La 26e édition du Festival Oslo World a su tenir toutes ses promesses du 29 octobre au 3 novembre. Sur la thématique de l'Utopie, des musiciens du monde entier, de l'Asie à l'Afrique en passant par l'Amérique latine, ont donné leur version du bonheur et du vivre-ensemble via la musique. Le tout, avec un beau focus sur le Maroc. Les basses températures du Grand Nord n'auront pas eu raison de la chaleur humaine et des belles valeurs de l'Oslo Word Festival, rendez-vous aussi fascinant que nécessaire dirigé par Alexandra Archetti Stølen et ses bénévoles. Un festival à taille humaine parti à la conquête du monde puisqu'il fait venir des artistes de renom, la nouvelle scène prometteuse et des professionnels du monde entier afin de leur permettre de se rencontrer et de débattre les problématiques qui dérangent ou qui fédèrent. Du 29 octobre au 3 novembre, le festival a donné une belle leçon d'humanité à un monde à plusieurs vitesses. Le Maroc et sa richesse musicale Le 31 octobre à Oslo, il était question de musiques gnaoua, amazigh et de la Aïta avec un panel d'intervenants connus et reconnus tel que Brahim El Mazned de Visa for Music, Timitar et Momex, Hicham Bahou de l'Boulevard et Boultek, et Vincent Thomas le batteur et manager de Gabacho Maroc, groupe qui mêle sonorités tagnaouites et Jazz. Un séminaire qui a commencé par un focus sur la musicienne Asmaa Hamzaoui, première femme à porter le guembri et à fonder un groupe 100% féminin de musique gnaoua: Bnat Timbouktou. Un échange qui a commencé en arabe, traduit en anglais, devant une audience fascinée par le parcours de la jeune Casablancaise tout juste âgée de 21 ans. «C'est mon père, Maâlem Rachid Hamzaoui, qui a eu le courage de me transmettre son instrument alors qu'il se transmet de père en fils généralement», confie Asmaa Hamzaoui. «Il m'a toujours considérée comme l'égale de l'homme. Pour lui, il n'y a aucune différence entre un homme et une femme», continue la musicienne qui vient de sortir un nouvel album et qui commence sa conquête du monde. Tout le monde s'arrache cette jeune féministe qui défie les codes et les tabous d'une musique ancestrale et patriarcale. «Les grands musiciens respectent, ceux qui sont dérangés par tout cela sont l'entourage lointain, pas très important. Je n'ai rien à faire de tout ça, je trace mon chemin. Eux parlent, moi j'avance!», continue celle qui donne une belle leçon au monde, avant de l'envoûter de sa voix profonde. Après avoir parlé de l'évolution de la culture tagnaouite, il était question de parler de tout cet héritage qui tend à disparaître. Si les Gnaouas ont été sauvé par le festival il y a 20 ans de cela, qu'en est-il de la Aïta ou de la musique amazigh? «Il y a une redécouverte de cette musique qu'on a longtemps occultée, de laquelle on avait honte puisqu'elle était loin de cette «occidentalisation» que la société a vécue», confie Hicham Bahou, qui voit un intérêt des groupes pour les musiques populaires à travers les groupes qui défilent à l'Boulevard. Brahim El Mazned, de Visa For Music, est du même avis. En travaillant sur l'anthologie de la Aïta, en fédérant les anciens, en enregistrant en 10 tomes les 7 différentes familles de «Aïout» qui existent, il signe un livre d'histoire des plus précieux. «Ces musiciens n'ont pas la culture des festivals ou des studios, il leur faut un accompagnement. Nous avons une richesses inouïe que nous n'exploitons pas. La Aïta est plus qu'une musique de mariage, c'est un patrimoine». Quant à Vincent Thomas, Français qui tombe amoureux de la musique gnaoua et qui décide d'en faire un projet métissé, il parle du problème de mobilité et de visas qui empêche de faire voyager les traditions et de leur donner de la visibilité. «On a travaillé pendant deux ans avec des musiciens d'El Jadida, on a mis en place le projet ensemble. Est venu le temps de la tournée: on a demandé les visas, on n'a eu que des refus», explique le musicien outré, qui explique qu'il a tout fait pour monter les dossiers correctement. «On a dû faire appel à des musiciens européens d'origine marocaine pour les remplacer, c'est absurde et cruel», confie le musicien et manager. Une situation qui a touché l'audience. Problèmes de visas, mobilité réduite due aux coûts des billets d'avions Sud-Sud qui empêche l'Afrique de voir ses richesses se déplacer. Un tout qui bloque la créativité et la transmission d'un héritage musical hors du commun, qui a tend à disparaître à une vitesse alarmante. Ouverture sur le monde malgré tout À défaut de pouvoir voyager Oslo ramène un bout de monde en Norvège histoire de se rencontrer, d'échanger, de mieux se connaître. La nouvelle scène Hip-Hop/Electro du Brésil, le Fado, le Flamenco moderne, les sonorités 70's/80's made in Japan, les musiques traditionnelles indigènes, asiatiques ou norvégiennes, les rythmes d'Afrique du Sud, la musique hassanie... la programmation est aussi éclectique que colorée. Quand Sylvia Perez Cruz, munie de sa guitare, envoûte la scène avec une voix entre le lyrique, le Blues et le Flamenco, chantant en castillan, catalan, portugais, anglais ou français, Sarah Correia reprend les classiques du Fado à sa manière depuis une église telle un ange de la musique traditionnelle portugaise. Le guitariste touareg nigérien Bombino a envoûté le Cosmopolite avec sa formation, et une scène plus intimiste avec une version acoustique à couper le souffle. Le Brésil a brillé avec le duo irrésistible Hip-Hop/Electro Craca e Dani Nega, l'âme de Cesaria Evora a survolé Oslo avec un hommage d'Elida Almeida, Lura, Nancy Vieira et Lucibela, quatre magnifiques musiciennes du Cap-Vert, avant que Beirut and Beyond, le festival libanais d'Amani Semaan, ne dévoile un avant-goût de sa programmation avec les Marocains N3rdistan, qui jouent depuis cet Etat aussi utopique qu'indépendant où «les mots ont valeur d'actes et où la vérité est arme fatale» formé par le duo Walid Ben Selim-Widad Brocos. En plus de ces beaux moments de musique, le festival est ponctué par des moments d'échange et de débats. Un rendez-vous qui défend les belles valeurs de la musique, où tout le monde est logé à la même enseigne, où le public, les professionnels et les musiciens ne font qu'un. Une 26e édition des plus réussies qui pourrait donner de belles leçons sur la notion de l'utopie au monde entier. À l'année prochaine…