Finalement, ceux qui se frottaient les mains en préparation du show des débats sur la loi de Finances devront prendre leur mal en patience. Le président du gouvernement a fait un volteface, mercredi, en retirant in extemis le projet de loi de Finances approuvé en Conseil du gouvernement 24 heures plus tôt. En effet, mardi, à l'issue du Conseil, Abbas El Fassi avait signé le décret faisant office de feu vert à l'entrée du projet de loi au Parlement, pour que, mercredi soir et à la veille du passage du ministre des Finances, sous la coupole, les parlementaires reçoivent un SMS leur indiquant que le budget général retournerait à la case départ. Mercredi matin, les majorité d'entre eux, quand ils n'étaient pas en train de tisser des scénarii aux raisons de ce retrait, se disaient éberlués de ce «cafouillage». C'est, à titre d'exemple, le terme utilisé par Salwa Karkri Belkziz, députée du parti de l'USFP, décrit les événements qui entourent le dossier du projet de loi de Finances 2012. Ce n'est qu'en fin de journée, que la vision a été plus claire: le projet sera effectivement retiré du circuit en raison «d'encombrement de l'ordre du jour de la session extraordinaire. Celui-ci était trop chargé pour pouvoir inclure également les discussions autour de la loi de finances», expliquait ainsi le porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri. Cette explication officielle a été loin de satisfaire les observateurs puisque la surcharge de l'ordre du jour de la session extraordinaire était déjà connue mardi, lorsque le Conseil de gouvernement avait décidé d'y inclure la loi de Finances. Pour l'heure, on se contente d'affirmer que le projet de LDF sera déposé dans les délais, soit avant le 20 octobre 2011, ce qui réanime une nouvelle fois la polémique autour de la coïncidence de cette échéance avec l'approche des élections. En tout cas, pour le porte-parole du gouvernement: «la session extraordinaire doit être consacrée, en premier lieu, à l'examen et l'adoption des lois régissant les échéances électorales prévues le 25 novembre prochain». En d'autres termes, le gouvernement a choisi d'accorder la priorité aux élections aux dépens du Budget général. Pour autant, la majorité des formations, même au sein de la koutla, s'accroche encore à des «versions» qui ne coulent pas forcément dans le moule des propos officiels de Naciri. Pour certains, il serait question de calculs politiciens étant donné que certains partis, et notamment l'USFP, auraient mis les batons dans les roues en critiquant, après coup, certaines dispositions de la loi de Finances. Cette rumeur est rapidement démentie aux Echos quotidien, par des membres du parti, en l'occurrence Salwa Belkziz, ainsi que le vice-président de la commission des Finances et membre du parti, Khalid El Hariry. D'autres informations ayant circulé en marge du Conseil de gouvernement parlent de décision prise par le Premier ministre et que ledit Conseil qui l'a validé n'était qu'une formalité. Il s'agirait d'une déduction logique des tractations assez virulentes qui ont suivi l'annonce du dépôt du projet de loi de finances au Parlement animées notamment par les partis optant pour la non pertinence de proposer un projet de loi de finances qui imposerait des orientations aux prochain gouvernement. «Les membres du gouvernement ont poursuivi les discussions autour de la question, même après la réunion du premier Conseil de gouvernement», reconnaît pourtant Naciri. Néanmoins, cela ne confirme en rien l'hypothèse avancée. L'autre courant insiste quant à lui sur la pertinence de cette décision et focalise surtout sur le fait qu' «enfin, le gouvernement a décidé d'opter pour le scénario logique. Il était en effet plus judicieux de faire passer, comme la loi le permet d'ailleurs, un décret pour les dépenses courantes de gestion, et laisser le reste à après le 1e janvier», commente d'ailleurs l'un des politiciens. Ce qui est sûr, c'est que la majorité n'est plus aussi soudée qu'elle ne paraissait l'être lors des premières années de mandat du gouvernement actuel et que le projet de loi de Finances se retrouve aujourd'hui bel et bien otage des tractations purement politiques qui précèdent l'échéance du 25 novembre. L'organisation d'élections anticipées a suffi donc pour chambouler le paysage de l'Exécutif, même si ce dernier persiste à souligner la complémentarité entre les membres du gouvernement. C'est aujourd'hui le projet de loi de Finances, l'un des projets prioritaires à chaque rentrée parlementaire, qui est la source de plusieurs incertitudes. Est-ce le fruit de la recrudescence de la bataille politique, qui n'a jamais été aussi intense ? Un déphasage électoral et surtout constitutionnel Le retrait du projet de loi de Finances 2012 à la dernière minute de l'imprimerie du Parlement soulève plusieurs questionnements de la part des députés. Pourtant, la nouvelle Constitution a tracé un échéancier de même qu'une procédure qui est entièrement conditionnée par deux éléments-clés : le devoir d'information des députés du contenu du projet à travers son dépôt au bureau, et le respect des dispositions de la loi organique des finances. «Le Parlement vote la loi de finances, déposée en priorité devant la Chambre des représentants, dans les conditions prévues par une loi organique. Celle-ci détermine la nature des informations, documents et données nécessaires pour enrichir les débats parlementaires». La procédure est donc sans équivoque et cette carence en matière d'information des députés serait une autre cause du retrait du projet pour la discussion. La nouvelle procédure imposée par la Constitution s'est également préparée au pire des cas. Si, à la fin de l'année budgétaire, la loi de finances n'est pas votée «ou n'est pas promulguée, en raison de sa soumission à la Cour constitutionnelle», c'est toujours le gouvernement qui sera concerné par la gestion des affaires courantes. Mission accomplie pour Mezouar ? Mezouar a relevé le défi de boucler son projet de loi de finances 2012 dans un délai record et il l'a fait. C'est au moment où le parlement allait appuyer sur le bouton play que Abass El Fassi décide de faire marche arrière pour des raison de calendrier, avance-t-on. Pourtant le ministre des finances avait bien prévenu contre ce chenvauchement Budget-Elections d'ici au 25 novembre prochain. Sur le coup, il avait été accusé de tenter un coup politique. Aujourd'hui, Mezouar peut afficher son sourire des beaux jours, lui au moins il a accompli sa mission ou du moins sa part du contrat. D'ailleurs, en marge de la décisions du report, le ministre des finances a déclaré que «la balle est aujourd'hui dans le camp du conseil du gouvernement», soulignant le caractère éthique de l'adoption d'une loi de finance par un gouvernement en fin de mandat. Mais on n'est pas encore sortis de l'auberge, car nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux calculs politiciens et de nouvelles surprises.