Les résultats du Doing Business 2015 ont prêté à confusion, induisant parlementaires et observateurs en erreur, suite à une comparaison entre deux indicateurs calculés différemment. Selon ce classement de la Banque mondiale, le climat marocain des affaires s'est effectivement amélioré d'une année à l'autre, mais moins vite que les autres pays. Avons-nous gagné 16 places ou en avons-nous perdu 3? Le tant attendu rapport Doing Business de la Banque mondiale vient de paraître dans son édition 2015, et ses résultats ont pour le moins induit bon nombre d'observateurs en erreur, à cause, encore une fois, d'une histoire de méthodologie. Une nouvelle preuve du fait que les statistiques, les palmarès et les classements n'ont de valeur que si la comparaison est opérée sur une même base et dans le même temps. Ils ne constituent, en définitive, qu'une photographie, partielle, prise à un instant donné. Néanmoins, coller les différents morceaux d'images successives suffit souvent à donner une idée crédible des tendances de fonds qui caractérisent les économies et les milieux d'affaires. Biais significatifs En chiffres, le Maroc est classé 71e dans le Doing Business 2015, en obtenant une note de 65,1/100, perdant ainsi 3 place comparé à sa position dans le classement 2014, où il occupait la 68e rang tel qu'ajusté par la nouvelle méthodologie adoptée par la Banque mondiale. Seulement, au moment de la publication du rapport 2014, le Maroc occupait la 87e position dans le même classement, mais selon l'ancienne méthodologie. De ce fait, affirmer que le Maroc a progressé de 16 places est définitivement faux, puisqu'ont été comparés deux résultats obtenus grâce à des modes de calcul différents. Cela équivaudrait à comparer les moyennes générales des élèves d'une même classe, avec des coefficients différents pour chaque matière. Il est donc clair que le Maroc a cédé 3 places entre 2013 (rapport 2014) et 2014 (rapport 2015) dans le même classement. Il n'empêche que, dans l'absolu, le royaume a entre-temps amélioré son climat des affaires. Malheureusement, comme «celui qui avance moins vite que les autres reculent», il régresse face aux autres économies, qui ont amélioré leurs indicateurs beaucoup plus vite que nous. Autre biais à prendre en compte, et susceptible d'influencer lourdement les résultats des enquêtes menées en préparation du classement: celui de la limitation géographique. En effet, seule la ville de Casablanca est prise en compte pour recueillir les données servant de base au calcul des indicateurs marocains. De ce fait, de grandes masses régionales sont exclues, à l'instar de celles de Tanger, Marrakech ou encore Rabat. Aussi bon que l'Autriche à l'export Ceci dit, il y a un domaine en particulier qui s'est nettement amélioré d'une année à l'autre: celui des procédures douanières. «Le Maroc a facilité le commerce transfrontalier en réduisant le nombre de documents d'exportation requis», relève le rapport 2015. «Il y a dix ans, un entrepreneur marocain devait attendre 17 jours pour exporter les marchandises de son pays, alors qu'aujourd'hui il lui faut seulement 10 jours, soit autant qu'en Autriche», illustrent les auteurs. Changement de méthodologie La Banque mondiale est évidement consciente de l'impact du changement méthodologique sur les résultats du Doing Business. L'institution précise la nature de ce changement, et souligne que «la différence de scores entre DB2015 (2014) et DB2014 (2013) n'est pas nécessairement similaire à l'amélioration reflétée». Voici sa précision: «Le rang DB2014 sur la facilité à faire des affaires est susceptible d'être diffèrent de celui publié dans le rapport Doing Business 2014. Le classement est ajusté de manière à prendre en compte les changements récents mis en place par Doing Business dans la détermination du classement, qui se fonde dorénavant sur l'index de la distance de la frontière, l'ajout de données relatives à une seconde ville pour les onze économies qui comptent plus de 100 millions d'habitants; les changements de méthodologie affectant chaque groupe d'indicateurs et toute modification de données découlant d'une correction. Le score de distance de la frontière reflète la distance séparant chaque économie de la «frontière» qui représente la meilleure performance réalisée, pour chaque indicateur Doing Business. La mesure est normalisée afin de s'étendre de 0 à 100, le 100 représentant alors la frontière. La différence de scores entre DB2015 (2014) et DB2014 (2013) n'est pas nécessairement similaire à l'amélioration reflétée, et ce à cause de la manière d'arrondir». Le pétard mouillé du député Bouanou Bien avant la publication officielle du Doing Business, le député PJD Abdellah Bouanou a annoncé au Parlement que le Maroc aurait gagné plus de 16 places dans le classement 2015. L'annonce faite par le député lors des travaux de la Commission des finances avec le ministre de l'Economie et des finances, a été par la suite reprise par plusieurs médias de la place. Selon le député, le gouvernement se préparait à en faire l'annonce la semaine prochaine. Seulement, à la lumière du classement publié par la Banque mondiale, la contradiction entre les déclarations de Bouanou et la place qu'occupe le Maroc est évidente à plusieurs niveaux. Il est vrai que le classement a subi quelques ajustements qui ont fait progresser les points du Maroc en 2014. Il reste à savoir comment l'Exécutif va interpréter et utiliser le classement 2015.