Il n'y a plus que quatre mois qui nous séparent de la date annoncée pour l'adoption de la «Charte nationale globale de l'environnement». Et comme l'environnement est une affaire d'engagement et d'adhésion de toutes les forces économiques et sociales du pays, tout le monde doit mettre la main à la pâte. C'est un peu le message qu'Amina Benkhadra, ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement est venue passer hier aux différentes commissions de la CGEM. Invitée par la Fédération de l'énergie à présenter les grands axes de ce projet national, elle a, comme à son habitude, été très ferme sur la responsabilité de chacun à faire de ce nouveau chantier du règne un succès. L'appel a été lancé à toutes les fédérations et commissions pour préparer et finaliser leurs propositions et leurs projets dans ce cadre. Il s'agit d'une volonté royale et ni Benkhadra, ni son chef du gouvernement, Abbas El Fassi, n'ont envie de décevoir? Réflexions croisées Seulement, nous sommes en mesure de nous poser une question. Le Maroc réussira-t-il à faire en quelques mois, ce que d'autres pays ont mis des années à concrétiser? Et si l'on se fie aux collaborateurs de Benkhadra et qu'on veuille bien croire que le projet de charte est assez bien avancé et que tout sera prêt pour le jour J, pourquoi ne nous donne-t-on pas plus de précisions sur les détails de ce projet, sur son cadre juridique, sur les méthodes choisies et les équipes qui le finalisent? Tout ce qu'en on sait se limite à quelques grandes lignes et à des réflexions croisées de quelques participants au colloque sur les nouveaux défis énergétiques organisés par la Fédération de l'énergie le 26 octobre dernier. En face d'autant de pièces manquantes à ce puzzle, comment ne pas être tenté de faire le parallèle avec la France par exemple ? L'élaboration du Grenelle de l'Environnement a bien pris quatre longues années. À moins d'être une superwoman, notre Benkhadra nationale n'a que de maigres chances de réussir cette mission impossible, surtout qu'elle est en charge de quatre valises aussi lourdes et aussi prenantes l'une que l'autre. En tout cas, lors de son passage à la CGEM, le ministre a essayé de rassurer, de fédérer et de mobiliser les opérateurs économiques pour mener à bien cette mission. « C'est une réunion de concertation et d'échange autour des enjeux du développement durable au Maroc. Nous sommes en cours de finalisation de la charte de l'environnement dans sa forme provisoire, ce qui devra ensuite donner lieu à un débat national », a lancé d'emblée Benkhadra face à un panel garni de décideurs économiques. Le cahier des charges confié à Abbas El Fassi et son équipe lors du discours du trône en juillet dernier stipule: "L'élaboration d'un projet de charte nationale globale de l'environnement, permettant la sauvegarde des espaces, des réserves et des ressources naturelles, dans le cadre du processus de développement durable". Signature en avril 2010 Ce sont exactement ces mêmes propos qui ont été servis par Benkhadra aux participants du colloque. "(...) Sa Majesté le roi (...), a donné ses hautes instructions pour élaborer une charte globale nationale de l'environnement, afin d'assurer la sauvegarde des espaces, des réserves et des ressources naturelles, dans le cadre du processus de développement durable et de prévoir le volet protection de l'environnement, dans les cahiers des charges concernant les projets de développement". Petit indice supplémentaire, la charte sera signée à l'occasion de la célébration du 40e anniversaire de la Journée de la Terre qui sera célébrée cette année à Rabat, en avril prochain. " Elle constituera un signal fort pour l'engagement résolu de toutes les parties prenantes dans la dynamique du développement, basée sur l'adhésion et la responsabilité collective de chacun et de tous envers la préservation de l'environnement", a lancé la ministre. Il faut dire que les enjeux sont énormes et que le développement durable et la préservation de l'environnement seront le fonds de commerce du Maroc pour les décennies à venir. Sans cela, tous les secteurs (tourisme, industrie, services, énergies...) ne pourront pas survivre longtemps. Et cela, Michèle Pappalardo, commissaire générale au Développement durable au ministère français de l'Ecologie et de l'énergie l'a bien résumé dans son intervention : " L'équilibre (entre la croissance économique et la préservation de l'environnement) est difficile à trouver, mais absolument indispensable pour l'avenir des générations futures". Et d'ajouter: " La France et le Maroc partagent sur ces sujets une vision commune et une volonté d'agir vigoureusement, qui s'incarnent dans le Grenelle de l'environnement et la future stratégie nationale française de développement durable dans le projet de charte marocaine de l'environnement et du développement durable ". Même son de cloche du côté des équipes du ministère de l'Energie, que Taoufik Adyel représentait ce jour-là. Le chef de division des études économiques et juridiques a souligné que "cette Charte renforcera la gouvernance environnementale, comblera les déficits de sa réglementation et stimulera son action ". Nous n'en saurons pas plus. Interdépendance Aussi est-il opportun de mettre les choses dans leur contexte, afin de mieux cerner la problématique de l'environnement au Maroc et dans la région. L'annonce de ce projet de grande envergure intervient dans un contexte énergétique méditerranéen marqué par de grandes disparités en termes de disponibilité en ressources énergétiques fossiles, consommation d'énergie et rythme de croissance de cette consommation, accès à l'électricité, prédominance des énergies fossiles dans le bilan énergétique, émission de gaz à effet de serre... et la liste est longue. L'effort de croissance qui sera fourni par les pays du sud de la Méditerranée dans les prochaines années nécessitera des investissements considérables pour assurer