Délais de paiement. Le débat sur la loi 32-10 relative aux délais de paiement a passé en revue tous les aspects de la problématique. Mais en attendant une clarification de la loi, les PME sont tenues de gérer leurs créances comme elles peuvent. Aucune visibilité sur la fin du vide juridique. Le débat relatif aux délais de paiement a certes, permis d'aborder tous les aspects de la problématique, hormis une question essentielle, les modalités de gestion des créances par les PME. En attendant la révision des termes de la loi 32-10 relative aux délais de paiement, la PME continue de gérer, comme elle peut, ses commandes et sa trésorerie, de façon à éviter le pire. Selon Abdelhaï Lazrak, co-gérant de Maroc créances, «les entreprises commettent aujourd'hui des erreurs dans l'agencement même de leurs activités. Pour étoffer son portefeuille, une entreprise octroie un maximum de facilités à ses clients auxquels elle ne peut, par la suite, appliquer des intérêts de retard par souci de fidélisation». Pire encore, ces intérêts de retard sont généralement appliqués aux PME alors que les grands groupes en sont épargnés, compte tenu de leur pouvoir de négociation. Ce qui rend encore plus complexe la question du recouvrement. L'idée directrice de cette réflexion repose finalement sur la nécessité de mettre en place un système de prévoyance qui permet à la PME d'assurer un bon niveau de créances. Mais cette mesure de précaution peut être difficile à adopter dans une conjoncture économique tendue où les patrons de PME doivent faire face à une baisse des commandes en cherchant, à tout prix, à fidéliser le client via des facilités de paiement. Pour mettre un terme aux abus dans les relations commerciales et gagner l'adhésion des opérateurs, le législateur devra prendre en compte l'ensemble de ces données. Une loi «inapplicable» Les professionnels du secteur sont unanimes, la loi relative aux délais de paiement, dans sa mouture actuelle, est difficilement applicable sur le terrain. Et pour cause, certaines réalités évoquées plus haut n'ont pas été prises en compte lors de la rédaction de ce texte. C'est à juste titre ce que nous explique Abdelhaï Lazrak qui met l'accent sur «le taux d'intérêt de retard fixé à 10%». Une sanction jugée trop lourde pour certaines entreprises qui n'auraient aujourd'hui pas d'autre choix que de contenir ces dispositions. «La loi est en effet un peu brutale, ce qui sans doute explique la marche arrière des professionnels et du patronat». La dégradation de la conjoncture aura sans doute peser dans la prise de décision de la CGEM qui, à travers son mémorandum adressé au ministère de l'Economie et des finances, invite le gouvernement à prendre de nouvelles mesures. Pour Saad Hammoumi, président de la Commission PME à la CGEM : «La nécessité de la création d'un observatoire des délais de paiement réglerait ce décalage entre les dispositions réglementaires et la réalité du terrain, ce qui permettrait de créer des synergies entre le public et le privé, pour résoudre les questions épineuses». L'un des aspects les plus critiqués a trait au recouvrement des créances de l'Etat qui se positionne souvent comme un «mauvais payeur». Certaines entreprises qui témoignent sous couvert d'anonymat, confient le montant de leurs services impayés à l'Etat qui s'élève dans certains cas à plus de 50 MDH. Les explications de Abdelhaï Lazrak font état d'un réel malaise des PME qui «ont du mal à réclamer leur dû auprès d'organismes publics qui s'acquittent rarement des intérêts de retard». Dans cette configuration, le constat est sans appel, le tissu entrepreneurial se trouve aujourd'hui entre le marteau et l'enclume. Le marteau de la conjoncture économique difficile et l'enclume de la défaillance de certains clients «mauvais payeurs». Les PME au bord du gouffre La situation actuelle des entreprises est jugée critique. Les témoignages de patrons de PME confirment la persistance de leurs difficultés financières liées à des problèmes de recouvrement, qu'ils soient créanciers ou débiteurs. Ajouter à cela, une situation économique peu reluisante aggravée par des coupes budgétaires qui ont pour effet de réduire le champ de visibilité des investisseurs. Comment l'Etat peut-il donc limiter les dégâts en préservant la viabilité d'un tissu économique fragile ? Pour la CGEM, des mesures d'accompagnement serait «inévitables». Reste à évaluer la marge de manoeuvre actuelle du gouvernement, compte tenu de l'état des finances publiques.