Ceux qui s'attendaient à de grandes annonces suite à la discussion du projet de loi de finances au Conseil du gouvernement sont certainement déçus. Si l'on exclut l'objectif de croissance et le nombre de postes que compte ouvrir le gouvernement pour cet exercice 2012, le flou entoure toujours le projet de budget. À cet effet, il convient de souligner que Nizar Baraka s'est finalement décidé à revoir le taux de croissance, annoncé dans la première mouture du projet de loi de finances, proposée par Mezouar à la sortie de son mandat, pour le ramener à 4,2%. Le ministre de l'Economie et des finances a motivé cette nouvelle projection principalement par le contexte économique chez les principaux partenaires du royaume, particulièrement l'Union européenne, et qui risque d'impacter sensiblement le rythme de la croissance du Maroc. Il a également maintenu l'objectif des 5,5% comme moyenne pour les cinq années à venir. Ce constat rejoint d'ailleurs celui dressé en début de semaine par le HCP, qui alertait sur des risques de ralentissement en ce début d'année 2012, suite notamment à la conjoncture internationale et les conditions peu favorables dans lesquelles a été entamée la saison agricole. Sur le volet de l'emploi, l'Etat a maintenu son intention d'ouvrir 26.000 postes d'emploi dans l'administration publique contrairement à ce que laissaient présager des déclarations du Chef du gouvernement, selon lesquelles l'Etat comptait encourager l'entrepreneuriat pour répondre aux problématiques de l'emploi au lieu d'intégrer les diplômés chômeurs directement dans le système administratif. Cette mesure, quelque peu attendue, relance une nouvelle foisle débat sur la politique à mettre en place pour réduire les dépenses de l'Etat. Car, finalement, l'enjeu principal de ce projet de loi de finances reste toujours celui de la maîtrise du déficit budgétaire. Il suffit de rappeler cette déclaration du ministre des Finances, en marge du Forum de Paris, qui confirmait que le déficit budgétaire, au titre de l'exercice écoulé, allait dépasser largement le seuil des 4%, en raison des charges de subvention. Sur ce volet, la tenue du Conseil du gouvernement, hier, n'a rien apporté de concret, si ce n'est que le projet de loi de finances allait cibler la réduction du déficit et la préservation des équilibres macro-économiques. Selon Nizar Baraka, «l'objectif est de le réduire d'un point», pour le ramener à 3%. Rien ne filtre encore sur la manière avec laquelle le gouvernement compte s'y prendre, ni d'ailleurs sur une quelconque réforme de la Caisse de compensation pour éviter qu'elle ne continue à plomber les caisses de l'Etat. Toutefois, Baraka maintient l'idée de la création d'un fonds spécialement dédié au soutien des populations nécessiteuses et au financement des programmes sociaux. Sera-t-il suffisant pour réduire la pression sur la Caisse de compensation ? Il faudra encore attendre de connaître les modalités qui seront retenues pour son financement avant de pouvoir se prononcer. Une chose est, en revanche, sûre à cette heure -ci : Le gouvernement n'aura finalement pas introduit «de grandes modifications» au projet de budget hérité de l'ancien gouvernement, comme le laissaient présager certaines déclarations en marge de la présentation de la politique générale du gouvernement. La version, qui sera proposée par l'équipe de Benkirane au Parlement ne rendra finalement que des ajustements induits par la nouvelle donne économique à l'international et par certains axes jugés prioritaires dans la déclaration gouvernementale. À ce titre, «la priorité sera accordée à la création d'emplois et à la création de projets d'investissement, ainsi qu'à la mise en place d'un Fonds de solidarité», insiste Baraka. Dans ce contexte, il devient clair que le timing a pesé sur le contenu. Le projet de loi de finances doit, en effet, être introduit dans le circuit du Parlement durant le mois de février courant afin de permettre son adoption en mars prochain. Ce n'est, en effet, que dans ces conditions que le gouvernement pourra entamer l'exécution de sa loi de finances dès le 1e avril prochain, et mettre ainsi un terme à une situation de blocage qui aura duré trois mois. Rappelons à cet effet que la procédure voudrait que le gouvernement appelle à la tenue d'une session extraordinaire au Parlement consacrée à l'adoption dudit projet, vu que la session d'automne sera clôturée dans les prochains jours et que celle du printemps ne débutera qu'en avril. Ce sera donc la deuxième fois en moins de six mois seulement que le Parlement marocain tient une session extraordinaire. L'Algérie et l'accord agricole, à côté du budget Si le projet de loi de finances a retenu l'attention lors du Conseil du gouvernement de jeudi, il n'a cependant pas suffit pour reléguer au second plan des sujets tout autant importants pour le Maroc. À commencer par ses relations bilatérales avec l'Algérie. À ce titre, le ministre des Affaires étrangères, Saad-eddine El Othmani est revenu sur sa dernière visite en Algérie, estimant que celle-ci a injecté un nouveau dynamisme vers le renforcement du partenariat avec le pays voisin, avec en perspective notamment la relance de l'Union maghrébine, laquelle est clairement inscrite dans les projets gouvernementaux. Aziz Akhannouch a de son côté remis sur la table les négociations avec l'Union européenne concernant l'accord agricole. Si à propos de l'Algérie, l'intervention d'El Othmani a laissé entrevoir beaucoup d'espoir de «réconciliation», celle de Akhannouch s'est voulue plus autoritaire, mettant le statut avancé avec l'UE en otage de la concrétisation de plans sectoriels dont celui de l'agriculture. Le ton est donc annoncé, même si le ministre de l'Agriculture s'est montré optimiste quand à la conclusion de l'accord, après que celui-ci a été voté positivement par la commission chargée du commerce international au sein du Parlement européen.