Jean-Paul Cavaliéri, représentant du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Maroc C'est la prochaine étape, très attendue, qui permettra aux autorités marocaines d'enregistrer directement les demandes des réfugiés au lieu que ces derniers soient obligés de passer par le HCR. Il ne s'agit nullement d'un probable désengagement de l'institution onusienne qui continuera à accompagner le gouvernement dans sa politique d'ailleurs très saluée. Mais comme les pays développés, le Maroc aura sa propre administration d'examen des demandes d'asiles qui selon les spécialistes iront encore crescendo pour cause de conflits et de la persécution qui sévit dans le monde. Ils ont fui leurs pays pour élire domicile au Maroc. Leur nombre est d'environ 5.000 réfugiés, à différencier des immigrés économiques, qui trouvent au Maroc une terre d'accueil. Décryptage... Les Inspirations ECO : La politique migratoire marocaine s'est renforcée d'une deuxième vague de régularisations. Quelles sont à votre avis les améliorations à apporter et à quel niveau ? Jean-Paul Cavaliéri : Au niveau législatif, ce qui est très important, c'est d'inscrire la politique marocaine d'immigration et d'asile dans le cadre d'une loi. Cette loi attendue est celle sur l'asile, qui est prête certes mais qui attend d'être finalisée et présentée au Parlement. C'est le prochain gros chantier législatif qui est très important puisqu'il y a beaucoup de réfugiés au Maroc et il est important que les autorités soient en mesure d'entreprendre l'enregistrement de ces demandes qui sont pour l'instant toujours faites par le HCR. Il faut un véritable transfert de responsabilité du HCR vers le gouvernement marocain. Pour ce faire, il faut une loi sur l'asile pour donner compétence aux autorités gouvernementales d'enregistrer l'ensemble des demandes d'asile. Ceci dit, nous faisons ce travail en très proche coordination avec le gouvernement, mais un pays développé comme le Maroc doit avoir sa propre administration pour gérer ce genre de questions. Souvent, des réfugiés manquent de documents de voyage pour étudier ou aller vivre ailleurs. Quelles sont les solutions possibles ? Les réfugiés reconnus et enregistrés sont documentés par le gouvernement, ce qui est positif dans la mesure où nous avons des réfugiés ici au Maroc avec des cartes de réfugiés délivrées par les autorités marocaines, mais comme ces réfugiés ont perdu la protection de leurs pays d'origine, il faut que le pays d'accueil puisse leur délivrer un document de voyage qui existe dans les pays ayant signé la convention de Genève sur les réfugiés, comme le Maroc. Ce document leur permet, sous condition de visa bien évidemment, de voyager à l'étranger. Il y a plusieurs étudiants réfugiés au Maroc qui ont obtenu des bourses ou des admissions dans des universités étrangères, au Canada notamment, mais qui n'ont pas de documents de voyage. Voilà une piste d'amélioration sur laquelle il faut travailler. Je pense que la politique marocaine d'asile va clairement dans le bon sens, maintenant c'est un chemin sur lequel il faut avancer pas à pas et continuer à construire. Quel est aujourd'hui le regard que le HCR porte sur le modèle marocain d'intégration des immigréset des réfugiés ? Le HCR porte un regard positifsur cet aspect parce qu'il s'agit d'abord d'une initiative originale au niveau de la région. C'est à la fois innovant et courageux. Il ne faut pas sous-estimer la longueur du chemin et le HCR a beaucoup d'espoir dans le fait que la politique marocaine dans le domaine continue et s'inscrit dans la durée pour que le cas échéant, elle puisse constituer une source d'inspiration pour d'autres pays dans la région qui voient qu'il y a une gestion responsable au Maroc des questions migratoires. Le gouvernement ne plonge pas la tête dans le sable et prend ces questions là à bras-le-corps. Et cela, on ne le constate pas uniquement au niveau des institutions étatiques, mais aussi au niveau d'autres organismes comme le CNDH ou la société civile où il y a de plus en plus d'ONG, d'universités qui s'emparent de ces questions et qui réfléchissent. C'est donc toute la société qui fait corps avec le gouvernement et qui montre un modèle très dynamique et très vivant de ce que peut être une société qui s'investit dans la question migratoire, qui est un phénomène qui ne va pas disparaître, hélas. Nous sommes dans un record mondial en matière de déplacement forcé, de guerres, de persécutions, de violations des droits de l'homme, de déplacements liés au réchauffement climatique... Ce sont des questions que l'on ne peut plus ignorer et le Maroc prend ses responsabilités à ce propos. Pensez-vous que l'UE ne déploie suffisamment d'efforts pour soutenir financièrement et en termes logistiques les efforts fournis par le Maroc dans le domaine migratoire ? Pour ce qui est du HCR, nous travaillons main dans la main avec le ministère des MRE et des affaires de la migration. Les chiffres sont relativement modestes puisque l'on parle de 5.000 réfugiés. Le HCR est présent avec ses ressources financières et les bailleurs qui le soutiennent pour aider à l'assistance, la protection et l'intégration des réfugiés. On le fait à travers la société civile marocaine. C'est essentiellement dans le domaine médical, de l'éducation, l'intégration locale avec des activités génératrices de revenus et puis dans le domaine matériel concernant le transfert d'aide, de cash, modestes pour les plus vulnérables pour éviter de rentrer dans des pratiques négatives comme la prostitution ou la mendicité et les activités illégales de manière générale. Toutes ces activités sont menées en concertation avec les autorités marocaines. Vous savez, toutes les écoles et les hôpitaux marocains ouvrent leurs portes aux immigrés et réfugiés. Le HCR est là pour accompagner le gouvernement dans ses efforts.