l'approvisionnement. D'autre part, l'interdépendance entre les pays des deux rives nous pousse à nous poser des questions sur les impératifs de sécurité des approvisionnements pour les uns et de sécurité du domaine pour les autres. Il est donc vital pour les deux parties de mettre en place les conditions d'émergence d'un ensemble économique à croissance soutenue et durable. Cela amène le gouvernement et les professionnels à appeler à un partenariat énergétique basé sur des rapports d'un type nouveau dans la région méditerranéenne et la charte de l'environnement même élaborée dans des conditions d'extrême urgence, en est incontestablement un des piliers. La journée de la Terre 2010 Tout un symbole. Le Jour de la Terre sera célébré aujourd'hui au Maroc. Ce sera le 40e anniversaire de l'événement et il arrive à un moment où le pays est face à de grand défis énergétiques et environnementaux. Pour la petite histoire, le Jour de la Terre marque tous les ans l'anniversaire de la naissance, en 1970, du mouvement environnemental tel qu'on le connaît aujourd'hui. Il fut célébré pour la première fois le 22 avril 1970, lorsque le sénateur américain Gaylord Nelson encouragea les étudiants à mettre sur pied des projets de sensibilisation à l'environnement dans leurs communautés.Gaylord Nelson, sénateur du Wisconsin, a proposé la première protestation environnementale d'envergure sur le territoire américain, pour secouer l'establishment politique et forcer l'insertion de la problématique environnementale dans l'agenda national. «C'était un pari», se rappelle-t-il, «mais cela a fonctionné»[]. En effet, ce premier Jour de la Terre a mené à la création de l'Agence de protection de l'environnement des Etats-Unis (EPA) et à l'adoption de la loi «Clean Air, Clean Water, and Endangered Species». En 1990, sous l'égide de l'environne-mentaliste américain Denis Hayes, le Jour de la Terre est devenu un événement planétaire, mobilisant 200 millions de personnes dans 141 pays et jouant un rôle de levier pour les enjeux environnementaux globaux. Le Jour de la Terre a donné une poussée énorme aux campagnes de sensibilisation à la réutilisation et au recyclage et a aidé à préparer le terrain pour le Sommet de la Terre des Nations Unies à Rio de Janeiro en 1992. Au Québec, c'est depuis 1995 qu'on le célèbre, en organisant toutes sortes d'activités de sensibilisation face aux enjeux environnementaux. Le Jour de la Terre fait résonner haut et fort le message que des citoyens de toute la planète souhaitent une action rapide et décisive en faveur de l'énergie propre. Des options plus que stratégiques n Le Maroc a plusieurs défis à relever, dont principalement celui d'assurer la cohérence des objectifs de protection de l'environnement avec ceux de l'accélération du processus de développement, à travers plusieurs pistes, dont notamment: L'intégration effective de la dimension environnementale dans les programmes de développement (stratégies sectorielles et politiques publiques) à travers : - L'engagement réel dans l'économie verte : efficacité énergétique, développement de plateformes industrielles et technologiques favorisant la création de «filières vertes», l'accueil «d'industries propres», y compris celles liées aux investissements étrangers, et la production «d'équipements verts»; mobilisation du potentiel d'énergies renouvelables ... -Le recours à des approches croisées permettant de connecter plus efficacement, à titre d'exemple, l'eau à l'énergie et le climat à l'agriculture... - Le développement d'une réelle politique de littoral. Renforcement de la gestion territorialisée du développement : Les stratégies de développement local (lutte contre la pauvreté et l'exclusion, projets INDH, économie sociale et solidaire, etc.), fondées sur l'action citoyenne et la mobilisation de la société civile, pourraient constituer des domaines d'intervention privilégiés en matière de développement durable. Approche anticipative eu égard aux besoins futurs du pays occasionnés par l'accélération de son processus de rattrapage (croissance des besoins en matière d'urbanisation, de transport et d'équipements à satisfaire plus efficacement à travers le recours à des technologies moins énergétivores). Meilleur usage des accords de libre-échange conclus par le Maroc pour faire de ce pays un hub régional et international pour la production et l'exportation de «technologies vertes» faciliter l'accès à des marchés importants à l'échelle internationale, où l'on s'attend à un développement rapide des champs couverts Comment la France a procédé AC'est en juillet 2007 que les grandes lignes du Grenelle de l'Environnement avaient été présentées par le gouvernement à la presse et à l'opinion publique. L'organisation du Grenelle de l'Environnement portée par Jean Louis Borloo, Dominique Bussereau et Nathalie Kosciusko-Morizet, visait à créer les conditions favorables à l'émergence de cette nouvelle donne française en faveur de l'environnement. Le projet a réuni pour la première fois l'Etat et les représentants de la société civile, afin de définir une feuille de route en faveur de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Un plan d'action d'une vingtaine de mesures concrètes et quantifiables, recueillant un accord le plus large possible des participants devait être proposé au mois d'octobre. Ce plan, dont les mesures seront évaluées a priori et a posteriori, sera donc un point de départ à la mobilisation de la société française pour inscrire son développement dans une perspective durable. La première phase a été consacrée au dialogue et à l'élaboration des propositions au sein des groupes. Six groupes de travail composés de 40 membres répartis en cinq collèges ont été constitués pour préparer cette échéance. Ces collèges avaient pour vocation de représenter les acteurs du développement durable: l'Etat, les collectivités locales, les ONG, les employeurs et les salariés.