L'absence d'un pavillon national dans le transport maritime sape les ambitions africaines du Maroc. Les exportateurs du royaume sont à la merci des grands armateurs internationaux et font face à des allongements considérables des délais de livraison de leurs produits à destination du continent. Explications. La disparition de la flotte nationale continue de coûter cher à l'économie marocaine. Non seulement le pays engloutit plus de 22 MMDH chaque année auprès des armateurs internationaux pour le transport maritime, mais les exportateurs nationaux souffrent aussi, depuis 2013, de l'absence de navires battant pavillon marocain. La situation est telle qu'elle risque de constituer un véritable frein aux échanges entre le Maroc et les pays d'Afrique subsaharienne et, plus globalement, à la stratégie africaine du royaume. Long détour Tenez-vous bien: un exportateur marocain désireux d'expédier une cargaison à destination d'Abidjan par exemple, ne peut que se résigner face au long trajet que sa marchandise doit suivre. De Casablanca, le chargement est soit acheminé jusqu'à Tanger Med avant de redescendre vers les côtes africaines, soit il est remonté jusqu'en Europe du Sud, voire même vers les lointains ports de Rotterdam et d'Hambourg, avant de reprendre la direction de l'Afrique. Conséquence, une perte de temps énorme, un rallongement considérable des délais d'acheminement, en plus du renchérissement des coûts de la logistique. Avec ce gros détour, l'Afrique subsaharienne n'est plus à trois jours de mer, mais plutôt à des semaines de trajet. Schémas logistiques Cette situation s'explique en grande partie par l'absence de bateaux marocains opérant exclusivement sur l'axe Maroc-Afrique (hormis une seule compagnie maroco-nigériane). Autre raison, les grands armateurs internationaux que sont Maersk, MSC, CMA-CGM ou encore Grimaldi ne considèrent pas encore le Maroc comme un «hub» maritime à destination du continent. Malgré les résultats encourageants affichés par le port de transbordement Tanger Med, la plupart de ces compagnies de transport maritime préfèrent jeter l'ancre à partir de plateformes européennes, comme le port fluvial d'Angers, en France. «Tanger Med est parfois boycotté par certains armateurs du fait des alliances qui existent entre eux. CMA-CGM, qui est allié aux Chinois, ne privilégie pas ce port où opère APM Terminals, filiale de son concurrent Maersk», explique le professeur Najib Cherfaoui, expert maritime (voir interview). Cette réalité fait dire à El Mostafa Fakhir, du Comité central des armateurs marocains (CCAM) que «les exportateurs marocains sont victimes des schémas logistiques des armateurs étrangers». Et la stratégie maritime ? Dans ce contexte, la relance du pavillon national apparaît comme la solution la plus logique pour mettre fin à cette coûteuse dépendance. Hélas, sur ce point, les choses traînent depuis des années. Le ministère de l'Equipement, du transport et de la logistique, qui planche sur une stratégie maritime, tarde à apporter une réponse définitive. Lors d'une récente interview aux ECO, Aziz Rabbah assurait que la stratégie est fin prête et que ses grandes lignes seront bientôt présentées. Aziz Rabbah, ministre de l'Equipement, du transport et de la logistique. La stratégie maritime est bouclée. Nous allons organiser incessamment un grand séminaire de restitution. El Mostafa Fakhir, du Comité central des armateurs marocains (CCAM). Les exportateurs marocains sont victimes des schémas logistiques des armateurs étrangers. Abdelaziz Mantrach, président de la Commission logistique de l'ASMEX. Pour que les armateurs fassent de Casablanca un hub maritime, il faudrait atteindre un volume important de produits à exporter, ce qui n'est pas encore le cas. Rien de concret pour le navire de l'ASMEX «La création d'une compagnie marocaine est toujours d'actualité, mais il n'y a rien de concret pour le moment». Tel est le point sur la situation fait par le président de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX), concernant le projet de lancement d'une nouvelle compagnie maritime nationale. Contacté par «Les Inspirations Eco», Hassan Sentissi reconnaît que ce projet ne peut pas se concrétiser «du jour au lendemain». Alors que les opérateurs plaident pour une garantie financière de l'Etat, les banques semblent avoir peur de se lancer dans ce secteur très capitalistique qui «leur» a déjà englouti des montants considérables. Il faut se rappeler à l'époque qu'une soixantaine de navires avaient été financés par les banques de la place avant que tous finissent par couler avec le pavillon national.