant l'activation de ses nouvelles missions relatives au contrôle et au suivi des déclarations du patrimoine, l'audit les comptes des partis politiques et son évaluation de la régularité des dépenses des opérations électorales, c'est le rôle d'assistance au parlement qui sera particulièrement surveillé. La transmission des rapports aux présidents des deux chambres n'est plus donc une simple formalité tout comme l'exposé des activités de la Cour qui sera présenté par son Premier président devant le Parlement et suivi d'un débat. La Cour a aussi de nouvelles prérogatives en matière de réponse aux questions et consultations en rapport avec les fonctions de législation, de contrôle et d'évaluation, exercées par le Parlement et relatives aux finances publiques.