À l'étude depuis plus de deux ans, le nouveau schéma directeur portuaire devra être lancé prochainement. C'est ce qu'avait confirmé le chef du gouvernement Abelilah Benkirane dans sa déclaration gouvernementale devant le Parlement (www.leschos.ma). Pour l'heure, aucune date n'a encore été précisée, mais il faut savoir que «le département de tutelle doit faire face aujourd'hui à l'urgence de la mise en place de ce nouveau plan», note un opérateur portuaire. En effet la nouvelle configuration portuaire espagnole pousse le Maroc à revoir sa propre conception. En outre, il y a lieu de ne pas oublier le voisin algérien, qui est en train de mettre à niveau le port d'Oran. Bien évidemment, cette nouvelle configuration qu'entend entamer le Maroc est également dictée par d'autres facteurs. Il s'agit, en outre, des grands changements attendus pour 2030. En effet, le trafic maritime commercial devrait, selon les prévisions officielles, se multiplier par plus de 2 à plus 3 pour atteindre entre 220 et plus de 260 millions de tonnes à cet horizon. Un système autoritaire bicéphale Cette nouvelle donne devant être anticipée par des investissements colossaux pour la mise et l'extension des ports du Maroc, une tâche à laquelle s'est attelée l'agence nationale des ports (www.leschos.ma). «Sur ce point, le travail de l'ANP malgré qu'elle n'ait que 4 ans d'existence, est à saluer. Toutefois l'agence est tellement concentrée sur cette tâche que l'on ne sent pas encore qu'elle joue réellement son rôle de régulateur», souligne un autre opérateur. Mais ce n'est pas le seul problème à résoudre, selon les professionnels. L'existence de deux autorités portuaires, à savoir l'ANP et l'agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA) a créé un système bicéphale, «incapable de gérer efficacement les ressources humaines», ajoute-t-on dans la profession. «Les grèves dans les différents ports relevant des autorités de ces deux institutions en est la preuve tangible», note ce transitaire. Ce n'est pas tout. Les critiques des professionnels font état d'une dualité des systèmes informatiques portuaires créant des perturbations pour tout le secteur. En effet, la grande question que se posent les professionnels du secteur, toutes branches confondues, est de savoir pourquoi les deux institutions ont deux systèmes informatiques différents. L'autre question est de savoir s'il n'était pas plus judicieux de se contenter du système déjà mis en place par TMSA au lieu d'en créer un autre, PORT NET) pour l'ANP. Le fait étant là, il faudra pour installer l'homogénéité trouver une passerelle entre les deux sytèmes.En plus de ces deux agences, le système portuaire marocain fait intervenir une autre autorité, en l'occurrence la direction de la marine marchande, laquelle a, depuis la libéralisation en 2007, perdu beaucoup de son poids. Cela étant, de la déclaration gouvernementale de Benkirane portant sur la réforme portuaire, les professionnels ont décelé une volonté d'une réforme institutionnelle. Autrement dit, des changements au niveau des attributions et compétences des autorités de régulation devront être introduits. L'un des scénarios imaginés par les professionnels consiste à regrouper en une seule entité l'ANP et TMSA. «Cette thèse s'appuie sur le constat selon lequel les deux agences sont complémentaires et disposent des même ressources humaines. Sans oublier qu'elles ont le même poids», explique un armateur. Contactés à ce sujet, les responsables de l'ANP sont restés injoignables à l'heure où nous mettions sous presse. Homogénéité avec les zones logistiques En attendant, l'Etat a toujours voulu être présent dans les ports, tout en accordant des espaces aux opérateurs privés, notamment pour l'activité céréalière. Par ailleurs, le nouveau schéma directeur devra prendre en considération les changements apportés par les stratégies sectorielles. C'est le cas notamment de la stratégie logistique, dont la réalisation a pris un sacré retard, à cause de la non installation de l'agence de régulation (www.lesechos.ma). Le but est de créer une homogénéité entre les logistiques maritime et terrestre. Là encore, il faut rappeler que la zone logistique de Zénata mise à part, la réalisation des autres zones prévues par le contrat programme est au point mort (www.lesechos.ma).Bien sûr, il est également question d'adapter la nouvelle configuration aux changements urbanistiques des villes marocaines. Aujourd'hui, la conception portuaire au Maroc se base sur le développement des pôles portuaires. S'agissant du port de Casablanca-Mohammedia, son développement se heurte à la saturation de l'enceinte, ainsi qu'à celle des routes et voies ferrées. «Bien sûr, l'évolution urbanistique anarchique du grand Casablanca bloquera l'accès par voie terrestre au port de la métropole», affirme un transporteur. Ces raisons, ainsi que la concurrence du port de Tanger Med devrait conduire à confiner le port dans une vocation généraliste, la spécialisation étant accordée à d'autres sites moins encombrés comme celui de Jorf Lasfar, avec notamment le transfert de l'activité liée à l'export des phosphates et sa transformation en site dédié à l'industrie et au secteur de l'énergie. Pour rappel, autour du site, une grande zone industrielle ne cesse de se développer (www.lesechos.ma). «L'entrée en service de l'autoroute Marrakech-Agadir devrait rehausser le port de la capitale du Souss, en lui accordant plus d'importance au niveau régional, vu l'activité économique qui devra se développer davantage entre la région du Souss et celle de Marrakech Tensifit», prédit un transporteur. Il y aussi le port de Tanger, ville qui sous l'effet de l'aménagement urbain de la ville, est appelée à récupérer les trafics commerciaux, tout en développant davantage les lignes maritimes exploitées par des navires rapides. Il est inutile de parler de Tanger Med, qui dispose déjà d'un plan de développement spécifique (www.lesechos.ma). Une mise à niveau parallèle La nouvelle configuration portuaire attendue ne peut être réussie que si elle est accompagnée d'une mise à niveau de la flotte nationale. Celle-ci fait depuis quelque temps déjà face à une crise qui risque de l'anéantir. En effet, après la libéralisation du transport maritime en 2007, aucun accompagnement pour la mise à niveau des opérateurs, très petits face à la concurrence étrangère, n' a été réalisé. Résultat, le chiffre d'affaires des armateurs marocains a enregistré une baisse de 25% entre 2009 et 2010, se limitant à 3,5 milliards de DH. Durant la même période, le chiffre d'affaires réalisé par les armateurs étrangers s'est inscrit en hausse de 16,4% à plus de 14,66 milliards de DH . De même, la flotte marchande sous pavillon national ne compte plus que 28 navires, avec un tonnage global de 120.000 T. Aujourd'hui, les opérateurs, qui ont saisi la tutelle à plusieurs reprises, sont dans l'expectative, tout en affichant leur optimisme quant à «la volonté du nouveau gouvernement de sauver le secteur».