Novembre approchant à grands pas, le Maroc connaît une vague de chaleur hors norme. Ces conditions climatiques sont particulièrement défavorables à des cultures phares de l'agriculture marocaine. La campagne céréalière n'est pour le moment que retardée, alors qu'agrumiculteurs et oléiculteurs déplorent déjà d'importants dégâts en termes de rendements comme de qualité. La question ne fait plus débat. Le changement de climat est désormais ressenti, au quotidien, par la population mondiale, et les Marocains n'y échappent pas. À quelques jours du mois de novembre, le Maroc connaît une vague de chaleur hors norme. Hors des normes que nous connaissions du reste, puisque de nouvelles semblent s'installer inexorablement. Au-delà d'alimenter les discussions, cette vague de chaleur ne manque pas d'impacter la saison agricole et d'inquiéter les producteurs dont les cultures sont sensibles à cette forte hausse des températures. La campagne céréalière, la production oléicole comme l'agrumiculture sont impactées par cet épisode de chaleur, au moment où les températures sont habituellement plusieurs degrés plus basses. La campagne céréalière retardée En ce qui concerne les céréales, cet épisode météorologique a principalement pour effet de retarder le début de la campagne. Les agriculteurs repoussent leurs labours et leurs semis, en attendant que les conditions climatiques soient plus propices. De ce fait, le cycle de culture s'en retrouve raccourci, ce qui aura comme effet une baisse potentielle des rendements, et ainsi une baisse potentielle de la production nationale en céréales. «Pour le moment, il ne faut pas s'affoler. La situation n'est pas encore catastrophique et n'a pour l'instant qu'un effet limité sur la campagne céréalière», relativise un responsable au ministère de l'Agriculture. «Mais si cette chaleur persiste encore au mois de novembre et les précipitations restent absentes, la situation deviendra alors grave et la campagne sera sérieusement compromise», poursuit l'expert en évoquant la mi-novembre comme deadline avant laquelle des précipitations sauveraient la campagne céréalière. La qualité des agrumes compromise Pour les agrumes, la situation est plus tranchée, et déjà les effets néfastes de cette vague de chaleur se font sentir. Selon un grand producteur de la région du Souss, l'impact estimé sur la production d'agrumes dans la région «est de l'ordre de 30%». Rien que ça! Pire, ces températures anormalement élevées engendrent une sérieuse dégradation de la qualité du fruit. «Cette vague de chaleur anormale détériore sérieusement la coloration des agrumes, et provoque des tâches sur les fruits tout en favorisant le développement des parasites et des ravageurs», s'inquiète ce producteur. De même, la qualité gustative et la teneur en eau sont également dégradées. L'inquiétude est d'autant plus grande que les producteurs exportateurs d'agrumes doivent respecter des cahiers des charges concernant les caractéristiques des fruits. «Nous exportons cette années vers la Russie, un marché qui est très regardant sur la coloration et les qualités gustatives. Cette vague de chaleur compromet sérieusement ces deux éléments et peut nous poser des problèmes dans la commercialisation de nos produits à l'export», déplore ce producteur exportateur. Les dégâts touchant l'agrumiculture pourraient frôler les 100.000 tonnes, surtout que certains dégâts sont irréversibles, même si les conditions climatiques reviennent à la normale, et redeviennent favorables dans les jours qui viennent, sans parler des ressources hydriques, déjà dans le rouge, qui s'amenuisent davantage à cause des températures anormalement hautes. Gros dégâts sur l'oléiculture Même son de cloche auprès des producteurs oléicoles. Les producteurs d'olive et d'huile d'olive parlent d'un impact significatif de «deux tiers». Les quantités produites comme la qualité de l'huile triturée seraient impactées par cette forte vague de chaleur. El Hani El Mostafa, gérant du groupement d'intérêt économique GEI Lemta-Fès-Moulay Yacoub, trouve la situation alarmante. «Cette vague de chaleur et le retard des pluies affectent la production oléicole dans la région de Moulay Yacoub. La baisse est estimée à près de deux tiers par rapport de la production annuelle moyenne», estime le représentant de ce GIE oléicole, rappelant que cette région est l'une des plus importantes pour cette culture au niveau national. Mais selon lui, les dégâts ne s'arrêtent pas là. Ils viendraient également impacter la qualité de production épargnée par ces conditions climatiques défavorables. «Le tiers restant est exposé à des maladies, notamment celle de la mouche de l'olive qui est un grand ravageur. De plus, après trituration, le rendement est généralement affaibli de 40 à 50%. L'huile d'olives extraite est aussi de mauvaise qualité», poursuit El Mostafa. Souss : La canicule a affaibli la nappe phréatique En dehors de l'influence de la chaleur sur le processus de maturation des produits, c'est essentiellement la nappe phréatique qui a été impactée durant cette période de chaleur. À l'instar de plusieurs territoires du royaume, la région Souss-Massa-Drâa vient de connaître une grosse vague de chaleur causée par un flux continental sec et chaud. La canicule a atteint des pics de température inhabituels qui ont frôlé le seuil habituel pour se situer entre 37 et 39 degrés. Dans ce genre de situation, il est normal de se poser des questions par rapport à l'impact de cette canicule sur la production agricole de la région du Souss, surtout en ce moment crucial qui coïncide avec le début de la campagne agricole, mais aussi la quasi-absence des précipitions durant cette année. Sur ce denier point, Lahoucine Adardour, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine des fruits et légumes (FIFEL) a tenu à préciser qu'en «plus de l'influence que peut exercer la chaleur sur le processus de maturation des fruits et légumes, c'est essentiellement la nappe phréatique qui a été affaiblie durant cette période de chaleur en montrant des défauts». Effectivement en l'absence des précipitations durant cette saison, l'année hydrologique s'annonce difficile selon le président de la FIFEL pour plusieurs bassins agricoles au niveau de la région, qui souffre déjà du stress hydrique. Pour les producteurs exportateurs affiliés à la FIFEL, la seule échappatoire qui reste actuellement est l'accélération du projet d'irrigation dédié au secteur agricole à partir de la station de dessalement de Tifnit. Dans ce sens, la visite du ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, Aziz Akhnouch, a été déjà programmée le vendredi 17 octobre dernier dans la région pour le lancement du projet d'adoucissement dont la concrétisation est tant attendue. Une visite qui a été reportée. Pour sa part, Hrou Brou, directeur de la délégation régionale d'agriculture (DRA), a souligné que «jusqu'à présent, aucun dommage n'a été constaté au niveau du périmètre agricole Souss-Massa puisque la durée de la canicule a été heureusement limitée dans le temps».