La quantification du développement durable passe forcément par la mise en place des indicateurs de mesure composites. C'est le constat largement partagé par les participants aux travaux du 4e symposium international sur le tourisme durable, tenu en début de semaine à Agadir. Aujourd'hui, les indicateurs prétendant mesurer la durabilité ont fleuri, laissant apparaître chaque fois des référentiels divergents en fonction de leurs grilles d'évaluation et d'analyse. Toutefois, les instruments permettant d'évaluer et de suivre la question de la durabilité dans le tourisme sont unanimement reconnus au Maroc. Il s'agit essentiellement de l'éco label «clef verte» qui demeure le plus répandu au royaume, où il est implémenté en plus du label «Pavillon bleu» par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement. Durant l'année écoulée, seulement 57 établissements touristiques ont été certifiés «Clef verte» au Maroc sur la base de 92 critères environnementaux dont la majorité des établissements labélisés se concentre respectivement à Marrakech et dans la région du Souss-Massa-Drâa. En dehors du renforcement du règlement juridique via l'approbation de la loi-cadre 99-12 portant charte de l'environnement, le Maroc a déjà affiché sa volonté pour rattraper son retard en termes de développement durable via ses indicateurs de mesure. En plus de la prise en considération de la question de la durabilité qui revêt un caractère inéluctable dans la vision 2020, le ministère du Tourisme et celui de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement ont déjà signé en mars 2013 une convention-cadre pour la mise en place d'un dispositif de suivi de la durabilité dans le tourisme. Il porte sur des indicateurs de densité touristique et l'impact du développement touristique sur l'environnement. Ce dispositif sera développé en partenariat avec les observatoires national et régionaux de l'environnement. Sur le plan local cette fois-ci, le Réseau de développement touristique rural (RDTR) créé par le Conseil régional du Souss-Massa-Drâa est en train de labéliser son offre provenant de ces structures. Ce collectif de PME touristiques rurales a été déjà créé au niveau de la région et une charte de qualité et d'environnement a été également approuvée par ses membres (cf:www. leseco.ma). Actuellement, une opération d'évaluation visant la classification de 45 établissements sous forme de labels, caractérisée par 1 à 4 fibules a été déjà lancée dans les différentes provinces de la région. Cette démarche s'est déroulée à l'aide d'une grille de critères portant sur la qualité des prestations fournies par l'établissement d'hébergement et le management environnemental. À l'encontre du label «clef verte» qui se positionne principalement sur les questions environnementales, celui du RDTR intègre à peu près 60% des préoccupations quant à la qualité des prestations et 40% des préoccupations qui concernent le management environnemental. Nada Roudies, Secrétaire générale au ministère du Tourisme et présidente du Partenariat mondial pour le tourisme durable «Nous sommes dans une logique de construction d'indicateurs de durabilité» Les ECO : Concrètement, est-ce que la destination Maroc dispose d'indicateurs fiables et quantifiés quant à l'intégration de la composante de durabilité dans le tourisme ? Nada Roudies : Quant on parle de durabilité, il faut prendre en considération ses piliers. Il y a cette équation à résoudre entre le développement socioéconomique et l'impact qu'on peut avoir sur l'environnement. Du côté du développement économique, le secteur a fait ses preuves. Le tourisme est le 1er contributeur en termes de devises et il est également le 2e employeur, avec 10 % de PIB. Pour mesurer réellement l'impact de ce tourisme dans une logique de développement durable, il est primordial de le quantifier. À cet égard, nous sommes dans une logique de construction d'indicateurs et de mise en place d'un dispositif rationnel de quantification. Nous avons déjà posé les jalons pour avoir un développement touristique qui peut être un levier de différenciation dans le pourtour méditerranéen. Dans le cadr de cette stratégie, il s'agit de concilier entre le développement et le respect d'un niveau minimum de croissance dans les destinations dans lesquelles on va développer le tourisme. Puis, on a pensée à la question des outils, notamment le mentoring et le pilotage, le dispositif réglementaire adapté et des incentives adéquats pour le secteur privé, en