En quelques mois, il a suffi d'un virus pour ébranler toute l'intégration régionale que la région ouest africaine a mis à construire des décennies durant : fermetures de frontières, limitation des déplacements des biens et des personnes, et contrôles sanitaires renforcés aux peu de postes frontières encore ouverts. L'épidémie tendrait-elle vers une crise économique ? Avec le Sénégal qui vient d'enregistrer officiellement son premier cas du virus Ebola, ils sont aujourd'hui un total de six économies touchées par l'épidémie en Afrique de l'Ouest. Si aucune donnée exhaustive sur l'impact économique de l'épidémie n'est encore disponible, organismes internationaux et agences de notation sortent déjà les calculettes. Ces pays partagent des frontières et entretiennent d'importantes relations de commerce et d'échange, aujourd'hui fortement perturbées. La semaine dernière, le FMI soulevait déjà ses craintes sur d'éventuelles retombées socio-économiques de la propagation rapide du virus Ebola dans la région ouest africaine. L'institution financière internationale parlait déjà de la perte de quelques points de croissance pour le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, les premiers pays frappés par la maladie. L'organisme appréhende ainsi d'importants besoins en financement pour ces trois économies. En Guinée, en l'occurrence, une mission du FMI, menée en juin dernier, a déjà permis de remarquer l'impact du fléau sanitaire sur la dynamique économique de ce pays, parmi les plus pauvres du continent. «Les données préliminaires suggèrent que l'activité économique a été faible durant les cinq premiers mois de l'année 2014. Cela reflète l'impact de l'épidémie d'Ebola, mais aussi des déficits persistants de la production d'électricité, et des lenteurs enregistrées dans la mise en œuvre des réformes structurelles», expliquait-t-on dans le communiqué de la fin de la mission des experts du FMI. Ces derniers considèrent que «l'apparition de l'épidémie d'Ebola, au début de l'année 2014, constitue un problème supplémentaire à court terme» auquel l'économie guinéenne devra faire face, comme si les troubles politiques ne suffisaient pas. Fuite des investissements La Banque africaine de développement (BAD) a également apporté ses chiffres pour exprimer l'impact économique de cette maladie dans les pays touchés. L'institution panafricaine vient d'estimer que le virus «pourrait coûter entre 1 et 1,5 point de PIB au Liberia, à la Sierra Leone et à la Guinée, trois pays déjà touchés, ainsi qu'à la Côte d'Ivoire», qui devrait surtout subir des effets non désirables des mesures de protection des frontières prises pas ses voisins. La banque met l'accent sur le fait que l'ensemble de ces économies viennent à peine de se relever de plusieurs crises politiques marquées par des récessions économiques. Les responsables de la BAD brandissent aussi d'autres conséquences immatérielles de cette situation, comme l'impact sur l'image du continent, la fuite des investissements ainsi que l'altération de la perception des investisseurs sur l'Afrique. Ces idées risqueraient en effet de ternir toute l'image émergente et dynamique que le continent est en train de se faire aux yeux du monde. Standard & Poor's optimiste Certaines agences de notation ne se sont pas fait prier pour apporter leur lecture de la situation qui prévaut en Afrique de l'Ouest. Chez Standard & Poor's, l'impact de la situation sanitaire sur les économies de la région est réel mais encore très peu perceptible. Selon cette agence, la prévalence du virus Ebola ne devrait effectivement pas avoir d'effets négatifs sur les notations des pays touchés. S&P joue ainsi la grande prudence quant à ses appréciations, préférant observer l'évolution de la maladie sur le court et moyen termes.