Comme le veut l'usage, le rapport Doing Business est très probablement prévu juste après la rentrée. Ce n'est donc, sûrement pas un hasard si le Comité national de l'environnement des affaires (CNEA) a choisi ce timing pour effectuer sa première sortie médiatique. En effet, le lundi 30 mai a été marqué par l'organisation d'un colloque d'information du CNEA ayant pour but de communiquer sur les axes de travail du comité, des réalisations au titre de l'année 2010, mais aussi des perspectives pour 2011. «Nous nous devons de faire part de nos travaux», argue d'emblée Mohamed Horani, président de la CGEM et partenaire privilégié du CNEA. Le Comité, institutionnalisé par décret en octobre 2010, est issu d'un partenariat privilégié entre les secteurs public et privé avec notamment la CGEM mais aussi le GPBM ou encore la Fédération des Chambres de commerce. Après quelques mois de travaux, la volonté de communiquer du Comité est donc affichée, surtout à destination des institutions et opérateurs internationaux. Ce n'est pas pour déplaire aux nombreux opérateurs privés, mais aussi aux experts et autres avocats d'affaires présents en nombre pour l'occasion. Ces derniers, en particulier les avocats, fustigent l'opacité du travail du comité et ont fait part de leur besoin irrépressible d'exprimer leurs doléances en la matière. «C'est justement le but de cette rencontre», signifie Salwa Karkri Belkeziz, représentante de la CGEM au sein du CNEA. Au titre de l'année 2010, le Comité avait établi un ordre de priorité en expliquant que «certains axes de réformes ont été jugés stratégiques et ont suscité un intérêt particulier. Bien que tous les chantiers soient menés concomitamment, un rythme soutenu a été imposé aux commissions chargées des dossiers prioritaires». Ces fameux axes concernent la réglementation des affaires, la simplification des procédures administratives, la mise en place de mécanismes de lutte contre la corruption, la promotion de la médiation et de l'arbitrage, mais aussi l'amélioration de l'attractivité du Maroc de manière générale. Des chantiers d'importance sur lesquels les membres du comité demandent des actions concrètes. «Notre objectif n'est pas de concevoir des théories, nous nous inscrivons dans une logique concrète», argue Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales, avant d'affirmer : «Les premières actions que nous avons entreprises ont bénéficié d'une forte adhésion». Mais quelles sont ces actions concrètes ? Concernant la réglementation des affaires, il y a le projet de décret sur les marchés publics. «Un projet prioritaire dont l'adoption et l'application ne sauraient tarder», avance-t-on du côté du CNEA. Il serait à l'étude finale au sein de la commission des marchés publics du Secrétariat général du gouvernement. Il y a aussi le projet de décret portant sur la création de l'identifiant commun de l'entreprise. Ce dernier a d'ores et déjà été adopté par le Conseil des ministres et serait en cours de signature par le Premier ministre, qui préside par ailleurs le Comité national de l'environnement des affaires. Toujours au registre de la règlementation des affaires, la réforme de la loi sur la SARL a été, elle aussi, adoptée par le Parlement en avril dernier et porte notamment sur la suppression du capital minimum et de la formalité de blocage du capital. Dématérialisation vs corruption Pour ce qui est de la simplification des procédures, l'exemple de la douane est porté en exemple dans le sens de la mise en œuvre de la dématérialisation qui est à cheval avec un autre axe de travail important pour le CNEA. «Plus nous généralisons les procédures en ligne, moins les gens sont tentés par la corruption», relève Salwa Karkri Belkeziz. Sur ce fléau, les membres du Comité évoquent l'avancée réalisée, grâce notamment à l'Instance centrale de prévention de la corruption qui a mis en place un portail internet permettant de dénoncer les situations d'abus ou de corruption administrative. Depuis son lancement, ce portail aurait enregistré plus de 600 dénonciations. Autre axe prioritaire, la promotion de l'arbitrage et de la médiation au Maroc, portée par une commission public-privé. Un travail de formation est effectué et le comité explique que le chantier est entré dans une deuxième phase qui porte sur l'assistance et le renforcement des centres de médiation. Dans son volontarisme communicationnel, le Comité a aussi affiché ses ambitions pour l'année en cours. Deux problématiques importantes ont été identifiées et cristallisent les ambitions du Comité à fin 2011. D'abord, l'accès au foncier qui représente un véritable obstacle pour les investisseurs. Toutefois, la représentante du ministère de l'Habitat et de l'urbanisme élude la responsabilité exclusive du ministère en invoquant la transversalité de ce chantier. Deuxième chantier, l'environnement régional des affaires. Une révision du périmètre des CRI est en cours pour mieux appréhender les moyens d'améliorer les conditions d'investissement. L'essentiel reste à faire Cependant, au-delà du volontarisme affiché par le CNEA, l'essentiel reste à faire. Ainsi, l'assistance n'a cessé d'interpeller les responsables sur une multitude de préoccupations et d'actions à leur sens prioritaires, peut-être encore plus que celles qui ont été jugées comme telles par le CNEA. «Il faut dépénaliser le droit des sociétés», s'exclame, frondeur, Houssine Sefrioui de l'Union internationale du notariat, avant de proposer : «Les documents peuvent être pris en charge par les notaires, cela représentera un gain de temps considérable». Un autre expert a, quant à lui, demandé à ce que la loi ne soit plus confectionnée que pour les Marocains et prenne en compte les doléances des entreprises étrangères. Une avocate d'affaires va plus loin en dénonçant : «Pour les marchés publics, il n'y a aucune possibilité de négocier. Certains opérateurs s'en vont, vu qu'ils estiment être dans l'incapacité objective de remplir les conditions de ces marchés», avant de surenchérir : «Cela amène à ce que l'on règle ça «entre amis», vu que tout le monde sait que les conditions du marché ne peuvent être remplies». L'avocate demande surtout à avoir des interlocuteurs valables, en matière juridique, pour pouvoir travailler en harmonie. Enfin, au niveau de la communication, d'autres doléances ont été exprimées, notamment en ce qui concerne la diffusion des circulaires. «Vous nous avez parlé de circulaires dont nous ne sommes pas au courant, alors que nous travaillons avec les services concernés tous les jours», déplore l'avocate. D'évidence, si le CNEA enregistre des avancées relatives qui entendent porter le Maroc au niveau requis en termes d'environnement des affaires, le travail qui reste à faire est colossal et un saut qualitatif du Maroc dans le classement du Doing Business n'est sûrement pas encore pour cette année...