On l'avait compris il y a longtemps, Najat Aâtabou trouve son inspiration dans les airs. Elle écoute les questions des nombreux journalistes venus partager avec elle ce moment inoubliable, lève ses yeux vers un point qu'elle seule connaît, le fixe, tire la réponse jusqu'à elle, la décode puis la délivre avec un charme unique. «Je suis là pour répondre à toutes vos questions », souligne-t-elle pour réconforter l'assistance. D'une spontanéité exemplaire, la diva de la chanson chaâbi, qui a célébré la semaine dernière à Mazagan, ses 30 ans de carrière, a tenu à évoquer ses débuts. «C'était dur, très dur de me lancer dans le chant, vu que ma famille est conservatrice». Il a seulement suffi de prononcer cette phrase pour que Najat fonde en larmes. «J'étais jeune, rêveuse... Je n'avais qu'une seule idée en tête : devenir avocate et défendre la femme marocaine». La vie de Najat bascule en un instant lorsqu'une cassette portant sa voix, fait son apparition à Khémisset. «J'ai été invitée à un mariage à Khémisset, ma ville natale. On m'a demandé de chanter, je l'ai fait sans savoir qu'il y avait des gens qui m'enregistraient». Que faire ? Faire face à sa famille conservatrice ou partir ailleurs ? La jeune Najat fait ses valises et s'envole pour Casablanca, laissant tout derrière elle. Commence alors une nouvelle page dans sa vie... Elle signe avec une maison de disques et commence à chanter sous le nom de Najat El Maâroufi. Le succès était au rendez-vous dès les premiers tubes. «J'en ai marre», par exemple, avait cartonné au début des années 1980. Plus de 25 ans après sa sortie, ce single est d'ailleurs toujours plébiscité par les fans de l'artiste. «Il est vrai que mes chansons ont été adoptées dès le début par le public, mais malheureusement, je n'ai pas savouré ce succès à cause de mon conflit avec ma famille». C'est au bout de trois ans, que Najat arrive à décrocher la bénédiction de sa famille. Les années se suivent et se ressemblent pour Najat. Ses albums rencontrent un grand succès. «Choufi ghirou», «Kadba bayna», «Souvenir», des titres qui ont fait sa gloire. La chanteuse se produit à l'étranger, notamment à l'Olympia (Paris). Pourtant, si la plupart des artistes aiment énumérer la liste de leurs prouesses, Najat, elle, opte plutôt pour la modestie. Elle affirme aussi que son chemin a été plein d'embûches. Trente bougies et pas une ride Trente années plus tard, c'est une autre Najat Aâtabou que le public découvrait donc au concert,samedi dernier, juste après la conférence de presse. Rayonnante, elle a interprété les chansons phares de son répertoire. «La rencontre de mon public me rend heureuse. Voir la joie dans les yeux de mes fans, me procure une sensation indéfinissable». Sa voix forte et envoûtante, sa présence sur scène, sa capacité d'associer le public à la fête... font d'elle une artiste aimée et appréciée. Son engagement dans la vie sociale de son pays est aussi bien connu. On se souvient que Najat était la première artiste à produire un tube en mars dernier quelques jours après la naissance du Mouvement du 20 février. Avant cette date, pourtant, Najat avait produit une dizaine de chanson défendant bec et ongles la condition des femmes marocaines. «Je suis issue d'un milieu conservateur où la femme n'avait aucun rôle à jouer. Petite, j'ai décidé de ne pas être comme les femmes de ma famille. C'est pourquoi je voulais devenir avocate... Aujourd'hui, je défends ces femmes à ma manière». Compositrice, parolière et interprète, Najat a abordé dans ses chansons, la Moudawana, la polygamie, ou encore la famille, elle en a fait d'ailleurs, ses sujets de prédilection. «Je ne comprends pas comment un artiste ne peut pas réagir par rapport aux sujets qui touchent sa société. C'est inconcevable». Engagée jusqu'au bout, Najat ne manque pas de déplorer la situation des artistes au Maroc. «Les artistes au Maroc ne touchent que des miettes... Lorsque j'ai inscrit mon nom au bureau des droits d'auteur en France, j'ai découvert la différence».