Aussitôt après avoir obtenu le vote d'investiture parlementaire, le gouvernement devra passer très vite à l'élaboration du statut des ministres. Une loi organique du gouvernement, dont la première mouture devra être proposée par ce dernier avant d'être validée par sa majorité parlementaire, est actuellement l'une des grandes préoccupations. Lors de l'examen du programme du gouvernement, la charte de la majorité a semblé très fragile à défendre, sans la loi organique qui a été intégrée au nouveau corpus légal à élaborer. Actuellement, la majorité parlementaire de Benkirane devra non seulement traduire le statut de ses membres unilatéralement, mais composer avec l'opposition. «La reprise du préambule constitutionnel pour l'insérer dans la charte de la majorité était incompréhensible», avait lancé Ahmed Zaidi, le président du groupe socialiste, qui a dénoncé l'intégration de plusieurs dispositions constitutionnelles dans un document issu d'un compromis politique. L'opposition sera également attentive, lors de l'élaboration du statut des ministres, à l'insertion d'autres obligations qui pèseront sur le gouvernement. Déjà, le nouveau règlement intérieur du Parlement qui a été voté à l'unanimité trace un nouveau cadre pour le contrôle de l'Exécutif. «Les ministres sans casquette politique, les délégations de pouvoirs ou encore la coordination des stratégies sectorielles, et la nouvelle ingénierie sont les principaux points à régler», explique un député de la majorité «En cela, le gouvernement ne peut décider seul, vu qu'il y a les nouvelles attributions de la cour constitutionnelle et celles de l'opposition qui présideront la commission de la législation». Le nouveau statut du Président du gouvernement sera pour sa part l'équation à résoudre. Le Chef du gouvernement exerce le pouvoir réglementaire d'une manière effective. C'est le cas pour les nominations aux emplois civils dans les administrations publiques et aux hautes fonctions des établissements et des entreprises publics, qu'il compte faire personnellement, soit en déléguant cette attribution aux ministres de tutelle. La nouvelle loi organique du gouvernement devra également tenir compte des limites constitutionnelles qui ont été posées à ce pouvoir de nomination, qui sera très surveillé durant ce début de mandat. La majorité gouvernementale qui a déjà mis en place une responsabilité solidaire des ministres technocrates tracera également, dans la nouvelle loi en gestation, les axes du programme politique, que ce soit pour «la nouvelle gouvernance ou la rationalisation des dépenses de fonctionnement», les deux priorités citées par le programme du gouvernement. Un autre chapitre de la nouvelle loi organique du gouvernement se devra, pour sa part, de régler les nouvelles modalités que les ministres doivent activer pour rendre compte de leurs missions au Chef du gouvernement, ainsi que la responsabilité des ministres délégués. Les bilans périodiques, qui ont maintenant des dates précises pour leurs publications devant le Parlement et devant les députés, seront clarifiés dans le projet de loi dont la majorité souhaite «sa mise sur le circuit de l'adoption dans les plus brefs délais». Une autre loi organique La majorité aura en face le Conseil des ministres présidé par le roi et devant qui elle devra se démarquer. En tête des pouvoirs à clarifier figurent ceux de la nomination. Si la Constitution mentionne clairement que les ambassadeurs, walis, gouverneurs, et les responsables de la sécurité intérieure ne concernent pas Benkirane, ceux des «établissements stratégiques» seront en suspens. Il y a, en effet, une autre loi organique qui devra énumérer limitativement cette liste d'entreprises dans laquelle le Président du gouvernement n'aura pas le droit d'interférer. En plus de cette question délicate, c'est au gouvernement que revient la charge de déterminer les principes et critères de nomination à ces fonctions, «notamment ceux d'égalité des chances, de mérite, de compétence et de transparence», pour le processus de la nomination. «Les moyens de l'application des lois et la supervision des établissements publics, ainsi que les actes réglementaires du Chef du gouvernement qui sont contresignés par les ministres chargés de leurs exécutions», seront aussi insérés dans la loi organique du gouvernement. Le dernier volet de la nouvelle législation projetée s'attaque aux relations avec les deux instances législatives. Là encore plusieurs exigences constitutionnelles devraient être présentes, notamment en matière de contrôle parlementaire au sein des commissions et de présence obligatoire des ministres durant les débats. Point de vue Abdelahad El Fassi, Membre du bureau politique du PPS. La nouvelle loi organique du gouvernement sera un texte plus précis que la charte de la majorité, qui est avant tout un engagement politique et moral autour d'un certain nombre de principes généraux. La loi intégrera les nouvelles règles constitutionnelles mais aussi tout ce qui touche aux commissions interministérielles et au comment rendre compte de l'état d'avancement des travaux du gouvernement. S'agissant des attributions du Conseil du gouvernement et de celles des ministres, la question a été tranchée encore une fois par la Constitution. C'est pour dire que les contours de la nouvelle loi organique sont déjà clairs pour la majorité qui devra apporter sa manière de conduire les politiques publiques. Que fera le Conseil du gouvernement ? - La charge des dossiers liés aux politiques publiques et sectorielles - L'engagement de la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des représentants. - Le pouvoir de décision pour toutes les questions d'actualité liées aux droits de l'homme et à l'ordre public - Les règles de la responsabilité pénale des ministres devant les juridictions - Les projets de loi qui n'entrent pas dans le domaine du Conseil des ministres - Les décrets-lois, les projets des décrets réglementaires et les conditions de la loi d'habilitation, qui est décidée conjointement avec le Parlement - L'examen de toutes les conventions internationales signées par le Maroc avant leur soumission au Conseil des ministres - La nomination des secrétaires généraux et des directeurs centraux des administrations publiques, et la nomination des présidents d'universités, des doyens et des directeurs des écoles et instituts supérieurs publics