Zineb Andress Arraki Photographe Une artiste casablancaise à fleur de peau s'exprime sur sa ville natale par le biais de ce qu'elle sait faire le mieux : la photographie. Artiste parrainée par Cultures Interface, Zineb Andress Arraki expose à la Galerie Shart jusqu'au 9 novembre son travail intitulé «Casablanca- CH2O». Les ECO : Pourquoi une exposition sur Casablanca et pourquoi CH2O? Zineb Andress Arraki : D'abord parce que c'est ma ville, ensuite parce que déformation professionnelle oblige, j'assiste à sa mort depuis que je suis rentrée au Maroc il y a deux ans et que je voulais en témoigner. Dans mon imaginaire, Casablanca a toujours été synonyme d'avant-garde, d'un territoire de possibles, capable de se poser des questions face a son contexte et de produire des architectures de qualité, spécifiques et particulières qui ont produit du sens, du lien social, de la poésie, de la vie, des désirs et du rêve. Aujourd'hui, Casablanca n'est plus, elle s'asphyxie dans le CH2O, cette molécule de méthanal, capable de tout faire brûler, de tout assécher, tuer ou embaumer. Elle stagne et régresse. Cette exposition est un arrêt en image sur la situation actuelle, mais je pense et je montre qu'il existe dans Casablanca, une esthétique qui lui est spécifique et qui mériterait d'être regardée et analysée avec acuité, parce que je suis sûre qu'elle est porteuse de ce qui pourrait être notre futur, celui qui nous appartiendrait à nous, Casablancais et Marocains et qui nous permettra de nous positionner dans un monde en mutation qui tend vers une uniformisation alarmante. Comment avez-vous travaillé pour faire naître ce projet ? C'est venu naturellement lorsque Hassan Sefrioui et Nawal Slaoui m'ont annoncé qu'il voulait me faire ma première exposition. Il me semblait évident de travailler sur Casablanca, j'y suis immergée, je la côtoie tous les jours en long et en large, je l'aime et je la déteste, elle m'inspire, me révulse, me surprend et m'attriste ... Comment définissez-vous votre travail en général ? Qu'est ce qui vous inspire ? L'observation du monde qui m'entoure m'inspire, les gens, les rencontres, les lieux, les saisons, les aléas de la vie ... Je pense que mon travail est dans la continuité de mon diplôme d'architecture. Ce mémoire, «Et si le noir fabriquait l'architecture?», définit le cadre dans lequel j'essaie d'exercer la profession d'architecte et d'artiste. Il s'agit d'une réflexion sur la rencontre entre la nature et le social, elle implique que l'architecture reconnaisse l'altérité et qu'elle se fabrique par sa matière onirique. Comment êtes vous passée de l'architecture à la photo ? Le passage s'est-il fait naturellement ? Je ne suis pas passée de l'architecture à la photographie. La photographie est un outil pour mon travail d'architecte, au même titre qu'un crayon. D'ailleurs pour mon diplôme de fin d'études d'architecture, le rendu était essentiellement composé de photographies. Racontez-nous votre démarche de poster quotidiennement 3 photos sur les réseaux sociaux... Après mon diplôme, j'ai tout de suite travaillé chez Odile Decq & Benoît Cornette, architectes urbanistes. Le rythme était extrêmement soutenu et j'avais besoin de trouver un terrain pour m'exprimer, sachant que je venais de sortir d'une année de recherche pour mon diplôme. Les seuls moments dont je disposais réellement étaient la promenade me menant de chez moi à l'agence, et vice versa. J'ai donc decidé d'utiliser mon téléphone portable pour regarder la ville et poster trois photos prises dans des lieux différents, qui toutes les trois assemblées raconteraient une histoire cohérente. C'est la naissance de mobilogy- questioning the usual, démarche issue d'une de mes lectures favorite, L'infra-ordinaire de G.Perec . Comment s'est faite la rencontre avec Culture Interface et que vous apporte cette collaboration ? La rencontre avec Nawal Slaoui, s'est faite grâce à Saïd Lahlou qui est, je crois, le premier à avoir cru en mes mobilogies (d'ailleurs je l'en remercie). La première fois que j'ai rencontré Nawal, je devais lui présenter mon travail. Je me suis prise au jeu, je lui avais preparé un pdf, le courant est bien passé, et depuis on collabore ensemble, ça fait maintenant deux ans ! Vos projets... J'aimerais construire L'magana de Guéliz, bien sûr et continuer à enseigner à l'école d'architecture de Casablanca, sinon j'ai installé mon bureau chez mon amie architecte Sophia Sebti, 212 conception, avec laquelle je vais collaborer sur des concours d'architecture en trio, avec Chakib Jaïdi, en espérant construire au final !