Le chemin reste encore long en matière de promotion de la scolarisation des enfants en situation de handicap au Maroc pour plusieurs raisons, à commencer par le coût de la mise en place d'une éducation inclusive et adaptée aux besoins de cette catégorie. Pour changer la situation, le Maroc se dote pour la première fois d'un référentiel pour l'éducation inclusive de ces enfants. Combien d'enfants en situation de handicap en âge de scolarité sont-ils en dehors du système éducatif ? La question demeure en suspens. Les statistiques officielles en la matière manquent cruellement pour évaluer objectivement la situation et pouvoir ainsi rectifier le tir mais il apparaît clairement d'après les données du recensement de la population que bon nombre d'enfants marocains à besoins spécifiques ne bénéficient pas de leurs droits à l'éducation. Globalement, 70% des personnes handicapées au Maroc n'ont aucun niveau scolaire. Un chiffre on ne peut plus alarmant qui devrait interpeller les pouvoirs publics. Uniquement 1,5% des handicapés ont atteint les études supérieures et 8,5% le secondaire. Les enjeux sont de taille pour le ministère de l'Education nationale qui est en train de se pencher sur le dossier pour améliorer tant quantitativement que qualitativement l'enseignement des enfants à besoins spécifiques. Le Maroc est encore à la traîne. Il faut dire que le royaume n'a entamé l'expérience de l'éducation de ces enfants dans des établissements publics que dans les années 90 du vingtième siècle à travers la mise en place de quelques classes dédiées à cette catégorie d'élèves. Une première qui avait bouleversé les habitudes en donnant l'occasion aux enfants en situation de handicap d'accéder aux écoles mais les efforts déployés, quoique louables, demeurent encore en deçà des aspirations. On ne recense actuellement que 700 classes intégrées dans les écoles publiques accueillant quelque 8.000 élèves dont 37% de filles. Des chiffres qui sont visiblement loin de répondre aux besoins de toute la population cible. Certes, d'autres élèves sont scolarisés dans des classes «ordinaires» mais leur nombre demeure limité et souffre de plusieurs difficultés dont l'absence d'accessibilité dans la majorité des établissements scolaires, le manque de formation des enseignants... Aujourd'hui, on vise à intégrer progressivement tous les enfants dans les mêmes classes et créer parallèlement des classes d'éducation inclusives permettant d'appuyer les compétences des élèves en situation de handicap. Cette mission ne sera pas de tout repos. La généralisation de cette vision nécessitera cinq voire six ans. Plusieurs préalables s'avèrent nécessaires dont la mise en place d'une structure d'accueil adéquate dans les quatre coins du Maroc, la formation des enseignants et de tous les cadres pédagogiques, l'élaboration des référentiels législatifs, éducatifs et pédagogiques... Le défi est de pouvoir dépasser toutes les contraintes relevées lors de l'expérience des classes intégrées dans les écoles publiques comme l'absence de programmes et référentiels adaptés aux enfants en situation de handicap ainsi que d'une approche pédagogique institutionnelle officielle en matière d'évaluation et de soutien scolaire, le rassemblement dans une même classe d'élèves ayant des degrés différents de handicap, l'absence d'outils pédagogiques et didactiques adaptés aux élèves, la faiblesse de sensibilisation et de formation des enseignants, le manque d'accessibilité, les perceptions négatives...Le référentiel permettra de diffuser une vision commune de l'éducation inclusive, de renforcer les capacités de tous les intervenants et de se focaliser sur les capacités au lieu des incapacités. L'idée est d'éviter de créer des ghettos au sein des établissements scolaires et de passer à une école marocaine inclusive en accueillant les enfants à besoins spécifiques dans des classes ordinaires. Regina De Dominicis Représentante de l'UNICEF au Maroc Les Inspirations ECO : Quel regard portez-vous sur la situation de la scolarisation des enfants en situation de handicap au Maroc ? Regina De Dominicis : Les chiffres de la scolarisation des enfants handicapés au Maroc sont alarmants. Dans le monde, des millions d'enfants sont en dehors du système scolaire. Le Maroc n'est pas une exception, mais force est de constater que bon nombre de progrès sont enregistrés. Le référentiel sur l'éducation inclusive est le fruit d'un travail profond pour changer la situation et faciliter l'accès des enfants en situation de handicap à la scolarisation et améliorer la qualité de l'éducation. Le handicap n'est pas un frein à la réussite comme en témoignent les cas de plusieurs personnalités dont des scientifiques connus dans le monde. Comment se situe le Maroc par rapport à des pays similaires ? Nous avons fait un benchmark international sur les pratiques en matière d'éducation des enfants handicapés dans des pays à revenu moyen avec des budgets similaires au Maroc en Amérique latine et en Asie. Il faut dire que les problématiques sont communes à beaucoup de pays. Je suis originaire de l'Italie où l'on parle souvent d'inclusion dans notre système éducatif car beaucoup d'établissements ne sont pas encore mis à jour. Le problème d'investissement se pose. Le coût de l'éducation inclusive des enfants à besoins spécifiques reste-t-il le principal problème ? Le coût demeure un grand problème mais il est à préciser que les classes spécialisées sont très coûteuses. En se basant sur l'analyse de différents systèmes, on constate que le coût des classes intégrées est inférieur à celui des classes séparées. Par ailleurs, l'éducation inclusive ne concerne pas uniquement les enfants en situation de handicap mais aussi d'autres catégories vulnérables comme les enfants de migrants.