Les adultes financièrement exclus sont majoritairement des femmes, des personnes à très faibles revenus et ceux vivant dans les zones rurales. Néanmoins, l'enquête fait ressortir que les personnes inclues comme celles exclues du système financier ont la même connaissance des produits et services financiers. Stimuler la capacité financière est devenu un objectif majeur des politiques d'inclusion financière. C'est ainsi que dans le sillage des actions engagées par Bank Al-Maghrib pour la promotion de l'inclusion financière, une enquête de perception des services financiers a été menée, au cours du dernier trimestre 2013, auprès des ménages, en partenariat avec la Banque mondiale. Les résultats de cette enquête ont été présentés au gotha de la finance, vendredi 28 novembre à Rabat, par Siegfried Zottel, économiste de la Banque mondiale. Cette étude, la première du genre tant au Maroc que dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), permettra de compléter les données collectées à travers les indicateurs déjà mis en place, qui mesurent l'accès de la population aux services financiers et leur degré d'usage, par des informations relatives à la demande, dans le but de rendre les interventions des parties prenantes plus efficaces. Elle a été conduite auprès d'un échantillon de 3.000 adultes représentatifs de la population active marocaine, sélectionnés selon les normes en la matière. Le questionnaire sur la capacité financière adopté dans le cadre de cette enquête est celui utilisé au niveau des pays à revenu faible et moyen. À la demande de Bank Al-Maghrib, des questions spécifiques liées notamment à l'utilisation de produits financiers conformes à la Charia et la sensibilisation par rapport à l'assurance-dépôts, y ont été intégrées. L'enquête a été menée par l'entreprise canadienne «Etude économique conseil Canada» en utilisant un système d'interviews sur place assistées par ordinateur. Le taux de non-réponse est inférieur à 15% des ménages ciblés. De fortes disparités Ainsi, les principales conclusions de l'étude révèlent qu'environ 41% des adultes marocains utilisent un produit ou un service financier formel, soit à un niveau bien au-dessus de la moyenne observée dans les pays de la zone MENA (18%) et dans ceux à revenu moyen inférieur (28%). Les adultes financièrement exclus sont majoritairement des femmes, des personnes à très faibles revenus et ceux vivant dans les zones rurales. En outre, le niveau de connaissance des ménages des concepts financiers de base constitue un véritable défi au Maroc, à l'instar de nombreux pays, et ce, pour les différentes tranches de revenus. Toutefois, les Marocains surpassent plusieurs autres pays concernant le choix des produits financiers qui leur conviennent et ont tendance à être plus clairvoyants, mais ils sont parmi les moins doués en matière de gestion quotidienne de leurs finances, de planification des dépenses (y compris celles imprévues) et de préparation de la retraite. Par ailleurs, les personnes disposant d'informations sur le secteur financier sont plus à même de choisir les produits financiers qui leur sont appropriés que ceux ayant moins d'informations. L'enquête fait néanmoins ressortir que les personnes inclues comme celles exclues du système financier ont la même connaissance des produits et services financiers. Bien que les produits bancaires soient les produits financiers les plus usités, il ressort de l'enquête que ces derniers répondraient moins aux attentes de la clientèle que ceux des autres institutions financières. De son côté, l'assurance est relativement connue au Maroc (24%) en raison principalement des assurances obligatoires. La grande majorité des détenteurs d'assurance (plus de 90%) déclarent utiliser une forme d'assurance obligatoire. 2% de la population adulte déclare souscrire à d'autres types d'assurance (assurance santé ou assurance-vie). Aussi, 18% de l'échantillon affirment utiliser un produit financier conforme à la Charia (la murabaha étant le produit le plus souvent cité). Les doutes quant à l'authenticité de ces produits ne semblent pas être un obstacle majeur à leur utilisation avec seulement 10% des non-utilisateurs citant cette raison. Les institutions de microfinance (IMF) touchent, pour leur part, près de 5% de la population adulte. Néanmoins, 68% des sondés déclarent être familiers avec les services offerts par ces établissements. Seulement 1% des adultes ayant un prêt en cours auprès d'une IMF dispose également d'un crédit auprès d'une banque, et seulement 8% de ces adultes ont un compte d'épargne ou de dépôt auprès d'une banque. Les recommandations de la Banque mondiale Ces constats n'ont pas manqué de faire réagir la Banque mondiale qui a formulé quelques recommandations qui contribueraient à remédier à la situation. Cette dernière recommande de renforcer la protection des droits des créanciers, notamment en matière de recours, et améliorer l'environnement de l'information pour soutenir l'inclusion financière durable. De leur côté, les interventions directes de l'Etat sur le crédit sont généralement infructueuses. «L'expérience a montré que la subvention des crédits peut conduire au surendettement et à l'instabilité financière», a souligné à ce propos Siegfried Zottel. Ceci doit être pris en considération au vu de la nouvelle stratégie nationale pour la micro-finance qui vise à atteindre 3,2 millions de clients d'ici 2020. L'économiste de la Banque mondiale recommande également de continuer à encourager la concurrence entre les prestataires de services financiers et la levée des barrières à l'entrée pour les nouveaux types d'institutions financières, de façon à stimuler le développement de nouveaux produits financiers innovants et réduire leur coût. Egalement, il est nécessaire d'évaluer l'impact des mesures adoptées par BAM pour la promotion de l'inclusion financière, notamment l'introduction de la gratuité de certains services financiers de base et l'ouverture de comptes de dépôts à vue sans versement initial. Ces mesures doivent être accompagnées de campagnes de sensibilisation du public. Il est aussi important de promouvoir le développement de produits financiers davantage adaptés aux populations à bas revenus. L'assurance étant un instrument approprié pour lisser les fluctuations des revenus saisonniers d'une fraction importante de la population rurale, il serait opportun d'étudier le développement de produits de micro-assurance. De même, l'expert a insisté sur la définition d'une stratégie d'éducation financière identifiant clairement les priorités en matière de renforcement de la capacité financière et impliquant les différentes parties prenantes (entités publiques, privées et à but non lucratif). Dan ce contexte, recourir à des campagnes médiatiques en vue de fournir des informations sur les concepts financiers de base et les caractéristiques clés des produits financiers est plus que souhaitable. À cet égard, l'audiovisuel serait un moyen efficace pour atteindre les populations éloignées. «L'utilisation de feuilletons télévisés populaires, films, vidéos ou émissions de radio peuvent être très efficaces, non seulement dans l'amélioration des connaissances, mais aussi dans le développement des comportements financiers», recommande le même expert. Les publications écrites, y compris les dépliants, les brochures et les affiches, outre les articles de journaux et de magazine, peuvent également se révéler utiles. Les bandes dessinées sont particulièrement efficaces dans plusieurs pays comme le Kenya, l'Inde et l'Afrique du Sud, où les niveaux d'alphabétisation sont également faibles.