Page 1 sur 3 Jugé normal par les autorités monétaires, le comportement du marché de change depuis le lundi 15 janvier ne peut en aucun être significatif pour apprécier l'efficacité de la réforme. Le premier test est attendu au deuxième trimestre lors de la saison de rapatriement des dividendes. Mais le vrai test se jouera sur le terrain de la compétitivité du produit marocain à l'international. Le taux de change n'est qu'un instrument au service des politiques que mène le gouvernement . Le mot arabe «Ta3wim» qui veut dire «flottement» dans le langage monétaire, ou bien «faire nager» en langue arabe, effraie beaucoup de Marocains depuis l'entrée en vigueur de la réforme du régime de change, lundi 15 janvier. Le terme est même devenu le sujet principal des blagues en vogue en ce début d'année. Face aux médias présents lors du point de presse organisé jeudi 18 janvier à Rabat, le ministre des Finances, Mohamed Boussaïd et le wali de Bank Al-Maghrib se sont voulus rassurants. Rien ne justifie à leurs yeux la panique ambiante du moment qu'il s'agit d'un simple élargissement de la bande de fluctuation du dirham (5%). Sur ce point précisément, Jouahri puise sa communication dans le lexique du mariage pour remettre le débat à sa juste place, apaiser les inquiétudes et surtout bannir le mot Ta3wim. «Le flottement du dirham, c'est comme la cérémonie de mariage. Or, nous sommes juste à l'étape de R'chim. Pour arriver à la cérémonie de mariage, il faut passer par les étapes de fiançailles, H'diya, la fatiha, la dote, etc. La flexibilité n'est donc qu'une première étape», affirme Jouahri avec sa pointe d'humour habituelle. Le Maroc a fait le choix d'aller doucement, étape par étape, avant de laisser sa monnaie flotter librement en fonction de l'offre et de la demande. À quand la prochaine étape ? Jouahri avait maintes fois évoqué une durée de dix à quinze ans séparant l'injection de la première dose de flexibilité à l'introduction du flottement total. Boussaïd, lui, reste prudent en n'avançant aucune indication temporelle. «La durée dont a parlé le wali correspond au benchmark international. Elle peut être supérieure à 15 ans comme elle peut être inférieure à 10 ans», nuance le ministre. Quand allez-vous opérer le prochain élargissement de la bande de fluctuation ? «Quand Dieu le voudra», répond Boussaïd. «Nous avancerons lorsque les conditions seront réunies. Mais quand je regarde la tempête qu'a suscitée ce premier élargissement de la bande de fluctuation du dirham, je n'ose pas imaginer ce qui va advenir le jour où nous passerons au flottement. J'espère que ceux qui seront là sauront mieux expliquer», lance Jouahri. Le wali se veut rassurant, mais pas au point de promettre des merveilles : «Le taux de change ne peut pas se substituer à toutes les politiques. Ce n'est qu'un instrument au service des politiques que mène le gouvernement, en particulier pour améliorer la compétitivité de l'économie». La réforme du régime de change, insiste Jouahri, fait partie des réformes de seconde génération que le Maroc doit absolument entreprendre pour accéder au rang des pays émergents. Interpellé sur les risques qui pèsent sur l'économie (repli de croissance et hausse de l'inflation), les deux responsables remettent en cause les anticipations pessimistes véhiculées ces derniers temps par certains organismes internationaux dont l'assureur crédit Euler Hermès et surtout la banque d'affaires américaine JP Morgan. Cette dernière n'exclut pas une dépréciation de 7% du dirham durant les douze prochains mois. «C'est impossible. JP Morgan n'est pas le Christ. Sa parole n'est pas d'évangile», riposte le wali, rappelant que le nouveau serpent monétaire limite la variation du dirham à un maximum de 2,5%, à la hausse comme à la baisse. S'agissant de l'impact sur les prix, pour la première fois depuis le lancement du débat sur la réforme, Bank Al-Maghrib publie les résultats d'une simulation de la flexibilité selon laquelle le taux d'inflation additionnel ne dépasserait pas 0,4%, portant celle-ci à 1,9% en 2018, avec un impact positif sur le taux de croissance, estimé à 0,2%. Idem pour l'effet sur le prix du carburant avec un additionnel de prix limité à 15 centimes par litre de gazole. Toutefois, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes car le modèle de simulation retient l'hypothèse de stagnation des autres variables et ses conclusions devraient être accompagnées de la mention «Toutes choses étant égales par ailleurs». D'ailleurs, en cas d'inflation galopante, le wali a bien fait de noter l'importance de dissocier entre l'effet de la flexibilité et celui d'autres facteurs exogènes. «Ce n'est pas la faute à la réforme si demain les prix des produits importés augmenteront à l'étranger», souligne Jouahri. «Le dernier mot est revenu au marché qui s'est montré serein et a manifesté sa confiance dans la réforme. Durant les trois premiers jours écoulés depuis l'entame de la flexibilité, les cours de change du dirham sur le marché interbancaire ont continué à évoluer à l'intérieur de l'ancienne bande de 0,3% en dépit de l'élargissement à 2,5%», se réjouit le ministre Boussaïd. De son côté, le wali estime que cette situation, se traduisant également par le maintien des cours de change des billets de banque aux mêmes niveaux observés avant la réforme, montre que «les banques et les opérateurs économiques ont bien assimilé l'esprit de la réforme». Ce que le wali et le ministre ont omis de dire, c'est que ce comportement jugé «normal» du marché durant les premiers trois jours correspond juste à une phase «test» non significative, au regard notamment des volumes faibles servis lors des adjudications. Or, l'on sait bien que le marché des devises est extrêmement cyclique et que les échanges atteignent généralement leur pic durant les deuxième et troisième trimestres (rapatriement des dividendes) et en période estivale, en lien avec les départs en vacances. On verra bien d'ici-là si les cours resteront à l'intérieur de l'ancienne bande de cotation du dirham. * Précédent * Suivant