Aujourd'hui et jusqu'au 17 septembre se tient la commission mixte maroco-russe, à Rabat. Les différentes parties y dévoileront leurs stratégies. Le CNCE publie une lettre de veille où il recense les milliards de dollars d'importations alimentaires qui devront être comblés par la Russie suite à l'embargo décrété contre les pays occidentaux. Alors que les producteurs européens cherchent des solutions pour atténuer l'effet de l'embargo russe, les exportateurs marocains de produits alimentaires se frottent les mains, et se positionnent pour renforcer la présence du «Made in Morocco» sur ce gros marché. Aujourd'hui et jusqu'au 17 septembre se tient la commission mixte maroco-russe. Les parties y dévoileront leurs stratégies. La rencontre sera suivie d'un «mini-sommet» maroco-russe en octobre, au cours duquel le roi a prévu de se rendre à Moscou. En attendant, la Russie a décrété un embargo total sur la plupart des produits alimentaires en provenance des pays de l'Union européenne, des Etats-Unis, de l'Australie, du Canada et de la Norvège, suite aux sanctions occidentales mises en place en réaction à la crise ukrainienne. Cette interdiction d'importation concerne les viandes, les poissons, les produits laitiers, les légumes et les fruits. Or, la Fédération de Russie importe aujourd'hui près de 35% de sa consommation alimentaire. Les importations provenant des pays boycottés ont atteint 155,4 milliards de dollars en 2013. «C'est donc une réelle opportunité qui s'offre au Maroc pour se saisir des parts de marché laissées vacantes», souligne le Conseil national du commerce extérieur (CNCE) dans sa dernière lettre de veille, consacrée aux opportunités qui se sont ouvertes aux exportateurs marocains dans cette guerre commerciale qui oppose les pays occidentaux à la Russie. Mieux, l'opportunité ne s'arrête pas là. Les producteurs européens pensent déjà à contourner l'embargo russe à travers des pays tiers; le Maroc apparaît comme un candidat idéal, vu qu'il dispose d'un accord douanier avec la fédération russe. Fruits, légumes et produits de la mer Si le Maroc n'est pas en mesure d'exporter certains produits comme la viande ou le lait, il a toutefois les capacités de satisfaire une part importante de la demande russe en ce qui concerne les fruits, les légumes et les produits de la mer, surtout que le royaume a en quelque sorte une revanche à prendre sur l'Europe qui, en mai dernier, avait durci les conditions d'importation des produits agricoles marocains, impactant directement les opérateurs nationaux. Il faut dire que le Maroc peut faire valoir le fait qu'il se soit intéressé à ce marché bien avant que l'embargo soit décrété. Cependant, après la décision russe, la partie marocaine a décidé de mettre les bouchées doubles pour «combler» le maximum des parts de marchés laissées vacantes par les pays boycottés. Et les parts en question sont réellement significatives. «Les fruits et légumes ainsi que les produits de la mer demeurent les principaux produits marocains qui ont un fort potentiel à l'export sur le marché russe», confirme le CNCE. Aujourd'hui, 55% du volume des exportations marocaines d'agrumes sont déjà destinées à la Russie, représentant 14% de la demande russe, alors que les préparations de poissons marocains ne satisfont que 0,2% de la demande russe, relève le conseil. Adaptation Cela ne rapporte au royaume que 0,6 million de dollars devant une demande globale estimée à 79 millions de dollars. Les importations russes en poissons ont atteint plus de 1,5 milliard de dollars en 2013. Le principal fournisseur est la Norvège, avec une part de 81% dont les 70% sont constitués par les saumons. En imposant cet embargo, la Russie devrait se tourner vers d'autres marchés capables de satisfaire plus que la moitié de sa demande poissonnière. Mais concernant les produits de la mer, l'offre marocaine semble ne pas être adaptée à la demande russe. En effet, la consommation russe en poisson est essentiellement dominée par le saumon, principalement de culture, qui ne figure pas parmi les espèces dont dispose le royaume. Néanmoins, l'essentiel de la production mondiale étant assurée par la Norvège, et donc boycottée par la Russie, les importations de ce pays en poisson est susceptible de suivre les disponibilités du marché, et changer progressivement se habitudes de consommation. Là, le Maroc peut tenter de pousser vers cette tendance. Concernant les fruits, les pays boycottés assurent plus de 27% des besoins russes, soit une valeur de 1,8 milliard de dollars, relève le CNCE. L'Union européenne absorbe à elle seule 17% de la demande. Les pommes et les poires sont les principaux produits exportés. En 2013, les importations russes de légumes en provenance des pays boycottés ont atteint 469 millions de dollars dont 62% sont des tomates. Ces pays absorbent 28% du total de la demande russe en légumes. C'est dire si le Maroc a une carte intéressante à jouer en termes d'exportations de fruits et légumes. Mais l'opportunité ne se limite pas aux fruits, légumes et produits de la mer : une fenêtre s'ouvre également pour l'huile d'olive marocaine, rudement concurrencée par les pays européens du pourtour méditerranéen. L'huile d'olive se positionne aussi Effectivement, comme le souligne le CNCE, l'huile d'olive marocaine pourrait trouver un excellent débouché sur le marché russe. «En effet, elle est quasiment absente sur ce marché qui a réalisé une demande croissante de 13% en moyenne durant les cinq dernières années. Cette demande est estimée à 100 millions de dollars en 2013». Or l'Espagne satisfait à elle seule plus de la moitié de ce besoin, suivie de l'Italie et de la Grèce qui accaparent des parts respectives de 27% et 12%. La Tunisie et la Turquie réalisent quant à elles des parts respectives de 2% et 1%. «Le marché russe, à la différence des marchés occidentaux, ne dispose pas d'une législation propre à l'huile d'olive qui la différencie de différents autres types d'huile, en particulier en matière d'étiquetage. Ce vide législatif peut ouvrir la porte également à l'huile d'argan», estime le CNCE.