Malgré la forte mobilisation affichée par les 4 centrales, l'élargissement de la grève au secteur privé reste la grande équation à résoudre pour les syndicats contestataires. Ceux-ci tablent sur une grève générale qui aura l'allure d'un mouvement de désobéissance civile. À une journée de la grève nationale au sein du public et du privé, les 4 centrales annoncent leur forte mobilisation en vue de changer les décisions du gouvernement. Le chef de file du mouvement de désœuvrement collectif, en l'occurrence l'UMT, a lancé un appel aux «agriculteurs, artisans, commerçants et chauffeurs des taxis» ainsi que les autres professions libérales à cesser leurs activités tout au long de la journée du 24 février. «La grève n'a pas été décidée uniquement pour défendre la classe ouvrière, mais elle concerne toutes les couches sociales qui ont assisté à la détérioration progressive de leur pouvoir d'achat à cause des politiques impopulaires du gouvernement», indique le dernier appel de l'UMT émis hier à Casablanca. Les revendications citées par le plus important syndicat du pays portent cette fois-ci sur des demandes à vocation sociale, sans distinction entre les salariés du public et du privé. Pour sa part, et en plus du soutien demandé aux jeunes et aux femmes, l'UGTM a publié une lettre adressée par la Confédération syndicale internationale (CSI) au chef de gouvernement, et dans laquelle elle «exprime sa vive préoccupation devant cette situation de crise et les risques de blocage de l'économie marocaine si les organisations syndicales observaient la grève générale le 24 février». Le soutien de la CSI au mouvement de grève ne l'a pas empêché de lancer un appel au gouvernement en vue d'ouvrir «sans délai des négociations franches et responsables avec les organisations syndicales afin de trouver les solutions idoines pouvant ramener la paix sociale», selon l'avis de la confédération internationale. La mobilisation reste aussi le maître-mot pour la CDT et la FDT qui ont mené une importante campagne d'incitation à rallier les rangs des grévistes depuis l'annonce de la grève le 10 février. L'UNTM et le gouvernement dans le même camp Seule l'attitude de l'UNTM semble refroidir la ferveur syndicale à une journée de la grève nationale. Le bras syndical du PJD a préféré, durant cette étape, mettre dos à dos tous les partenaires sociaux «qui sont solidairement responsables de l'échec du dialogue social», selon un membre du secrétariat général de l'UNTM qui ajoute que «le dialogue social est en train de subir l'impact des enjeux politiques des élections du 7 octobre prochain». La même tendance à l'apaisement a été adoptée par le porte-parole du gouvernement lors du dernier Conseil de gouvernement, appelant les syndicats à retourner à la table des négociations, sans pour autant parler d'une nouvelle invitation qui a été adressée par le chef de l'Exécutif. Malgré la forte mobilisation affichée par les 4 centrales, l'élargissement de la grève au secteur privé reste la grande équation à résoudre pour les syndicats contestataires, ces derniers tablant sur une grève générale qui aura l'allure d'un mouvement de désobéissance civile. L'appel lancé aux travailleurs dans les secteurs du transport et de l'agriculture vise en effet à doter le mouvement décrété d'une force de dissuasion apte à acculer le gouvernement à faire marche arrière en ce qui concerne les nouvelles lois sur la réforme des retraites. Sur ce point précisément, les 4 centrales ont demandé le retrait des 6 projets déposés au sein de la Chambre des conseillers et dont l'examen a été reporté deux fois suite au soutien exprimé par le PAM et l'Istiqlal à la demande d'ajournement formulée par les groupes parlementaires des syndicats. L'agenda des syndicats après la grève retient essentiellement la poursuite de «la résistance au projet de réforme des retraites tel qu'il a été présenté aux partenaires sociaux et qui jette la responsabilité de la faillite de la CMR sur le dos des fonctionnaires», selon la vision des 4 syndicats qui comptent mener des actions conjointes d'ici la prochaine rentrée parlementaire en vue de décrédibiliser les pistes de réformes étalées par Benkirane devant l'instance législative en janvier dernier. Communication spéciale C'est probablement une première dans l'historique des préparatifs menés par les syndicats avant les grèves générales. Les appels ont été diffusés sur les colonnes de plusieurs supports, qui ne sont pas nécessairement partisans. Les appels, qui ciblaient l'ensemble des citoyens, ne contenaient pas des revendications d'ordre qualitatif, mais les messages accusaient le gouvernement d'être seul responsable de la détérioration du climat social, et surtout de vouloir adopter une réforme aussi cruciale des retraites «de manière unilatérale et sans concertation avec les représentants des salariés». Le discours syndical a été également imprégné par la confusion entre le public et le privé. L'élargissement de la grève pose en effet de sérieuses questions sur la part de responsabilité des employeurs dans le bras de fer entre le gouvernement et le syndicats qui a éclaté autour d'une question qui intéresse exclusivement les fonctionnaires, du moins jusqu'en 2028.