Ports. De Tanger au Cap, la façade atlantique du continent voit pousser comme des champignons de nouvelles plateformes portuaires, là où d'autres sont en plein développement et se modernisent. Avec des vocations stratégiques parfois égales, cette transformation fulgurante de l'offre portuaire continentale mérite de s'y arrêter. Quels sont ces ports qui font la renommée du continent et feront les beaux jours du commerce continental ? Quels sont les projets qui y sont menés et dans quelles ambitions de positionnement s'inscrivent-ils ? Cartographie d'un véritable bond en avant... Si les acquis actuels sont encore loin de satisfaire le potentiel présent et à venir du commerce intrafricain, le transport maritime semble avoir de beaux jours devant lui sur le continent. Le fait est que du Nord au Sud, sur quasiment toutes les plus grandes plateformes portuaires africaines – en l'occurrence sur la façade atlantique – de réelles dynamiques de développement de modernisation et d'extension sont en cours. Le complexe portuaire de Tanger Med est l'une des meilleures illustrations de cette donne. Avec ses avancées, le port marocain est bien parti pour assumer le rôle que lui confère son positionnement géographique : une des portes du commerce mondial vers l'intérieur du continent. C'est en tout cas ce que nous font comprendre les responsables de l'Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). «Tanger Med base sa stratégie de développement en tant que plateforme de correspondance qui draine des flux de conteneurs depuis l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord vers l'Afrique de l'Ouest», nous explique Jamal Mikou, membre du directoire de TMSA, en charge de la communication. «Tanger Med se positionne également comme un hub intermédiaire de transbordement entre les grands ports d'Asie et d'Amérique du Nord pour desservir les ports africains, n'ayant pas tous des profondeurs suffisantes pour drainer les grandes lignes et les grands navires», poursuit le responsable. Selon les autorités du complexe, l'ambition est donc claire : renforcer la compétitivité nationale et régionale comme hub de référence, via des actions tendant à améliorer l'attractivité des lignes maritimes par un traitement efficient des marchandises en transit. Quant au rôle que pourrait jouer la plateforme dans la promotion du commerce intrafricain, les responsables du complexe comptent bien le jouer à fond. «Tanger Med a permis de hisser le Maroc au 17e rang mondial en termes de connectivité maritime, selon les chiffres les plus récents de la CNUCED. Ce positionnement contribue au renforcement de la connectivité maritime entre les pays africains (Afrique de l'Ouest / Maghreb) au profit du développement du commerce intrafricain», expliquent-ils. Ces derniers penchent également pour la complémentarité, dans leurs interactions stratégiques avec les autres grandes plateformes portuaires du continent.Les ports de Dakar, d'Abidjan et de Douala, se trouvant à plusieurs jours de navigation par rapport aux grands axes maritimes passant par le détroit de Gibraltar, «ne peuvent être que complémentaires au port de Tanger Med, dont la situation géographique permet zéro déviation sur les flux venant de l'Est et du Nord». Pour le management de TMSA, c'est la concrétisation réelle d'un développement sud-sud. Aujourd'hui, il faut savoir que le complexe assure 21 services hebdomadaires vers les différents ports du continent. Port Autonome de Dakar...à la Grand'voile ! Un peu plus au sud, en longeant le littoral atlantique ouest, les vagues de la réforme ont également touché le rivage dakarois. Le port autonome de Dakar se refait une santé sous l'impulsion des nouvelles autorités du complexe. Jouissant déjà d'une parfaite localisation géographique – à la pointe extrême du continent – les autorités de PAD ambitionnent d'en faire un «check-point» de taille sur les autoroutes de la mer, aussi bien pour les trafics provenant du nord vers les destinations du sud, que pour les lignes en partance ou à destination du continent américain. «Dakar est le troisième port d'Afrique de l'Ouest après Abidjan et Lagos et joue un rôle régional important, notamment pour le Mali», comme le décrivent si bien les experts de Proparco, la branche financière de l'Agence française de développement (AFD). L'organisme fait en effet partie des bailleurs de fonds qui accompagnent la dynamique de développement du PAD. Celui-ci a d'ailleurs récemment bénéficié d'un prêt direct de plus de 16 millions d'euros à Dubaï Port World Dakar (DPW Dakar), l'opérateur concessionnaire du terminal de conteneurs du port dakarois depuis 2008, filiale du groupe dubaiote DPW FZE. Ce fond devrait servir au financement de la