Utilisateurs, opérateurs et communes ont du mal à trouver leur compte dans un contrat de gestion déléguée. Les récents déboires de la compagnie Tecmed Maroc avec la commune de Tétouan rappellent d'autres cas plus ou moins similaires. En réalité, depuis l'introduction du concept de gestion déléguée au Maroc, les expériences se suivent mais ne se ressemblent pas. Qu'il s'agisse du transport public ou de la distribution d'eau et d'électricité, les opérateurs privés doivent très souvent faire face à des difficultés entre un personnel qui multiplie les mouvements de grèves, et le retard de paiement des factures, aussi bien du côté des utilisateurs que des délégants. Alors quelles sont les erreurs commises de chaque côté ? Pourquoi les contrats de gestion déléguée des services publics ont-ils du mal à survivre ? Tout le monde a encore en mémoire l'échec du consortium Stareo à Rabat, formé par le français Veolia Transport et les sociétés Bouzid et Hakam. En mai de cette année, la société de transport public, par autobus, déposait le bilan 16 mois seulement après ses débuts. Déficitaire depuis plusieurs mois, Stareo s'était d'ailleurs engagée dans un programme d'investissement des plus ambitieux. Près de 2 milliards de DH, investis sur 15 ans, auraient dû permettre à la capitale de se doter d'un transport public avec des bus de qualité. 553 autobus neufs étaient censés rénover un parc des plus dégradés. Au final, ces investissements se révéleront trop gourmands. D'autant plus que le prix du ticket était loin de couvrir les charges d'exploitation, et de fonctionnement. Pour Mohamed Berrada, président de la fondation Links, c'est justement là que le bât blesse. «Le problème aujourd'hui est que nous imposons les prix. Les prix de l'eau et de l'électricité, le prix des tickets de transport public, par autobus, sont fixés par les délégants, c'est-à-dire les communes» explique ainsi Berrada. Les prix fixés par les communes ne couvrent pas les charges Or, ces prix sont fixés en inadéquation avec les réalités du marché. Non seulement ils couvrent difficilement les charges, mais très souvent, ils ne permettent pas au délégataire de respecter ses engagements d'investissement, par ailleurs contractualisés. «Les sociétés délégataires doivent engager des investissements de longue haleine, qu'elles n'ont pas les moyens de réaliser, vu les prix qu'on leur impose. Par exemple, les différentes tranches établies pour le paiement de l'eau et l'électricité ne favorisent, en aucun cas, ces investissements. Les foyers modestes, les plus nombreux, sont aussi ceux qui paient le moins» poursuit Berrada. «Si l'on veut faire du social, il ne faut pas laisser les entreprises privées assumer, seules, les investissements. Il n'y a que deux solutions pour que les entreprises puissent investir : soit, elles génèrent des bénéfices, soit, elles obtiennent des subventions de l'Etat» conclut-il. Tout le monde sera d'accord pour dire que la gestion déléguée des services publics est très souvent une nécessité, à la fois pour soulager l'Etat, et permettre une amélioration du service. Mise en place dans le cadre de la phase d'ouverture du Maroc aux investissements étrangers, la gestion déléguée des services publics au Maroc n'a été réglementée que tardivement avec la loi 54-05, adoptée en 2006. Pour Lahcen Daoudi, secrétaire général adjoint du PJD chargé des questions économiques, «les responsabilités se retrouvent à tous les niveaux». «Il y a un gros problème de gouvernance, de management et de corruption. Il faut à la fois revoir les cahiers des charges et que le ministère de l'Intérieur déconcentre la gestion de ces contrats. Ce sont les communes qui doivent assumer les cahiers des charges de A à Z» poursuit-il. Malgré ces ratés, la nouvelle réglementation a fini par attirer de nombreux opérateurs étrangers. Une dizaine d'entre-eux opèrent, en effet, sur le territoire, dans les domaines de la gestion des déchets ménagers, de la distribution de l'eau, de l'électricité et des transports. Sous haute tension ! À fin septembre 2011, 15.020,4 Gwh d'électricité très haute, haute et moyenne tension avaient été consommés. 8.157,2 Gwh, soit 54,3% de cette électricité étaient distribués par les régies autonomes. Pour les 45,7% restants, 6.863,2 Gwh ont été distribués par des sociétés privées. Pour l'eau, 3 sociétés délégataires assurent la distribution à Casablanca, Rabat et Tanger-Tétouan. Dans le transport, il ne reste plus qu'Agadir et Casablanca. Ville après ville... Casablanca. La gestion tripartite de la collecte et du traitement des déchets ménagers par Tecmed, Sita El Beida et Segedema est loin d'être satisfaisante. La propreté – ou plutôt son absence – des rues de Casablanca en fait sa réputation. Les conflits entre ces sociétés, leur personnel et la commune de Casablanca se multiplient. Quant à la gestion depuis 1997 et pour 30 ans par la Lydec, filiale de Suez Environnement, de la distribution d'eau et d'électricité, elle ne manque pas de frictions relatives notamment aux tarifs jugés élevés et un service de maintenance qui a montré ses limites. Nul besoin aussi de s'étaler sur l'anarchie dans la gestion du transport public délégué depuis 2004 à M'dina bus. Rabat. Le ratage de la gestion déléguée par Stareo aura laissé des séquelles et quelques bus neufs. Pour l'eau et l'électricité, c'est la Redal, filiale de Veolia Environnement au Maroc, qui en gère la distribution depuis 2002, et qui a connu des hauts et des bas. Tanger-Tétouan. La filiale de Veolia Environnement, Amendis gère depuis 2002, et pour 25 ans, la distribution d'eau et d'électricité de la région du nord. Les critiques ne manquent pas vis-à-vis de la politique tarifaire appliqué par le Français. Durant les manifestations du mouvement du 20 février, des panneaux critiquant Amendis s'élevaient aux côtés de panneaux plus politiques. Marrakech. Depuis 1999, c'est l'espagnol Alsa qui gère le transport urbain. Le contrat arrive à échéance en 2014. Pour la collecte des déchets ménagers, Pizzorno et Tecmed se partagent la ville depuis 2007 . Mohammedia. À plusieurs reprises, l'ancien délégataire pour la gestion des déchets, Tecmed Maroc, et la commune ont été en désaccord. Arrivé à échéance le 31 octobre, le contrat de Tecmed n'a pas été renouvelé à l'issue de l'appel d'offres. C'est finalement le français Sita El beida qui a pris le relais.