Le Tribunal arbitral du sport a infligé un revers majeur aux instances de la lutte antidopage en jugeant «insuffisantes» les preuves recueillies à l'encontre de la majorité des athlètes Russes sanctionnés et suspendus pour dopage. Vingt-huit des 42 sportifs russes ayant contesté leur suspension à vie ont vu leur sanction purement et simplement levée par le TAS, une décision immédiatement saluée par le Kremlin. Le débat porte maintenant sur la participation de ces athlètes aux prochains Jeux olympiques d'hiver qui débutent à Pyeongchang (Corée du Sud) dans une semaine (du 9 au 25 février). Le comité olympique international «CIO» considère toujours ces athlètes comme impliqués dans le truquage des JO de Sotchi il y a quatre ans. Une fois annoncée la décision du TAS, le CIO a immédiatement répondu que ces 28 athlètes blanchis ne seraient pas présents en Corée du Sud : il considère que les seuls Russes présents à Pyeongchang ne le seront que par la grâce d'une invitation en raison de la suspension du Comité olympique russe. «Ne pas être suspendu ne confère pas automatiquement le privilège d'une invitation», a déclaré l'instance olympique. Le vice-premier ministre russe Vitali Moutko, interdit à vie de Jeux olympiques pour son présumé rôle-clé dans la manipulation des contrôles antidopage de Sotchi, a annoncé que la Russie prévoyait de nouvelles actions en justice pour obtenir que ces sportifs puissent concourir à partir de la semaine prochaine. « Nous supposons que les athlètes qui sont prêts, qui se sont qualifiés, qui disposent de quotas dans leur sport, seront tous admis aux Jeux olympiques. Si le CIO ne les accepte pas, nous soutiendrons leur cause devant le TAS ou toute autre instance légale », a lancé Vitali Moutko. L'ancien ministre des sports, a par ailleurs estimé que ce jugement invalidait la thèse d'un dopage organisé en Russie. Que les athlètes blanchis aillent ou non à Pyeongchang, la décision n'est de toute façon pas sans conséquence pour eux et pour le sport russe : plusieurs titres olympiques de Sotchi seront réattribués à leur propriétaire initial, comme Alexander Legkov en ski de fond ou Alexander Tretiakov en skeleton, et ces 28 pourront s'ils le souhaitent reprendre la compétition après les Jeux. Au total, la Russie récupère neuf des 13 médailles perdues sur tapis vert, ce qui lui permet de reprendre la tête du tableau des médailles des JO 2014. Le TAS a entendu 40 des 42 sportifs russes du 22 au 27 janvier à Genève ainsi que l'ancien directeur du laboratoire de Moscou, Grygory Rodchenkov, à l'origine de la révélation du système de dopage organisé en Russie, et le professeur Richard McLaren, à la tête de l'équipe d'enquêteurs de l'Agence mondiale antidopage (AMA) ayant constitué les dossiers contre eux. Les arbitres ont ensuite jugé les cas individuellement et considéré que dans 28 cas, « les preuves collectées étaient insuffisantes pour établir qu'une infraction aux règles antidopage avait été commise ». Au-delà d'une victoire pour le Kremlin, cette décision est surtout un revers majeur pour le CIO et pour l'AMA. Elle pose les limites des enquêtes policières dans la lutte antidopage, en considérant qu'un ensemble d'éléments concordants ne constitue pas une base suffisamment solide pour une suspension. Le CIO a fait part de sa colère, jugeant que cette décision « pourrait avoir de graves conséquences sur l'avenir de la lutte antidopage », et se réserve la possibilité de faire appel devant la justice suisse.