réhabilitation et de I'exploitation du terminal à conteneurs de la zone nord du port de Dakar. Objectif : «développer les capacités de trafic et de stockage de conteneurs pour l'import/export, mais également renforcer l'activité de transbordement». Par ailleurs, plusieurs autres projets d'infrastructures sont actuellement en cours au niveau du PAD. «Nous venons de boucler un plan de développement intitulé «Port 2010», au cours duquel six projets majeurs ont été lancés. Ces projets visent globalement à étendre les capacités du terminal à conteneurs du port», nous explique-t-on auprès de la direction générale du PAD. Les infrastructures de manutention ont également été remises à niveau. Le PAD ambitionne par ailleurs de jouer un rôle clé dans la mise en place de la ligne maritime Tanger-Casablanca-Nouadhibou-Saint-Louis-Dakar. Port Autonome d'Abidjan, repêcher les ambitions Au moment où Dakar vogue tranquillement sur ses performances, le port autonome d'Abidjan (PAA) ressort des abysses de la crise politique qui a secoué le pays en 2011 et porté un coup dur à son attractivité. Ces difficultés conjoncturelles sont aujourd'hui désormais dépassées et l'activité économique repart en Côte d'Ivoire, drainant avec elle, les activités du port autonome d'Abidjan (PAA). Ici, les objectifs des responsables sont clairs : reprendre la place de leader dans la région ouest-africaine, aussi bien en termes de volumes de marchandises en transit qu'en trafic. Le PAA planche en effet aurjoud'hui sur plusieurs projets de développement. L'un des plus importants actuellement en cours, porte sur la construction, la concession et l'exploitation du deuxième terminal à conteneurs (TC2) du complexe portuaire, pour un investissement global de plus de 400 millions d'euros. Le processus d'appel d'offres est déjà lancé depuis novembre dernier et les offres se bousculent aux portiques. Plusieurs géants mondiaux des opérations portuaires ont en effet manifesté leur intérêt regroupés en trois consortia. Parmi ces derniers, figure celui mené par le français CMA CGM, troisième armateur mondial de porte-conteneurs, composé du philippin ICTSI et des autres français Nécotrans et Movis (filiale de Geodis). D'autres opérateurs du secteur de la gestion portuaire sont également en lice. Il s'agit notamment de l'italien MSC, des français Bolloré Africa Logistics et de Bouygues, un grand habitué des ports africains, ou encore du danois Maersk. Parallèlement, les autorités du PAA s'emploient à une véritable mise à niveau infrastructurelle de la plateforme et se donnent les moyens de leurs ambitions. En milieu de semaine dernière, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) annonçait avoir octroyé un prêt d'un peu plus de 36,5 millions d'euros. Cette enveloppe devrait servir au financement partiel du projet de remblaiement de la baie de Vridi-Bietry, d'élargissement et d'approfondissement du canal de Vridi. Du côté des performances, Abidjan est décidé à redresser la barre, après une année 2011 très difficile, clôturée par un volume de trafic maritime en chute de 26%, par rapport à 2010, soit un total de 16,6 millions de tonnes. Port de Douala, «l'outsider» qui peine à sortir la tête de l'eau C'est aussi l'une des plateformes portuaires les mieux placées du continent, offrant une porte d'entrée maritime à certaines économies enclavées d'Afrique centrale et de l'Ouest. Ce positionnement stratégique lui a valu le rôle de leader dans la région du CEMAC. Le port autonome de Douala (PAD) est caractérisé par une capacité annuelle de trafic de 7 millions de tonnes de marchandises en moyenne et dispose de 26 points d'accostage sur 5,5 km de longueur, capables d'accueillir des navires porte-conteneurs et pétroliers de grande envergure. Ce port s'étend sur une superficie de plus de 400 hectares, répartis en sept principaux terminaux spécialisés. Il est desservi par voies ferrées et routières, qui le relient à l'intérieur du pays, ainsi que de la région centrale du continent. Si à Tanger, Dakar et Abidjan, c'est la course aux infrastructures et aux extensions, à Douala, par contre, l'optimisation des opérations à quai et l'amélioration globale de la compétitivité du port sont au centre des enjeux. Le terminal à conteneurs du port, sur une longueur de quai de 600 mètres, est concédé depuis 2005 à Bolloré Africa Logistics. L'opérateur a grandement contribué à moderniser les infrastructures du site, à augmenter les zones d'entreposage, ainsi qu'en termes de mise à niveau des équipements. Résultats : l'opérateur français se targue aujourd'hui d'avoir contribué à booster la performance du port. Le nombre de conteneurs traités au terminal de Douala a en effet augmenté de plus de 60% entre 2005 et 2012.