plus d'une stratégie de communication adaptée. La question de l'engagement du secteur privé a été abordée lors du symposium. Comment comptez-vous impliquer davantage les opérateurs privés, quant à la question de la durabilité ? Ce sont les opérateurs privés qui sont dans la ligne de mire. Donc, il est très important qu'eux également adhérent à cette démarche, en intégrant la problématique de durabilité. Nous avons constaté à travers le panel dédié au secteur privé qu'il y a une prise de conscience par rapport à cette question. Ce dernier commence à investir dans la durabilité, même si l'investissement présente des fois un surcoût. Notre rôle est de sensibiliser les opérateurs, mais aussi de mettre à leur disposition les outils de renforcement de capacité en plus de la question primordiale de la formation. À cet égard, on a initié des caravanes de la compétitivité dans plusieurs régions sur la thématique du tourisme durable. Aujourd'hui, le seul mécanisme avec lequel on travaille est Moussanada Siyahya, qui vise la compétitivité de l'entreprise. En chiffres, quel est le nombre des établissements touristiques labellisés au Maroc en général et dans la région Souss-Massa-Drâa en particulier ? Parmi les indicateurs qu'on compte intégrer dans le dispositif de suivi de la durabilité, il y a la composante des opérateurs labellisés. Vu le nombre de labels qui existent sur le marché, on ne peut pas parler d'exhaustivité. Aujourd'hui, nous comptons une soixantaine d'établissements labellisés clé verte. Au delà des établissements certifiés, on dispose également de réseaux d'acteurs engagés qui commencent à être constitués. Les trophées du tourisme responsable décernés Après la délibération du jury, place à la remise des prix. L'identité des gagnants de la 5e édition des trophées du tourisme responsable a été enfin dévoilée, lors de la cérémonie de remise de prix organisée le lundi soir à Agadir, en marge du 4e symposium international sur le tourisme responsable. Dans une logique d'encouragement des acteurs les plus engagés en matière de durabilité, les vainqueurs de cette 5e édition ont été proclamés devant près de 300 professionnels et institutionnels, appartenant aux différents secteurs d'activité. Les trophées Maroc du tourisme responsable ont été attribués à six projets touristiques dans les thématiques du concours. Dans la catégorie développement économique et social, l'agence de voyage «Terre nomades», spécialisée dans l'écotourisme, a gagné cette catégorie, ex æquo avec la Kasbah de Timadarte, située dans la vallée de Drâa. À travers son association «Anergui», Terre nomades apporte un soutien financier aux projets de développement communautaires initiés dans la vallée, tels que la santé, l'éducation, l'agriculture et l'artisanat local, tandis que l'association «Taskala» pour le développement du village «Timdart», générant des projets de développement où les touristes sont sensibilisés pour préserver l'environnement naturel et culturel de la région. Quant à l'autre prix dans la même catégorie, il a été remporté par le Club Med pour son projet Igran Asni de l'agriculture solidaire. Le projet est réalisé par la fondation Norys à Marrakech. Il a permis de professionnaliser et de développer la production agricole de 18 petites exploitations, en plus de la coopérative «Tifaouine». La ferme d'hôtes Sawadi situé à Skoura a gagné le prix de la préservation de l'environnement. Pour sa part, le trophée des valeurs, traditions et cultures a été attribué à Jean-Pierre Datchary pour sa création de randonnées chamelières pour la découverte du Maroc. Dans la catégorie trophée développement durable et social, c'est «Native», hôtels et tourisme qui a remporté ce prix. Par ailleurs, signalons que la 5e édition a drainé 25 candidatures reçues, dont 8 candidatures internationales et 17 candidatures nationales. Par catégorie, les gagnants sont 11 établissements d'hébergement, 7 tours opérateurs, 3 associations et 4 acteurs du tourisme responsable. Recommandations Les congressistes ont insisté sur le fait d'impliquer davantage le secteur privé puisque l'implémentation de la stratégie dépend de cette partie prenante. Le symposium a recommandé aussi le renforcement de la gouvernance locale et la mise en place d'outils de mesure. Pour cela, les participants ont appelé d'emblée à innover pour gagner le défi de la compétitivité. Ils ont aussi appelé à l'implication des élus appartenant aux collectivités locales et territoriales. * tourisme